Histoires vraies ils ont vu la vie après la mort

voit pas immédiatement que son corps est resté quant à lui allongé dans son lit.
C’est seulement lorsqu’elle se rend compte qu’elle n’est pas debout sur ses deux jambes, mais bien en
train de flotter quelques centimètres au-dessus de son corps qu’elle comprend qu’il se passe quelque chose
d’anormal. Elle sent que la douleur est en train de disparaître progressivement, mais sait que ce n’est pas une
bonne nouvelle.
Petit à petit, son esprit s’élève dans les airs, toujours parallèlement à son corps qui a cessé de se tordre de
douleur sur son lit. Elle comprend alors qu’elle est en train de mourir. Mais il est trop tard pour en avertir les
personnes concernées. L’univers de la chambre devient gris, les couleurs s’estompent pour ne laisser place
qu’à un décor en noir et blanc. Cependant, tout est plus précis. Shaida mémorise chaque partie de la pièce
comme si elle prenait des clichés photographiques et que tous se compilaient dans un coin de son cerveau
avec une netteté accrue. Comme pour s’en souvenir, pour emporter des traces de ce monde-ci dans le
prochain. Ce qui était étrange, confiera plus tard Shaida, c’est que chaque objet de la pièce était devenu
transparent : elle pouvait en voir les contours, mais également ce qu’ils contenaient. Elle fait alors la liste de
tout ce qui se trouve dans cette chambre aux différents niveaux de gris et tente de se souvenir de tout pour
être capable de raconter cette dernière vision dans le monde suivant. Pourquoi ? Elle ne le sait pas. Mais, à
cet instant, il lui semble essentiel pour une raison indéterminée de lister les objets qui l’entourent.
Ce qui la trouble, c’est qu’elle est alors plongée dans le silence le plus total. En comprenant qu’elle ne
peut plus entendre, elle sait que la mort est en train de survenir et d’atteindre son coeur. Comme si le monde
était en train de se refermer sur elle. Après le silence, elle sait qu’il y aura le noir complet.
Et puis plus rien. Son esprit continue de s’élever dans la pièce et, au fur et à mesure, sa conscience
devient de plus en plus en alerte. Elle découvre un savoir qu’elle n’a jamais eu. Une sorte de lucidité sur
l’avenir et ce qui va s’y dérouler. Au lieu de l’apaiser, cette prise de conscience la plonge dans un état de
panique.
Cet environnement lui semble extrêmement hostile, et la peur s’empare de son esprit. Elle sait pourtant
que tout cela n’a rien à voir avec une certaine folie ou tout autre désordre mental ; elle est au contraire dans
un état de lucidité qu’elle n’a jamais connu. Le sentiment le plus difficile est celui de la solitude qui s’empare
d’elle. Elle réalise qu’elle est en train de mourir, seule, sans son mari à ses côtés, sans sa petite fille qui vient
de naître, sans médecins témoins de ce qui se passe.
Le temps s’arrête. Tout devient éternité, sans délimitation. Shaida a peur et froid. Elle sait qu’elle vit ses
derniers moments sur terre et pense à son bébé. Elle voit son avenir difficile si elle venait à mourir. Les
perspectives peu encourageantes d’une petite fille qui n’a pas eu de mère.
Shaida ne peut pas se résoudre à ne pas essayer de lutter. Pendant ce temps, sa conscience est montée
jusqu’au plafond de la chambre d’hôpital. Elle contemple désormais le corps crispé par la douleur, figé dans
son état de souffrance. Sans savoir vraiment pourquoi, Shaida sait que, si son esprit sort de cette chambre, si
elle traverse le plafond, elle ne reviendra pas.