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EAN : 9782330101039
336 pages
Actes Sud (04/04/2018)
3.48/5   190 notes
Résumé :
Alors que leur petite sœur est morte, trois enfants sont enfermés par leur mère inquiète jusqu'à la névrose. Ce roman est une ode à la poésie de l'enfance, à la beauté de ses imaginaires habités par la présence des animaux, celle des objets et des sons, ici celle des pierres pour contrebalancer peut-être la dureté des adultes, et l'expérience toujours trop précoce de la perte, de l'absence et du chagrin.
Un très grand roman d'Ogawa, peut-être le plus fort. Un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (56) Voir plus Ajouter une critique
3,48

sur 190 notes
J'aime retrouver régulièrement Yoko Ogawa. Cette auteure japonaise propose à ses lecteurs des instants de pure grâce, de délicatesse, et de magie.
De son écriture élégante et légère, elle dessine une petite porte dérobée qui s'ouvre rien que pour nous, sur un monde étonnant, entre réalité et imaginaire, empli de douceur et de silence dans lequel s'invite le mystère, les non-dits.

*
Ce roman était dans ma bibliothèque depuis un petit moment déjà, suite à magnifique critique de Sachka que je remercie. Je l'ai choisi parmi tant d'autres, attirée par sa couverture, sûrement parce que j'étais encore profondément imprégnée des majestueuses forêts canadiennes de mon précédent roman.

Dans ce roman-ci, il ne s'agit ni de forêt, ni d'écologie. Ce n'est qu'un simple jardin muré dans lequel une mère va décider de cloitrer ses trois enfants, suite au décès de la petite dernière.

Elle va leur demander d'être silencieux, de tout oublier jusqu'à leur prénom, et surtout de ne jamais sortir de l'enceinte du jardin, afin que rien ne puisse leur arriver.
Intuitivement, les enfants comprennent que leur mère est fragile, perturbée et qu'il faut la préserver. Par amour, ils vont suivre ses consignes à la règle et vivre repliés sur eux-mêmes dans la crainte du monde extérieur, déposant « au fond de leur coeur » tous leurs souvenirs d'avant.

« Un voyage sans retour pour survivre dans un monde où la benjamine n'était plus. »

L'auteure nous livre ici une solide réflexion sur la maltraitance, la résilience chez l'enfant, l'amour filial et l'amour maternel.

*
Seuls toute la journée, ils vont se réfugier dans le cabinet de lecture de leur père et trouver la sécurité au milieu des livres et des encyclopédies. Les livres ont la précieuse faculté de contenir le monde et c'est même dans l'un d'entre eux, l'encyclopédie des sciences, que chacun va se choisir un nouveau prénom, un nom de pierre : Opale, Ambre et Agate.

Derrière les hauts murs de brique, les trois enfants imaginent de nouveaux jeux avec trois fois rien, apprennent grâce aux livres. Leur imagination, fertile, belle, s'épanouit, inventant le monde du dehors.

« Quand Opale dansait, le jardin se transformait à leurs yeux en un univers plus vaste que celui qu'ils connaissaient. Pour eux, ce jardin était toujours aussi immense, mais la danse de leur aînée lui donnait davantage de profondeur. »

*
Si Yoko Ogawa n'a pas son pareil pour nous entraîner dans un huis-clos dérangeant, elle a aussi tout le talent pour introduire une touche de surnaturel.
C'est avec Ambre que le récit bascule dans la magie et le fantastique car ce petit garçon est atteint d'une étrange maladie : son oeil gauche se teinte progressivement d'ambre.

« Tout d'abord, non loin du coin de l'oeil la limite entre le noir et le blanc s'estompa, le marron de l'iris déborda en marbrures qui bientôt s'étendirent à la totalité de l'oeil gauche. Elles coulaient le long des vaisseaux capillaires, se déposaient, sédimentaient. Et les strates venant s'imprégner de larmes comme de résine, il se forma bientôt une concrétion d'ambre. »

Et l'enfant va découvrir la silhouette de sa petite soeur défunte jouant dans les filaments protéiformes pareils à des araignées d'eau qui se déplacent le long de sa rétine.
Il s'invente un monde imaginaire dans lequel la benjamine prend vie dans des folioscopes.

« Venant de découvrir un moyen de reproduire sur les pages de l'encyclopédie ce qui apparaissait dans son oeil gauche, Ambre choisit pour redonner vie à la benjamine l'Encyclopédie illustrée des sciences pour enfants. Il pensait que sa petite soeur devait tout naturellement se joindre à ce volume où Opale, Agate et lui-même avaient choisi leur nom. »

*
Le temps défile sans que le lecteur n'arrive vraiment à cerner le nombre d'années qui passe.
Mais leur monde se craquelle insensiblement à mesure qu'ils grandissent.
*
J'ai aimé ce monde créé par Yoko Ogawa. Son écriture épurée et poétique est propice à nous envelopper dans une atmosphère rêveuse et calme, à transformer progressivement notre regard, à le rendre contemplatif et introspectif. Rien n'est dit de manière frontale. Tout se devine lentement, par petites touches, comme un peintre impressionniste qui apposerait des impressions, des émotions.

Si cette ambiance est onirique et féérique, elle est également tragique et bouleversante. Yoko Ogawa se concentre essentiellement sur les trois enfants, mais en filigrane, le lecteur saisit le drame que vit cette jeune mère qui a perdu son mari, puis son plus jeune enfant.

« le commencement de tout fut la mort de la benjamine. Elle venait tout juste d'avoir trois ans lorsqu'un jour au jardin public, un chien famélique était venu lui lécher le visage : le lendemain elle avait eu une forte poussée de fièvre, et son état de santé s'aggravant rapidement, elle était morte brutalement. le médecin avait dit qu'il s'agissait d'une pneumonie, mais leur mère n'avait jamais voulu le reconnaître.
— C'est le chien maléfique. À cause de sa langue, ne cessait-elle de répéter malgré les dénégations du médecin. »

On retrouve les composantes de l'univers de l'auteure : le sentiment d'enfermement, la nostalgie d'un temps révolu, la mémoire, les souvenirs, l'obsession.
Pour ma part, j'ai eu un sentiment de malaise, partagée entre l'amour de cette mère qui veut préserver ses enfants de la mort en les soustrayant au monde extérieur et la magie du monde de l'enfance. Mais à vouloir trop les protéger et les préserver, ne risque-t-on pas au contraire de les fragiliser et de les rendre inaptes à la vie en société ?

*
Pour conclure, cette atmosphère presque irréelle, entre huis-clos et monde merveilleux, à la fois fascinante et dérangeante, ne plaira sans doute pas à tout le monde. Mais ce roman d'apparence simple fait parti de ces lectures qui laissent une impression profonde après l'avoir refermé, suscitant un sentiment troublant et subtil de solitude, de malaise et de paix.
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Parce qu'elle vient de perdre une petite fille, une mère emmène ses enfants dans une station thermale et les enferme dans la villa abandonnée de leur père. Elle attribue la mort de sa benjamine à un chien maléfique qui lui a léché le visage lors d'une sortie au parc. Pour protéger les trois enfants qui lui restent, elle a choisi cette maison isolée, au jardin ceint d'un mur de briques. Une nouvelle vie commence pour la fratrie, régie par une multitude d'interdits, ils doivent, par exemple, oublier leurs anciens noms et s'en choisir un nouveau dans une des encyclopédies éditées par leur père. L'aînée sera donc Opale, le cadet Ambre et le benjamin Agate. Tandis que la mère passe de nombreuses heures à l'extérieur pour son travail aux thermes, les enfants évoluent dans leur nouveau cadre. Opale danse et raconte des histoires, Agate chante et joue de l'harmonium et Ambre dessine, dans la marge des encyclopédies, la benjamine décédée qui apparaît au coin de son oeil gauche. Ainsi les quatre frères et soeurs sont à nouveau réunis.

Inspirée, de son propre aveu, par le Journal d'Anne Franck et Alice au pays des merveilles, Yôko Ogawa nous livre un conte onirique, fantastique et étrange comme elle en a le secret. Des enfants quasiment livrés à eux-mêmes, confinés derrière les murs de leur jardin, se créent un monde, faisant fi de la réalité, de la vérité, de l'extérieur. Engoncés dans des vêtements trop petits, affublés d'une crinière, d'une queue ou encore d'ailes cousues par leur mère, contraints d'oublier leur passé et d'obéir à toutes sortes de règles et d'interdits, ils inventent des jeux, lisent les encyclopédies laissées par leur père absent, perdent leurs voix à force de murmurer. Grâce au jardin, ils ne ressentent pas l'oppression de l'enfermement mais tremblent en pensant au chien maléfique qui les attend dehors s'ils enfreignaient les règles. La mère apparaît comme une névrosée qui, à force d'aimer ses enfants et de vouloir les protéger, les maltraite en les empêchant de s'épanouir dans le monde. Mais la fratrie est forte, solidaire et douée d'une imagination fertile. Opale, Ambre et Agate ne mettent jamais la parole de leur mère en doute, trouve des explications rationnelles à sa déraison, se soutiennent les uns et les autres et grandissent, heureux et libres malgré l'enfermement. Bien sûr, pour le lecteur, ce monde imaginaire inspire le malaise et bien sûr un grain de sable va venir se glisser dans les rouages de leurs folie douce. Un homme va franchir la porte du jardin et entrer dans la maison. Joe, un marchand ambulant. Par lui arrive le désir du monde, si vaste, si plein de possibles. Cette ouverture sur l'extérieur ne sera pas sans conséquences...
L'enfance, le silence, les collections, les anomalies de la nature, autant de thèmes chers à Yôko Ogawa qui encore une fois crée un monde à part, une réalité parallèle où le rêve et le surnaturel ont la part belle. L'auteure décrit ici l'enfance de son héros, Ambre le seul dont on suit la trajectoire jusqu'à la vieillesse, comme une parenthèse enchantée dont il ne parviendra jamais à se défaire. L'ambiance du roman est délétère, partagée entre la féerie des jeux d'enfants, l'imagination débridée qu'ils développent pour échapper à leur enfermement et le mal qui rôde, incarné par un chien maléfique mais visible aussi dans la nature complexe de cette mère de famille liberticide, névrosée, trop aimante, donc mal aimante.
Si l'ensemble traîne un peu en longueur et n'évite pas les répétitions, il est tout de même jouissif de se plonger dans l'univers étrange de cette auteure inclassable qui sait surprendre, faire rêver, inquiéter, déranger.
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Je referme le roman de Yôko Ogawa, doucement, avec précaution, du bout des doigts, comme l'aurait fait Monsieur Amber avec les pages de ses encyclopédies. Quel beau voyage j'ai fait...
Dans ce roman mélancolique et très poétique la narratrice est une femme âgée, nous ne savons rien d'elle si ce n'est qu'elle a été pianiste autrefois et qu'elle recueille les confidences d'un Monsieur Amber âgé et quasi aveugle avec lequel elle semble avoir tissé un lien profond et que tous 2 demeurent dans ce qui semble être un établissement pour personnes âgées.
Au fur et à mesure de leurs apartés elle nous raconte une bien étrange histoire. L'histoire d'une mère qui n'a pas réussi à surmonter la perte de son premier enfant et qui entraîne les 3 autres enfants de la fratrie dans sa propre folie en les séquestrant dans une vieille maison ayant appartenu au père de famille. L'histoire d'une mère qui dépossède ses enfants de leur identité, qui leur impose des interdictions, qui exerce sur eux une emprise psychologique, qui leur fait porter le poids d'un deuil trop lourd finalement.
L'écriture de Yôko Ogawa est envoûtante, je me suis laissée glisser avec plaisir dans son récit où l'imaginaire et l'aspect visuel tiennent une place importante. Elle nous raconte un long moment, six années de la vie de ces 3 enfants, : Ambre, Opale, et Agate, qui, pour supporter l'enfermement et se protéger des névroses de leur mère, vont se refugier dans l'imaginaire de "l'oeil d'Ambre", cet oeil qui change progressivement de couleur et perçoit un monde qui lui est propre au travers des silhouettes qu'il dessine en marge des pages des encyclopédies du cabinet de lecture.
Ce roman est une ode à l'enfance perdue et à l'innocence, il a su me rendre nostalgique de ma propre enfance, j'ai parfois même arrêté ma lecture pour me remémorer les moments de complicité que j'ai pu avoir avec ma soeur jumelle quand nous etions enfants, nos jeux, les nuits passées à chuchoter, à se raconter des histoires dans le noir, à s'endormir blotties l'une contre l'autre pour se rassurer... Un magnifique roman !


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L'histoire d'une fratrie japonaise séquestrée par leur mère.

Ambre c'est le nom d'un vieillard qui raconte sa vie de jeune garçon enfermé entre les murs d'un jardin pendant plusieurs années. Probablement déjà perturbée, leur mère avait perdu pied à la mort de sa benjamine de trois ans. Selon elle, c'était un chien maléfique qui avait empoisonné la petite. Elle avait donc déménagé et installé ses trois enfants dans une maison à la campagne avec la stricte interdiction de sortir de l'enceinte. Les enfants avaient dû changer de nom et avaient même appris à ne parler qu'à voix basse pour éviter d'être repérés par les créatures dangereuses.

S'il est difficile à croire que les aînés de 7 et 10 ans n'aient jamais essayé de fuir pour retrouver leur monde d'avant et leurs amis, on comprend peu à peu la force de l'emprise de la terreur et de la folie qui régnaient sur la fratrie. Un des enfants a développé un talent particulier : affecté d'un problème de vision, Ambre s'est mis à dessiner des folioscopes (flip books) dans les marges des encyclopédies, les seuls livres qui servent à leur éducation. Les oeuvres instantanées d'Ambre redonnent vie à sa petite soeur disparue et apportent un réconfort à sa mère. Jusqu'au jour où…

Une écriture subtile qui restitue avec justesse les émotions enfantines.
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L'histoire commence dans une résidence de personnes âgées, la narratrice qui a des doigts déformés, a été autrefois accompagnatrice au piano, elle se lie d'amitié avec M. Amber dont l'oeil gauche couleur ambre ne semble plus voir.

Ce roman est donc l'histoire de ce vieil homme qui n'a qu'un filet de voix, il ne produit qu'un semblant de murmure. Parler fort était une des interdictions de sa maman. L'autre interdiction était de ne jamais sortir à l'extérieur du mur de briques. Pendant près de sept ans, Ambre, sa soeur aînée Opale et son petit frère Agathe ont vécu enfermés dans la villa, sans téléphone, ni télévision, ni journaux, sans fréquenter l'école, avec pour seuls amis les insectes et les petits animaux du jardin. Seule l'aînée Opale garde des souvenirs du monde extérieur qu'elle a connu. Leur mère travaille comme assistante pour les curistes. Ils ne connaissent rien du monde en dehors de ce qu'ils lisent dans les encyclopédies.

C'est dans l'encyclopédie illustrée des sciences pour les enfants qu'ils ont choisi leur nouveau prénom, maman veut qu'ils oublient leur nom d'avant. Tout cela à cause d'un chien maléfique qui a emporté leur petite soeur. Ils ne s'éloignent jamais l'un de l'autre, on peut dire qu'à eux trois ils ne font qu'un. A eux trois ils partagent des secrets, ils s'inventent des jeux, les olympiades, le jeu des circonstances, celui des situations.

J'ai trouvé ce roman difficile à lire, le récit est rempli de métaphore, nous sommes plongés dans un monde de l'imaginaire auquel il ne m'a pas été toujours facile d'accéder. Une atmosphère particulière entre conte de fées et huis clos angoissant.

L'auteur avec son écriture poétique nous décrit le monde que les enfants se sont inventé et M.Amber Ambre, n'a vraiment existé que pendant les années où il est resté enfermé avec sa soeur et son frère dans cette villa entourée d'un mur de brique. Leur univers se résume à un âne, un chaton, un professeur qui vit dans l'oreille de la soeur, et surtout Joe le marchand ambulant, qui tel un prestidigitateur fait apparaître toutes sortes d'objets de ses sacoches et leur apporte la totalité du monde. Ambre qui dessine dans la marge des encyclopédies des instantanés, des silhouettes fragiles comme sa voix, des dessins minuscules, microscopiques où vient habiter sa petite soeur décédée.

Un roman très original, à lire doucement pour en comprendre toute la magie et ne pas sombrer dans l'ennui. L'univers de Yôko Ogawa est toujours étrange, baroque, beaucoup de choses sont suggérées, il faut accepter ces règles pour profiter pleinement de ce livre.



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critiques presse (3)
LaLibreBelgique
09 mai 2018
L’écriture ciselée de Yôko Ogawa, qui a fait son succès tant dans ses textes courts que dans ses plus amples récits, se déploie ici plus singulière que jamais, dans un style qui célèbre avec modestie les noces du mystère et de l’ordinaire, de l’insolite et du familier.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Culturebox
09 mai 2018
Lire un roman de cette grande romancière japonaise est toujours un merveilleux voyage. Ce dernier ne fait pas exception.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeMonde
13 avril 2018
Une étrange mère coupe ses trois enfants du monde. La romancière japonaise, dissonante et métaphorique dans Instantanés d’Ambre.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
L’œil gauche de celui-ci (le fils aîné) commençait à présenter une évolution qui cadrait bien avec son nom, Ambre, et aucun autre. Tout d’abord, non loin du coin de l’oeil la limite entre le noir et le blanc s’estompa, le marron de l’iris déborda en marbrures qui bientôt s’étendirent à la totalité de l’œil gauche. Elles coulaient le long des vaisseaux capillaires, se déposaient, sédimentaient. Et les strates venant s’imprégner de larmes comme de résine, il se forma bientôt une concrétion d’ambre. L’existence de cet œil attestait le nom de l’ambre.
Au fur et à mesure de cette transformation son œil gauche eut peu à peu des difficultés à voir, mais Ambre n’était pas inquiet. Si l’extérieur devenait pour lui de plus en plus vague, inversement l’intérieur gagnait en densité, faisant ressortir avec davantage de vie les silhouettes qui apparaissaient au fond.
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Je n’ai jamais rencontré dans aucun musée ni muséum une personne appréciant les expositions avec autant de concentration que M. Amber. On pense souvent à tort qu’il a des problèmes de vue, mais non. En réalité, il a sa manière bien à lui d’observer le monde, différente de celle des autres. Il ne se contente pas de regarder le point qui se trouve présentement devant ses yeux : il accueille aussi la continuité des instants passés et à venir. C’est seulement à travers l’ambre au fond de lui que s’écoule le temps tel qu’il est.
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L’œil gauche […] commençait à présenter une évolution qui cadrait bien avec son nom, Ambre, et aucun autre. Tout d’abord, non loin du coin de l’œil la limite entre le noir et le blanc s’estompa, le marron de l’iris déborda en marbrures qui bientôt s’étendirent à la totalité de l’œil gauche. Elles coulaient le long des vaisseaux capillaires, se déposaient, sédimentaient. Et les strates venant s’imprégner de larmes comme de résine, il se forma bientôt une concrétion d’ambre. L’existence de cet œil attestait le nom de l’ambre.
Au fur et à mesure de cette transformation son œil gauche eut peu à peu des difficultés à voir, mais Ambre n’était pas inquiet. Si l’extérieur devenait pour lui de plus en plus vague, inversement l’intérieur gagnait en densité, faisant ressortir avec davantage de vie les silhouettes qui apparaissaient au fond. Pour Ambre, ce qui était caché à l’intérieur des strates était bien plus précieux que tout ce que petit à petit il ne distinguait plus. Pour voir le monde extérieur, son œil droit était amplement suffisant.
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J'aime M. Amber quand il dessine en marge des encyclopédies. Je crois que ceux qui l'ont vu faire au moins une fois comprendront que j'utilise sans honte le verbe aimer.
Depuis qu'il a été secouru M. Amber n'a jamais interrompu ses instantanés. Au moment où il a été extrait de l'enceinte du mur de briques, il n'avait pas encore réussi à achever le percement du tunnel qui devait lui permettre de traverser le monde main dans la main avec Opale. Ainsi a-t-il été séparé pour un temps des encyclopédies du cabinet de lecture, mais même alors il n'a jamais renoncé à dessiner. Économisant sous à sous sur son argent de poche, il faisait le tour des librairies pour dénicher et réunir les encyclopédies paternelles. Par bonheur, elles étaient bon marché, il les trouvait en général débordant des casiers sur les tables roulantes installées en devanture des boutiques de livres d'occasion.
Pourquoi cela n'aurait-il pas été possible avec d'autres livres ? Pourquoi lui fallait-il absolument des encyclopédies, qui plus est paternelles ? Personne, même pas lui, n'aurait pu l'expliquer.
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Le commencement de tout fut la mort de la benjamine. Elle venait tout juste d'avoir trois ans lorsqu'un jour au jardin public, un chien famélique était venu lui lécher le visage : le lendemain elle avait eu une forte poussée de fièvre, et son état de santé s'aggravant rapidement, elle était morte brutalement. Le médecin avait dit qu'il s'agissait d'une pneumonie, mais leur mère n'avait jamais voulu le reconnaître.
- C'est le chien maléfique. À cause de sa langue, ne cessait-elle de répéter malgré les dénégations du médecin.
- Regardez la rougeur de ses joues. Exactement où le chien l'a léchée, ajouta-t-elle en désignant le visage cramoisi de sa petite fille brûlant de fièvre.
Comme si ce coup de langue était à l'origine de la maladie de sa fille.
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