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EAN : 9782226437440
224 pages
Albin Michel (29/08/2018)
3.28/5   32 notes
Résumé :
Nous sommes en train de comprendre ce qui s'est passé depuis cinquante ans.
L'hystérie du monde du travail, la grande protestation des peuples, l'enfermement des nouvelles générations dans une espèce de présent perpétuel, sont les conséquences de l'effondrement d'une civilisation: celle de la société industrielle.
L'une après l'autre, les utopies de gauche et de droite se sont fracassées sur une réalité qu'il est désormais possible de désigner par so... >Voir plus
Que lire après Il faut dire que les temps ont changé... Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Le monde actuel nous paraît prendre une mauvaise tournure et générer de nombreuses désillusions. A partir d'un vaste pot-pourri d'idées développées par d'autres, le propos de Daniel Cohen est de donner une explication à l'état du monde présent en retraçant ce qui s'est passé ces 50 dernières années et qui nous a mené vers une société post-industrielle et même digitale dans sa dernière phase. Pas d'idées nouvelles et originales dans cet essai mais une synthèse assez bien faite, même si elle est simplificatrice, et finalement agréable à lire sur le monde de ces 50 dernières années. On notera que la problématique environnementale occupe très peu de place dans ce livre écrit il y a 2 ans à peine. Il en serait surement autrement aujourd'hui.

Le livre part de Mai 68. Pour Daniel Cohen, il n'est pas juste d'accuser Mai 68 d'être la cause des problèmes ultérieurs ; au contraire c'est pour lui le syndrome que quelque chose commençait à se détraquer. La société industrielle née notamment de l'organisation tayloriste de la production arrive alors en bout de souffle. La société dans laquelle la jeunesse représente une part de plus en plus importante doit évoluer. le mécontentement de la fin des années 60 exprime en réalité deux critiques bien différentes qui ont pu se rejoindre, notamment dans la version française de Mai 68: l'une s'attaque au carcan de la vie bourgeoise (c'est une critique sociétale) ; l'autre s'attaque au capitalisme (c'est une critique économique). Freud et Marx seront donc réunis pour former le socle de la contestation (chez des penseurs comme Marcuse ou Reich) alors qu'au même moment une grande partie des intellectuels français penchent du côté du structuralisme et selon Cohen ne comprennent pas vraiment que Mai 68 est l'expression d'un individualisme libéré.

Peu de temps après la contestation des années 60, le monde occidental plonge dans la crise à partir de 1973. Celle-ci déclenche une désindustrialisation massive. Pour Cohen l'économiste, cette crise traduit le moment où les gains de productivité qui font monter la production et baisser les prix ne suffisent plus à alimenter la demande car celle-ci a atteint son point de saturation lorsque les taux d'équipement des ménages sont proches de 100%. C'est alors le début d'un cercle vicieux : diminution des emplois, chômage, fin de la hausse rapide du pouvoir d'achat. Cohen évoque alors les tentatives de réponse alternatives apportées à la crise du système productiviste d'une société de consommation. C'est l'échec des tentatives de retour à une vie autarcique et communautaire. La crise produit aussi dans les années 70 des réponses violentes avec la montée des mouvements terroristes et une hausse de l'insécurité.

Par un mouvement de balancier, les années 80 sont celles de la révolution conservatrice qui porte au pouvoir Reagan aux Etats-Unis et Thatcher au Royaume-Uni. Ce mouvement allie néolibéralisme économique et conservatisme moral. Cohen rattache ce mouvement de la gauche vers la droite qui a balayé le monde entre deux décennies à l'opposition historique entre deux traditions : celle des Lumières qui promeut un arrachement aux traditions religieuses et culturelles pour accéder à la véritable nature universelle de l'homme, à celle des Romantiques qui ne croit à l'universel que lorsqu'il se concrétise concrètement dans le particulier. Les néo-conservateurs sont les héritiers des Romantiques et prônent l'enracinement dans la tradition.

La fin des années 90 voient la croissance revenir. Certains ressortent alors la théorie des cycles de Kondratiev qui avait montré dans les années 20 que le monde obéissait à une alternance de cycles de croissance et de crise d'une durée de 25 ans. Mais les crises du début des années 2000 et de 2008 montre que le modèle ne marche plus. Cohen explique que la croissance est revenue suite à un changement survenu dans l'organisation du capitalisme. Les entreprises ont externalisé le plus de tâches possibles afin de réduire les coûts. Les entreprises les plus profitables sont celles qui ont la plus faible part d'employés ramenée à leur chiffre d'affaires. le partage de la richesse devient alors de plus en plus inégalitaire. Une partie des travailleurs se paupérise. Une partage des tâches se met en place entre pays, phénomène qui fait partie de la mondialisation.

Cela alimente la montée du populisme dont le spectre est venu remplacer celui du communisme disparu avec la chute du mur de Berlin. le populisme a pris une importance croissante comme en témoigne le Brexit ou l'arrivée de Trump au pouvoir, résultat d'un désir presque puéril d'abolir les règles fixées par les élites, d'une peur de l'avenir, d'une perte de confiance de la société en elle-même. Cohen fait alors le parallèle avec les années 30 et la montée du nazisme en s'appuyant sur les idées développées par Hannah Arendt : perte de repères des classes populaires, sentiment d'un déclassement. Cohen met en avant le score de l'extrême droite en France là où l'insécurité économique et la perte du lien social sont les plus fortes. Les immigrés deviennent alors des boucs-émissaires alors que les analyses économiques ne montrent généralement pas d'effet négatif de l'immigration. le racisme sous-jacent dans la société s'exprime de nouveau ouvertement.

Cohen évoque alors la violence djihadiste, très différente de celle du terrorisme des années 70, car foncièrement nihiliste.

Dans la dernière partie de son essai, Cohen traite de l'avènement de la société digitale. A l'origine de celle-ci, on retrouve les idéaux qui avaient fleuri dans les années 60, libertaires et humanistes. Cohen met en avant un problème économique fondamental : le monde a besoin de croissance. Pour alimenter cette croissance et pour cela créer de la productivité, on n'a pas trouvé d'autre moyen que de numériser l'être humain. Nos vies deviennent des données et c'est cela qui permet des économies d'échelle.

Face au développement exponentiel de l'intelligence artificielle et à la place grandissante des robots la question est alors de savoir ce qui restera de la responsabilité des humains. La disparition parfois annoncée des emplois remplacés par des machines n'est pas inéluctable. Mais aujourd'hui beaucoup d'emplois spécifiquement réservés à l'être humain comme les services à la personne sont souvent les plus mal payés et cela ne semble pas être la solution d'avenir. Cohen met cependant en avant que lors des grandes ruptures technologiques passées (machine à vapeur, électricité), les prédictions sur les conséquences ont été totalement infirmées par la réalité. On sait très mal prévoir l'avenir lorsqu'il y a rupture. Cohen rappelle simplement que les humains restent meilleurs que les robots dans les situations où il faut gérer des contradictions et de l'incertitude.

L'idéal émancipateur de 68 a été mis en avant pas les pionniers d'internet et du digital. Mais il faut constater aujourd'hui que le digital est plutôt devenu une nouvelle aliénation avec l'addiction aux réseaux sociaux ou à nos téléphones portables et l'apparition d'une certaine désocialisation.

Face à cela, Cohen appelle ainsi à une régulation des géants du net, à une éducation des jeunes aux dangers du net, à créer des sécurisations nouvelles pour les travailleurs (par la mise en place du revenu universel par exemple), à ne pas oublier le bien commun.
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Sociologie, histoire culturelle et théories économiques : en revisitant les changements et les courants de pensée de ces cinquante dernières années, l'auteur brasse les idées et donne une impression de déjà-lu. Il multiplie les références avec une aisance hypnotique (un index des ouvrages cités aurait été utile).
Le titre me fait penser aux formules de Jean d'O : il faut dire que les temps ont changé - mais non, en fait ce sont les paroles d'une chanson ; vive la culture populaire. Cependant, plus loin, un sous-titres à la fin de l'ouvrage sonne mieux : « de Dylan à Deepmind ».
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Très intéressée par le sujet, car moi-même persuadée que notre société est dans un profond déclin.
Grande lectrice, je n'ai pas adhéré avec le style, je n'arrive pas à lire, je décroche.
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J'ai été particulièrement intéressé par les passages politiques, puisque quand j'ai lu le livre nous étions en pleine élection à la présidentielle de 2022. Et j'ai donc pu faire les parallèles assez facilement entre les candidats, puisque finalement c'est presque toujours les mêmes tête que l'on voit se présenter à l'élection année après année. Notamment cette année avec le Pen et Zeymour, dont le dernier fait passer Marine le Pen pour un agneau (une hérésie si on nous l'avait dit à l'élection d'avant). J'ai relevé un passage intéressant puisqu'il fait écho au monologue de Zeymour et son « grand remplacement »
Lien : https://mellecupofteabouquin..
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critiques presse (3)
LaViedesIdees
30 octobre 2018
Daniel Cohen aborde avec une inquiétude rarement perceptible chez les économistes les mutations de notre monde globalisé. L’avènement de l’homo digitalis, les réseaux sociaux, la robotisation des économies appellent à chercher les voies d’une maîtrise collective des bouleversements à l’œuvre.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
NonFiction
12 octobre 2018
Le nouveau livre de Daniel Cohen embrasse énormément de sujets au risque de perdre parfois son lecteur. Le rappel de faits ou d’épisodes bien connus de l’histoire des cinquante dernières années, qui occupe de nombreux chapitres et permet certes de s’immerger dans le contexte d’époque, semble quelquefois se substituer à une argumentation plus poussée. De sorte qu’il peut être difficile, à première vue, de saisir ce que l’auteur veut dire précisément.
Lire la critique sur le site : NonFiction
LesEchos
17 septembre 2018
Dans son dernier ouvrage, Daniel Cohen revisite l'histoire des pays occidentaux depuis les années 1960 pour comprendre le monde qui vient. Un ouvrage éclectique et érudit qui raconte l'effondrement de la civilisation industrielle et décortique le mal-être des sociétés occidentales.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Après de nombreux tâtonnements, il semble que la société postindustrielle ait trouvé une voie, et un nom pour se définir en propre : la société digitale. Pour trouver du " rendement", elle exige de chacun qu'il entre, comme un suppositoire, dans le grand corps cybernétique, pour devenir une information qui puisse être traitée par une autre information. Les logiciels, l'intelligence artificielle, vont pouvoir s'occuper d'un nombre illimité de clients, les soigner, les conseiller, les divertir, à condition qu'ils aient été préalablement numérisés. Le film "Her", prophétique, met ainsi en scène un logiciel "affectif", dont la voix envoûtante est celle de l'actrice Scarlett Johansson, qui est amoureux de plusieurs millions de personnes à la fois ! Telle est la promesse annoncée par l'homo digitalis, celle d'un monde affranchi des limites du corps humain.
Toute la question est évidemment de savoir si le remède ne sera pas pire que le mal.
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Pour le sociologue Jean Baudrillard, inspiré par Bathes, la société de consommation est traversée par une tension fondamentale : elle veut du confort et de l'héroïsme. Elle est déchirée entre " la passivité qu'elle implique et une morale sociale qui, pour l'essentiel, reste celle de l'action et du sacrifice ". La manière de résoudre cette contradiction, selon Baudrillard, est de dramatiser le vie montrée par les médias. La quiétude du consommateur devant son poste doit apparaître comme un exploit, " arraché " aux turpitudes du monde extérieur. Il faut en montrer aussi crûment que possible la violence pour permettre à celui qui l'observe de savourer la tranquillité qui lui est offerte.
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Pour les jeunes qui ont vingt ans aujourd'hui, Mai 68 est aussi éloigné dans l'espace-temps que pouvait l'être l'armistice de 1918 pour leurs prédécesseurs, cinquante ans plus tôt.
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Tout comme la Terreur sous Robespierre avait fait dérailler la Révolution française, la violence criminelle des années soixante-dix a fini par abîmer la contre-culture des sixties.
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La restauration promise par la révolution conservatrice pouvait s'entendre comme un retour aux valeurs fondatrices, puritaines, du capitalisme. Elle a fait advenir le contraire : le triomphe de la cupidité.
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Vidéo de Daniel Cohen
« Homo numericus » de Daniel Cohen lu par Cyril Romoli et Marie-Eve Dufresne l Livre audio
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