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EAN : 9782729121792
188 pages
Editions de La Différence (27/08/2015)
3.88/5   4 notes
Résumé :
Un roman d’amour épistolaire. Un forestier dans les Vosges, une historienne du mobilier à Paris. Chacun se situe à une extrémité de la chaîne du bois. Chacun marié, chacun âgé d’un demi-siècle. Suite à une rencontre fulgurante, une correspondance amoureuse avec des hauts, des bas, des vagues, comme la vie qui est un mouvement ondulatoire. 74 lettres féminines, 11 lettres masculines portées par la volonté de bien sentir, de bien penser, de bien faire, la crainte de n... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

Claire Fourier
Il n'est feu que de grand bois,
roman
Éditions de la Différence



A l'heure des courriels, des textos, des MMS, certains ont la nostalgie de la vraie correspondance, genre qui semble avoir un regain d'intérêt. À noter que le festival de la correspondance de Grignan draine toujours autant de passionnés de ce genre.

Claire Fourier nous dévoile la correspondance de ses deux protagonistes et nous fait pénétrer dans leur intimité. Ils s'écrivent, et nous lisons leurs états d'âme. L'auteur distille seulement des bribes de leur rencontre, alimentant le mystère.
Tout les oppose à l'exception de leur goût pour le bois. L'homme sillonne la forêt vosgienne, la femme les couloirs des bibliothèques et des musées pour son travail sur l'histoire du mobilier. Elle lui écrit, il téléphone. Elle maîtrise la langue française, il l'égratigne.

Après la période d'apprivoisement, les lettres se gonflent comme une voile sous le vent de la passion. Alma invite son « empereur forestier » à la caresser : « viens usiner ton amoureuse ». La « femme de l'Ouest » confesse avoir plus « l'âge de la sensualité » que celui « de la sexualité ». Elle « zigzague entre vous et tu ». Il devient sa « boussole », « son moteur ». Elle se livre aux confidences. Ses lettres retracent leurs échanges téléphoniques, leurs rencontres. Elle se projette dans l'avenir, anticipe leurs prochaines sorties. Elle brosse un portrait passionné de Rolf. Quant à lui, il redécouvre, par l'échange et la conversation avec Alma, de nouveaux horizons.

Malgré ses nombreuses promesses, Rolf se rétracte. Voici leur bonheur d'être ensemble ébranlé, alors qu'ils n'étaient « qu'à l'aube d'un temps de douces caresses physiques et spirituelles ».
Ce coup de théâtre, qui vient assombrir leur liaison, plonge l'aimante amante dans le désarroi et l'incompréhension. Elle a du mal à accepter son déchirement et songe à lui rendre la monnaie de sa pièce. N'avait-elle pas réveillé en lui des sentiments, des sensations, des désirs qu'il croyait ensevelis, classés dans ses archives affectives ?

Le ton enflammé des lettres prend un tour cinglant, soulignant la
lâcheté du « misérable empileur de bûches ». Alma, « la rose épineuse » déverse sa fureur en une grêle de termes dépréciateurs : « ours mal léché », « butor », « tronc
mal dégrossi  ». Elle ne cache pas sa peine : « J'ai mal à toi ». Alma, exacerbée par les explications de ce « doux idiot », dissèque la colère qui l'habite et sa façon de rebondir (« Je me déprendrai à la longue. ») Elle manie l'ironie, l'autodérision et pastiche La Fontaine : « Adieu, sapins, moutons, oies et brochets ! ». N'a-t-elle pas appris à ne compter que « les heures heureuses » ?
Cette aventure extra-conjugale, vécue avec remords par Rolf, pourra-t-elle se poursuivre, avoir une deuxième chance ? On éprouve une sympathie immédiate pour Alma, confrontée à ce naufrage.

En filigrane, Claire Fourier autopsie la forêt vosgienne, rappelle ses blessures causées par la tempête, évoque la déforestation et détaille cette chaîne du bois.
L'odeur de résine nous accompagne tout comme les lettres parfumées.

L'historienne du mobilier nous fait découvrir des meubles d'époques révolues, que l'on ne voit plus que chez les antiquaires ou dans les musées, aux noms insolites : secrétaire à dos d'âne, à billet doux, à culbute, bonheur-du-jour, « en tombeau ». Elle nous initie à tous les stades du travail du bois « densifié », de la « rétification », au vocabulaire technique (profilage, débardage, schlittage).

Claire Fourier, dans un style alerte, audacieux, joue avec les mots : airain/reins, Gulliver/Guebviller, péché/pêcher, Rue d'Ulm.ULM, être/hêtre, massage/message. Par son ballet de lettres, elle montre que « les mots écrits peuvent devenir charnels » quand le désir est le moteur. Si pour Yves St Laurent, le plus beau vêtement pour une femme ce sont les bras de l'homme qu'elle aime, Alma, elle, offre à Rolf «  le collier de ses bras ».

L'auteur ponctue les lettres de références littéraires (Moby Dick, Alexis Zorba) et, férue de peinture, y glisse une succession de tableaux, décrits avec minutie, dont ceux de Courbet, de Caspar David Friedrich : le chasseur dans la forêt. On retrouve le décor familier de Claire Fourier, déjà présent dans ses romans précédents : les paysages bretons, une maison, sorte de « béguinage », un jardin foisonnant de roses, le tout évoqué avec poésie. Sa musique de prédilection : Grieg, Mahler, Sibelius. L'amour est comparé au tango, après qu'un jour Alma l'a dansé avec son « homme boréal ».


Alma, « délirante hyper lucide », pétillante, électrisante épistolière, nous livre sa propre définition de l'amour, qui s'affine au fil du vécu : « Successivement un enchantement, un désenchantement, un faire-avec le désenchantement, un ré-enchantement ». Au lecteur de voir à quelle phase elle en est. Elle traverse le roman, grisée par un vent de « folie », un vent de sagesse aussi, s'interrogeant sur la permanence de l'amour dans le tourbillon incessant de la vie.


Ce roman s'inscrit dans la lignée de Métro ciel. D'un livre à l'autre les héroïnes de Claire Fourier se consument d'amour et se brûlent les ailes.
Ici, l'auteur radiographie une liaison adultère vouée à être en pointillé, compliquée, entravée par la/le légitime. Elle dépeint les deux versants de l'amour. Elle aborde la question d'infidélité sans tabou. Et si elle était le ciment des couples durables ?
Cette liberté dans le couple n'est-elle pas le secret et la force d'une union qui dure pour Kristeva/Sollers ? Comme Denise Bombardier, Claire Fourier montre que l'amour n'a pas d'âge, toutefois elle apporte des nuances entre l'« amicizia » de Stendhal et la « philia », cette « amitié supérieure » « qui élève ». Si dans le film de Woody Allen « tout le monde dit I love you », les deux protagonistes vont-ils se le dire for ever ? Alma vit l'amour comme une chose à la fois nouvelle chaque jour et très ancienne, venue de la nuit des temps.



« Dieu m'étonnera toujours » disait l'auteur dans un livre précédent qui porte ce titre, et Claire Fourier, elle, n'en finit pas de surprendre ses lecteurs avec ce style ensemble clair et voluptueux, qualifié de « sensualité verbale » par Bernard Noël. Au lecteur de céder à « la puissance de la séduction (se-ducere : conduire sur les chemins de traverse) ».


Il n'est feu que de grand bois, éd. de la Différence, septembre 2015. 188 p. 17 euros.
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Au bois de mon coeur.
Une oeuvre originale, sorte de recueil de « Correspondance » moderne, où les mails remplacent les lettres. Avec hélas la disparition du charme, certes un peu désuet, de l'ouverture de la précieuse et attendue enveloppe !
Une liaison postale qui se déroule du 30 octobre 2012 au 8 novembre 2013.
L'une, Alma, est plutôt dans le genre érudit, historienne spécialisée dans le mobilier ancien bien sûr. Elle habite Paris, est mariée et avoisine le demi-siècle.
Lui, Rolf, est dans la même tranche d'âge, également marié, mais travailleur manuel, bûcheron de son état dans les Vosges !
Et pourtant entre eux, c'est le coup de foudre !
Tout semble les opposer et pourtant entre eux commence une correspondance, où bien entendu (le contraire aurait été surprenant), la femme est la plus assidue. le score est sans appel, dirait un journaliste sportif, soixante-dix-neuf à onze !
On assiste en lecteur complaisant à la naissance de ce que l'on pourrait qualifier un début de flirt, puis d'une idylle qui, au fil des mails, se transforme en un sentiment plus précis.
On voit la progression de l'affection qui grandit entre eux dans la formulation de ce qui est au départ une simple expression de politesse qui devient une marque d'affection, ensuite se transforme en séduction avec un brin d'amour ou au moins de désir… et un certain sentiment d'interdit et de nouveauté ! Plaire par internet interposé !
Lui est réduit à la portion congrue avec des courriers (lettres) très professionnels au début de leur correspondance. C'est un homme de terrain, l'orthographe n'est pas son fort, il pilote un ULM et vit au grand air.
Elle lui parle de sa vie parisienne, de son travail et des rencontres, en particulier celles résultant de ses trajets en métro ; peu à peu elle se dévoile avec une extrême pudeur.
La rencontre semble inévitable et est désirée par les deux personnages de ce récit. Elle a effectivement lieu… le charme est-il rompu par ces quelques moments ou la protection de l'écran et la liberté donnée par une sorte de distance virtuelle ?
Il semblerait que, comme toutes les choses ardemment espérées, la satisfaction d'Alma ne soit pas totale… retour à la réalité ?
Mais chacun des protagonistes de ce récit a une vie, il est donc probable que la parenthèse se referme un jour… que cette passion dévorante brûle tout sur son passage, ne laissant que des cendres derrière elle ! Ou au mieux beaucoup de regrets !
Peu de personnages, un homme, une femme, deux adresses postales, autant de boîtes mail et de numéros de téléphones !
Le téléphone, voilà l'ennemi…
Il est beaucoup question, surtout de la part d'Alma, de littérature et les auteurs cités sont très nombreux et variés : Kafka, Tolstoï, D.H. Lawrence, Céline, Soljenitsyne, Jim Harrison et W.B .Yeats entre autres.
Il est aussi relativement souvent question de Bastien-Thiry dans les quelques rares moments où la politique française est évoquée.
J'ai particulièrement aimé l'emploi de l'adjectif « avenante »…
La morale de ce récit est dans ces quelques phrases :
- PS. L'amour un gros, gros défaut : il est romanesque. Notre âge s'accorde plus avec l'amicizia dont parle Stendhal qu'avec l'amour fou cher à André Breton.
Lien : http://eireann561.canalblog...
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"Qu'est ce que l'amour ?" "L'amour sème la vie", "entrelacements" de regards, de mots ("courent, enchantent"", de sensualité.. entre ces deux êtres "décalés pourtant à l'unisson". "C'est l'ange qui présidait à notre relation." lui dit -elle. Mais lui part, s'empêche de vivre "cette chance".Récit épistolaire passionné comme l'est cette ecrivaine hors pair, pour qui l'écriture et l'amour sont "une soif","un miracle", "naturel","simple"...alors ses livres st habités d'Elle,d'un eprouvé brut et raffiné...talent. La lire,c'est me lire.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
L'important au cours d'une existence, c'est de s'exhausser.


Ecrire des lettres , c'est badiner gravement. Plus encore, écrire des lettres provoque la pensée. La pensée enivre.
Entre un homme et une femme, les mots écrits peuvent devenir charnels.
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Videos de Claire Fourier (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Claire Fourier
Claire Fourier - L'amour aussi s'arme d'acier, route coloniale 4 en Indochine .Claire Fourier - L'amour aussi s'arme d'acier, route coloniale 4 en Indochine aux éditions Dialogues. http://www.mollat.com/livres/fourier-claire-amour-aussi-arme-acier-route-coloniale-indochine-9782918135845.html Notes de Musique : "February (Mumblemix)" by Calendar Girl.
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