"Your sons and your daughters are beyond your command / you old road is rapidly agin' / please get out of the new one if you can't lend a hand / for the times they are a-changin' "
Dans les années 60, la jeunesse, incarnée par les "enfants-fleurs", fait souffler un vent nouveau sur le monde. A travers le récit de sa carrière d'éditeur de magazines underground,
Richard Neville fait revivre cette ère de révolte.
Parti d'Australie, Neville, après un détour asiatique, débarque dans le swinging London. Là, Neville va monter la version anglaise du magazine Oz (il était déjà à l'origine de la version australienne), véritable reflet de la jeunesse contestataire et de la contre-culture qui connaîtra des déboires judiciaires retentissants.
On suit Neville pas à pas et c'est toute une époque qui prend vie sous sa plume. "Hippie, hippie shake" rappelle que ce mouvement allait bien plus loin que le simple "sexe, drogues et rock'n'roll" auquel on le réduit aujourd'hui. Il s'agissait pour la jeunesse de se révolter contre un ordre établi régi par des valeurs conservatrices en lesquelles elle ne se reconnaissait pas. Neville rappelle le contexte social et moral de l'époque : la guerre du Viet-Nam, la censure (on parle d'un temps où "Last exit to Brooklyn" ou les oeuvres de
Genet étaient interdits), l'homosexualité perçue comme une perversion, l'avortement pénalisé... Il s'agissait pour cette génération en colère d'une remise en cause totale du système.
Neville a tant à raconter, il a côtoyé tant de personnalités hors normes que son récit est décousu, parfois confus, il part dans tous les sens, on s'y perd parfois. A l'image de la vie qu'il a mené, son livre est une ébullition d'idées, de fêtes, de rébellion. On y croise des grandes figures de l'époque :
Jean-Jacques Lebel (un des héros de mai 68), Abbie Hoffman,
Jerry Rubin...
La musique était alors le reflet de cette génération rebelle, les musiciens, des portes-parole. le récit est rythmé par les chansons de Dylan, des Who, des Stones... Les artistes d'alors, loin d'être déconnectés de la société, étaient partie intégrante de la contestation, que ce soit par des paroles de chansons, par des actions médiatiques ou du mécenat (comme ont pu le faire John et Yoko par exemple) quand ils n'étaient pas carrément eux-mêmes des activistes, tel Mick Farren, le leader des excellents Deviants.
A la lecture de ce livre, on ne peut s'empêcher d'envier la génération qui a connu cette époque exaltée et bouillonnante. Ces "enfants-fleurs", même s'ils ont par la suite vu leurs espoirs déçus, ont eu la chance de ressentir le désir ardent de changer le monde et surtout ils avaient la folie de croire qu'ils y parviendraient.
"Hippie, hippie shake" est un récit jouissif et exaltant, un voyage dans le temps à une époque où une jeunesse avide de liberté, d'amour et de paix s'est révoltée contre l'ordre établi, un récit à la fois touchant et lucide, jamais cynique qui dégage une énergie vivifiante qui donnerait envie d'y croire à nouveau.
Challenge Variété 21 (catégorie "un livre de plus de 500 pages")
Challenge Musique 3