Histoires extraordinaires d'un voyant

L'éducation qu'on nous dispensait développait notre connaissance instinctive du mécanisme policier et aussi notre intérêt pour les hors-la-loi. En somme, nous vivions constamment sur le pied de guerre. Je savais que la ruse et la patience étaient mes seules chances et je fourbissais ces armes qui n'étaient pas de mon âge.

Cette histoire d'un voyant est souvent l'histoire des autres. Des autres au sens le plus large : hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres, méchants et bons, sages et fous. Ceux qui connaissent le drame ou la passion et ceux qui n'ont rien dans leur vie et qui en font un monde, comme il est naturel, car la plus humble existence est immense, fût-ce de l'immensité du désert.

Le mot « voyance » recouvre aux yeux du public un domaine assez étroit. Sceptiques ou non, beaucoup de gens imaginent le voyant avec une lorgnette braquée sur l'avenir, déchiffrant — ou faisant semblant de déchiffrer — les lignes directrices d'un destin et établissant à partir de là une carte de l'avenir précise comme un horaire de chemin de fer

Il y a deux ans, une crise économique terrible a secoué le Nouveau-Monde, puis le Vieux-Monde. Entre ces séismes, la France vit de souvenirs et d'illusions. La vie n'est pas facile pour la classe ouvrière, ni pour les petits possédants, ni pour personne d'ailleurs : les fortunes vacillent, s'ébrèchent, s'écroulent.

Le simple fait de prêter son nom à une bague ou à une médaille eût aussitôt fait de moi, non pas un personnage hors du commun, mais un annonceur, celui qui garantit le bonheur par l'intermédiaire d'objets fabriqués comme des savonnettes. D'une certaine manière, on m'assimilait à un produit de consommation.