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Gilles Manceron (Préfacier, etc.)
EAN : 9782742782222
277 pages
Solin (15/05/2009)
3.6/5   5 notes
Résumé :

Après soixante-dix années de silence, voici enfin mise en lumière une page enfouie de l'histoire coloniale française : le recours, pour travailler dans l'Hexagone, à une main- d'oeuvre immigrée de force. Déjà, en 2006, le film Indigènes, de Rachid Bouchareb, avait révélé un aspect peu connu de l'utilisation des peuples colonisés lors de la Seconde Guerre mondiale. Or, à cette époqu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
J'ai appris l'existence de ce livre, Immigrés de force : les travailleurs indochinois en France (1939-1952), grâce à la critique d'un Babelionaute sur la bande dessinée qui en a été inspirée, intitulée Mémoires de Viet-Kieu, traitant plus particulièrement des Indochinois ayant créé les rizières de Camargue dans les années 1940.
L'oeuvre de Pierre Daum traite plus largement de l'histoire de ces Indochinois à 95% réquisitionnés par la France pour "soutenir l'effort de guerre" en métropole (travailler au départ dans les industries de guerre, poudrerie etc., aux côtés des femmes, des quelques hommes qui n'étaient pas au front, et d'autres travailleurs immigrés venus des colonies, mais avec un statut moins annihilant que celui des Indochinois, qui étaient parqués dans des camps relativement insalubres, dont les rations alimentaires étaient volées par les officiers qui les revendaient au marché noir pour leur propre bénéfice, qui étaient payés littéralement une misère, j'en passe et des meilleures).
Pierre Daum se pose bien en journaliste et nous fait part de l'enquête qu'il a menée auprès de ces anciens travailleurs forcés et de leurs familles ainsi que des nombreuses recherches qu'il a effectuées, dans une suite de chapitres relativement courts, écrits dans un style clair et fluide (les faits évoqués étant illustrés par des extraits de témoignages), aux thèmes clairement identifiés dans les titres - j'ai eu le sentiment qu'il avait bien balayé tous les sujets en lien : évidemment la réquisition, le travail en France, la vie dans les camps, le retour au Vietnam ou au contraire l'établissement en France, l'organisation institutionnelle de ce dispositif, mais aussi le rapport à la population française, les relations amoureuses (beaucoup sont arrivés à peine âgés de 20 ans et la grande majorité n'était pas mariée), le point de vue des ces hommes arrachés à leur pays envahi par une puissance étrangère qu'ils voient luttant pour une part et collaborant d'autre part avec l'Allemagne nazie etc.
J'ai trouvé très intéressant et parfaitement ahurissant de voir à quel point ils ont été maltraités (considérés comme des indigènes par la très grande majorité des représentants de l'Institution, esprit colonial, quand tu nous tiens !) et transbahutés de ville en ville au gré des besoins mais aussi des sanctions dûes à leurs nombreuses actions de rébellions (souvent des grèves de la faim, pour réclamer une quantité de nourriture plus décente notamment), du temps passé privé de leurs droits les plus élémentaires et dans l'impossibilité de rentrer du fait de raisons géopolitiques diverses (ils ont passé en moyenne une dizaine d'années dans cette situation, qui s'est donc prolongée bien après la fin de la guerre !).
Encore une page peu glorieuse de notre histoire nationale que ce livre sort de l'ombre - à raison me semble-t-il.
La dernière partie de l'ouvrage rassemble la présentation de tous ces anciens travailleurs, précisant les conditions des rencontres avec le journaliste, rappelant les étapes principales de leur parcours de travailleurs forcés et ce qu'ils sont devenus ensuite, montrant une faculté de résilience époustouflante.
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C'est par hasard que Pierre Daum, journaliste à Libération, s'est intéressé aux immigrés indochinois en France de 1939 à 1952. Dépêché par le journal pour couvrir les grèves de l'usine Lustucru d'Arles, le journaliste visite le musée du riz du Sambuc et découvre que les premiers planteurs de riz de Camargue sont des travailleurs indochinois immigrés. Retraçant le parcours de cette main d'oeuvre indigène recrutée de force et débarquée au camp de Mazargues près de la prison des Baumettes à Marseille avant d'être envoyée dans toute la France, Pierre Daum met la lumière sur cette main d'oeuvre indochinoise qui a constitué une ressource précieuse pour l'État français. C'est ainsi que 20 000 vietnamiens ont été recrutés en 1939-1940 pour participer à l'effort de guerre. Après la Défaite en 1940, 15 000 de ces indochinois restent bloqués en France jusqu'à la fin de la guerre et même au delà jusqu'en 1952... Repliées dans la zone libre dans le sud de la France, les compagnies de travailleurs indochinois sont alors mobilisées pour planter le riz en Camargue ou pour travailler dans les Salins de Giraud... Un travail d'enquête et de collecte de témoignages passionnant sur cet épisode méconnu de l'histoire coloniale française...

Le recrutement de la main d'oeuvre indigène (MOI) indochinoise dans les années 1939-1940

En 1939, la France entre en guerre. Elle appelle les indochinois à servir la "Mère Patrie" pour travailler dans les usines d'armement (poudrières) ou dans les administrations. Des campagnes de "recrutement forcé" sont lancées en Indochine. Sur les 90 000 recrutements escomptés, 20 000 travailleurs indochinois partiront pour servir la France. Parmi eux, certains ont décidé de s'engager pour découvrir la France. Mais la plupart d'entre eux sont partis car ils n'avaient pas le choix : "Grâce à la collaboration des élites indigènes, relais du pouvoir colonial aussi précieux que loyal, la réquisition forcée de main d'oeuvre s'organisa sans rencontrer la moindre résistance. Dans chaque village est donné aux familles composées d'au moins deux enfants mâles âgés de plus de dix-huit ans d'en mettre un à disposition de la Mère Patrie. En cas de refus, le père des enfants ira en prison." (p. 33-34). Si la différence entre réquisition forcée et engagement volontaire s'est faite en fonction du niveau d'études, notons que 96% des ONS (Ouvriers Non Spécialisés) pour la plupart des paysans illettrés, ont tous été recrutés contre leur gré.

Des ONS servant pour la patrie mais parqués dans des camps séparés de la population locale

Logés dans des camps comme celui de Mazargues (à Marseille) ou dans certaines villes comme Sorgues (Vaucluse), Bergerac (Dordogne), Toulouse ou Vénissieux, les ONS indochinois se destinent à des travaux pénibles à des taux de rémunération dérisoires (ils gagnent pour beaucoup d'entre eux 10 fois moins que les ouvriers français). Ces camps accueillent exclusivement des ONS vietnamiens. La discipline y est stricte et les conditions de vie y sont rendues difficiles par une administration parfois sévère et injuste (les conflits intercommunautaires alimentés par les querelles idéologiques et politiques - forte mobilisation syndicale CGT autour des combats trotskystes/communistes - n'y sont pas rares). La barrière de la langue constitue un obstacle d'autant plus handicapant pour les ONS que peu d'entre eux parlent le français. L'accueil qui leur est réservé par les populations locales oscille entre curiosité et défiance Ces ONS considérés comme rusés et apathiques en raison des préjugés véhiculés par les discours colonialistes intriguent autant qu'ils ne rebutent. Considérés par certains comme des voleurs et ignorés ou rejetés par une grande partie de la population, certains de ces travailleurs noueront malgré tout de forts liens avec les français.

Immigrés de force, une enquête éclairante sur la MOI indochinoise

Précieuse parce qu'elle rapporte les témoignages des derniers ONS encore vivants de l'époque et qu'elle compile des patientes recherches de terrain et notamment aux archives nationales d'Outre-Mer, cette enquête de Pierre Daum (2009) qui se veut être un pavé jeté dans la mare, devrait stimuler l'intérêt autour de ces questions. En effet, si l'histoire de France est aujourd'hui devenue envisageable au regard de son passé colonialiste, c'est aussi grâce au caractère patrimonial et mémoriel de ce genre d'enquêtes : permettant de déconstruire les idées reçues sur les missions civilisatrices de la France auprès des "peuples indigènes" et de tordre le cou aux préjugés sur les communautés immigrées (de force ou non d'ailleurs), cet ouvrage court et accessible s'ouvre une page oubliée de l'histoire et se referme, on l'espère, sur de nouvelles perspectives de recherche et de nouveaux modèles de pensée...
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Recrutés avec un statut de civils, mais encadrés de façon militaire, les travailleurs vietnamiens étaient à la totale merci des officiers qui les commandaient. Issus la plupart du temps de l’armée coloniale, ces officiers n’avaient que mépris pour les « indigènes ». Dans cet espace sans droits que constituaient les camps, les punitions à des peines d’emprisonnement s’abattaient sur les travailleurs pour des motifs les plus futiles (...) (p.75)
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Grâce à la collaboration des élites indigènes, relais du pouvoir colonial aussi précieux que loyal, la réquisition forcée de main d’œuvre s'organisa sans rencontrer la moindre résistance. Dans chaque village est donné aux familles composées d'au moins deux enfants mâles âgés de plus de dix-huit ans d'en mettre un à disposition de la Mère Patrie. En cas de refus, le père des enfants ira en prison. (p. 33-34)
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Là était concentré le pire, le plus pourri, propre au régime colonialiste : concussions, prostitution, jeux d'argent, etc. Tout patient désirant être soigné devait graisser la patte aux médecins et infirmiers. Tout malade grave et désargenté n'avait qu'à croupir, en attendant la mort
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Vidéo de Pierre Daum
Mémoire franco-algérienne - Soirée France-Algérie sur Mediapart .2e débat : 50 ans après, réconcilier les mémoiresDiscussion entre :? Florence Dosse, écrivaine, auteure de Les Héritiers du silence, enfants d?appelés en Algérie, Ed. Stock.? Fatima Besnaci-Lancou, écrivaine, auteure de plusieurs ouvrages, a dirigé le numéro de la revue Les Temps Modernes, Les harkis, 1962-2012. Les mythes et les faits.? Pierre Daum, journaliste, auteur de Ni valise ni cercueil ? Les pieds-noirs restés en Algérie après l?indépendance, Ed. Solin/Actes Sud.? Mehdi Lallaoui, écrivain et réalisateur, président de l?Association « Au nom de la mémoire ».? Christian Phéline, auteur de L'Aube d'une révolution, Margueritte, Algérie, 26 avril 1961, Ed. Privat.
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