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EAN : 9781271700608
384 pages
Nabu Press (12/11/2011)
4.29/5   7 notes
Résumé :
Il s'agit de l'histoire de Jean-Pierre Clavel, ouvrier de Saverne et orphelin élevé par une brave marchande des quatre saisons, la mère Balais, pauvre mais généreuse, qui a fait de lui un bon artisan et l'a envoye a Paris pour se perfectionner dans son état de menuisier. A Paris, Jean-Pierre se loge dans le quartier des Ecoles, ou il retrouve Emmanuel, un de ses anciens camarades, étudiant en droit, qui lui fait decouvrir la capitale. Il est embauche dans l'atelier ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Histoire d'un homme du peuple
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Superbe histoire, très bien écrite !
En Alsace, 1838. Jean-Pierre Clavel , 9 ans, a perdu ses parents, il est adopté par la mère Balais, de Saverne. Son enfance est partagée entre les délicieuses escapades en forêt, baignades en rivière, et la fréquentation de l'école primaire, où la mère adoptive découvre avec joie qu'il a du coeur, du courage. Et puis il y a la petite Annette ! Pendant qu'Emmanuel, le fils du juge va au collège, lui se fait embaucher comme apprenti chez le menuisier. Mais la famille d'Annette hérite, la mère est gonflée d'orgueil, Annette ignore Jean-Pierre. Dégoûté, celui-ci "monte à Paris" avec une recommandation de son maître artisan...
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Dans mon corps coule du sang d'Alsace-Lorraine, et je suis fier de découvrir deux écrivains Alsaciens, Erckmann et Chatrian, de cette qualité !
Je redécouvre la France de mes grands-pères, du temps où l'on ne mâchait pas ses mots, et où un p'tit bézot pouvait recevoir une calotte, et même un aller et retour. Je pense que cette France rurale a peu changé entre le début du XIX è siècle et le début du XX è.
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A Paris, Jean-Pierre retrouve son ami Emmanuel, étudiant, et le père Perrignon, ancien de "la révolution de juillet " 1830, qui l'initient à la politique, et à la grandeur du peuple français. Nous découvrons le Paris boueux, encombré, mais magnifique de 1847.
Nous sommes à la veille de cette troisième révolution française, celle de février 1848, vécue en direct-live derrière les barricades par Jean-Pierre. Je la comprends mieux à présent. Louis-Philippe dispose de 50.000 hommes armés : les municipaux et les "hommes de ligne", les soldats, fils de paysans. Les gardes nationaux, artisans, sont dans l'opposition. Mais le roi préfère abdiquer devant quelques centaines d'insurgés, refusant, avec Guizot, la réforme du vote. On voit alors Jean-Pierre et les insurgés envahir les magnifiques Tuileries et toutes ses richesses, le bas peuple se saoulant avec les bonnes bouteilles du roi. On a l'impression de revivre l'invasion des Tuileries dans la biographie de Marie-Antoinette, par Stefan Zweig !
On voit Arago sur les barricades, vieillard superbe ; Louis Blanc, le communiste ; on assiste à la belle proclamation de la deuxième république par Alphonse de Lamartine.
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Ce fut une révolution en douceur, avec peu de morts. Mais bientôt, la crise de juin 1848 sera plus meurtrière, et trois ans plus tard, il y eut l'usurpation de la république par Napoléon III, vilipendé par Victor Hugo dans "Napoléon le petit".
Another brick in my wall... !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Je ne sais pas ce que les camarades étaient devenus. Les uns avaient pris à droite, les autres à gauche, comme dans une église ; car toutes ces salles superbes aboutissaient les unes dans les autres, toujours avec la même beauté. Emmanuel et moi nous allions seuls ; il me disait :
– Tout cela, c’est le bien de la nation, Jean-Pierre. Il faut tout respecter… C’est notre bien !…
 
Je lui répondais :
– Ça va sans dire ! Nous l’avons gagné, et si ce n’est pas nous, ce sont nos pères, les bûcherons, les vignerons, les marchands, les laboureurs, tous ces malheureux qui travaillent et suent du matin au soir pour l’honneur de la France. Nous serions bien bêtes de gâter notre propre bien. Et nous serions des gueux d’avoir l’idée de rien prendre, puisque c’est à tous.
 
J’avais des idées pareilles, qui m’élevaient l’esprit et me faisaient voir les choses en grand ; mais j’ai bien reconnu par la suite que ce n’étaient pas les pensées de tout le monde, ni le moyen de s’enrichir. Enfin, j’aime pourtant mieux être comme cela.
 
Et regardant de la sorte ces richesses, nous arrivâmes au fond, dans une autre salle en travers de la nôtre. Je ne saurais pas dire si c’était la salle du trône, ou la chambre à coucher de Louis-Philippe. Elle était plus large que la première et moins longue, éclairée par les deux bouts, remplie de peintures, et sur la gauche, dans l’épaisseur du mur, se trouvait une niche en forme de chapelle, recouverte de tentures à franges d’or. Dans le fond, entre les tentures, je voyais une sorte de lit ou de trône. Emmanuel et moi nous ne voulûmes pas entrer, pensant que cela ne convenait pas.
 
Nous étant retournés au bout de quelques instants, nous vîmes devant une table ronde et massive en marbre rose, un homme assis, qui mangeait un morceau de pain et du fromage dans un papier. Nous ne l’avions pas vu d’abord. C’est pour vous dire combien ces salles étaient grandes, puisqu’un homme ne se voyait pas, en entrant du premier coup d’œil. Emmanuel lui dit :
– Bon appétit !
 
L’autre, avec un chapeau à larges bords et une camisole brune, la figure pleine et réjouie, le fusil en bandoulière, lui répondit :
– À votre service !… Tout à l’heure nous irons boire à la cave.
 
Il riait et clignait des yeux.
Dans ce moment, on commençait à entendre un grand murmure dehors, un tumulte, des coups de fusil. Nous allâmes regarder aux fenêtres ; c’était la grande masse du peuple qui s’approchait au loin sur la place du Carrousel avec défiance. Nous pensions :
« Vous pouvez venir sans crainte ; on ne vous gênera pas ! »
 
Et songeant à cela, nous continuions à marcher lentement, regardant tout avec curiosité. Nous arrivâmes même dans un théâtre, où la toile du fond représentait un port de mer. Plus loin, nous entrâmes de plain-pied sur le balcon d’une chapelle ; la chapelle était au bas, avec des vases d’or, des candélabres et le saint-sacrement. Il y avait des fauteuils, et, sur le devant du balcon, une bordure en velours cramoisi. C’est là que Louis-Philippe écoutait la messe. Comme nous étions fatigués, nous nous assîmes dans les fauteuils, les coudes sur ces bordures. Emmanuel alluma sa pipe, et nous regardâmes longtemps cette chapelle avec admiration.
 
À la fin il me dit :
– Si quelqu’un m’avait annoncé hier, quand cinquante mille hommes défendaient les Tuileries, que je fumerais aujourd’hui tranquillement ma pipe dans l’endroit où la famille du roi, la reine, les princes, venaient entendre la messe, jamais je n’aurais pu le croire.
 
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Si le peuple était instruit, le suffrage universel serait très bon ; mais dans ce moment où le quart de la nation ne sait pas lire, l’adjonction des capacités me paraît meilleure. Guizot et Louis-Philippe ne veulent dans leur Chambre que l’esprit de gain et d’avarice, qu’ils appellent l’esprit d’ordre, de conservation ; ils repoussent l’esprit d’honneur, de justice et de liberté, qui fait pourtant seul les grandes choses : ils repoussent l’adjonction des capacités. Odilon Barrot et Duvergier ne demandent que cela pour le moment ; je leur donne raison. Il faut d’abord instruire le peuple, et quand il est instruit, lui demander son avis.
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Cela dura trois ans. J’étais alors l’un des premiers de l’école ; je savais mon catéchisme, j’avais une belle écriture, je connaissais un peu d’orthographe et les quatre règles. Il était temps de faire ma première communion et d’apprendre un état.
La mère Balais me répétait souvent :
– De mon temps, Jean-Pierre, où le courage et la chance faisaient tout, je t’aurais dit d’attendre tes dix-huit ans et de t’engager ; mais je vois bien aujourd’hui ce qui se passe : la vie militaire n’est plus rien ; on traîne ses guêtres de garnison en garnison, on va quelques années en Afrique pour apprendre à boire de l’absinthe, et puis on revient dans les vétérans.
Emmanuel Dolomieu, le petit Jean-Paul et plusieurs autres de mes camarades étudiaient depuis quelques mois le latin au collège de Phalsbourg, pour devenir juges, avocats, notaires, officiers, etc.
M. Vassereau soutenait que j’avais plus de moyens qu’eux, et que c’était dommage de me laisser en route ; mais à quoi servent les moyens quand on est pauvre ? Il faut gagner sa vie !
Une grande tristesse m’entrait dans le cœur ; mais je ne voulais pas chagriner la mère Balais et je lui cachais mes peines, lorsque vers la fin du printemps il arriva quelque chose d’extraordinaire que je n’oublierai jamais.
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Ceux qui veulent arrêter la justice, dit-il, ne sont pas au bout de leurs peines ; s’ils pouvaient nous donner des enfants, cela pourrait réussir, mais nous les faisons nous-mêmes et nous les élevons dans nos idées. Regarde ! tout cela, c’est pour aider la Révolution ; c’est du bon grain, cela pousse pour réclamer des droits et remplir des devoirs. Nous sommes des milliers comme cela. Tout marche, tout grandit ; ce qu’on fauche ne vaut pas la peine d’en parler. On nous avait abrutis pour nous conduire et nous opposer les uns aux autres ; mais ces temps-là sont passés, la lumière descend partout. Quoi qu’on fasse, l’avenir est aux peuples. On met l’éteignoir sur une chandelle, on ne peut pas le mettre sur le soleil.
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Erckmann et Chatrian : Gens d'Alsace et de Lorraine
Olivier BARROT signale la publication aux Presses de la Cité (collection Omnibus) de "Gens d'Alsace et de Lorraine" d'ERCKMANN-CHATRIAN. Ce gros ouvrage rassemble six des Romans et Contes des deux célèbres Alsaciens.
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