Intrigue à Brégançon

Adrien Goetz, né en 1966 à Caen, est un historien de l'art et romancier français. Auteur de plusieurs romans liés à l'histoire de l'art, il est maître de conférences à Sorbonne Université, membre de l'Académie des beaux-arts et directeur de la bibliothèque Marmottan. Intrigue à Brégançon qui vient de paraître, s'inscrit dans la série « Les Enquêtes de Pénélope ».
Pénélope, l'enquêtrice-conservatrice du Mobilier national, doit moderniser le fort de Brégançon en en remplaçant meubles et décorations. Elle est accompagnée de Wandrille son amoureux par ailleurs fils de ministre. Egalement sur place, Suzanne O'Neill éditrice et Anasthase son photographe, préparant un beau livre sur le monument. Un couple de gardiens, Fabienne et Roger, veille au confort de tous et gère les lieux. Si le fort peut être visité en journée quand le chef de l'Etat est absent, son accès est interdit et le point d'entrée fermé. Pourtant, le matin, on découvre le corps de Marie-Paule Beuvrelu dans la cour ; guide pour l'Office de tourisme de la ville, et amie de la mère de Pénélope, elle a été poignardée avec un coupe-papier offert à François Mitterrand par Helmut Khol…
Adrien Goetz n'écrit pas des polars, encore heureux car ici l'intrigue est nulle et sans intérêt. Par contre il utilise ce genre pour apporter un côté ludique à son véritable propos, nous conter l'histoire du fort de Brégançon.
Interviendront dans le récit, la Résistance avec Jean Moulin et Daniel Cordier, le général De Gaulle et Nikita Khrouchtchev, le couple Pompidou etc. Histoire avec un « H » majuscule, anecdotes et extrapolations à partir de sources fiables, cet angle du roman est instructif et plutôt intéressant car pour l'écrire Adrien Goetz a reçu l'autorisation exceptionnelle de visiter l'intégralité du fort, des appartements privés du président aux caves creusées dans le rocher. Il a eu accès aux très discrets entrepôts où, aux environs de Paris, sont conservées les pièces du Mobilier national qui en proviennent.
Mais globalement le roman est très léger. Ca se lit bien, ça se lit vite, mais comment dire pour être aimable ? Bof !

Que les choses soient claires, un auteur a tous les droits mais pour ceux qui suivent la série depuis le début il aurait pu prévenir en amont qu'il revenait un peu en arrière dans le temps, ça m'aurait évité de me dire "tiens, Pénélope est revenue au Mobilier National, je croyais qu'elle était au Louvre" ou encore "mais ils sont réconciliés alors, Wandrille et elle ?". On apprend dans les remerciements que cet épisode vient se situer après Giverny et avant l'Egypte. Pourquoi cette inversion de publication ? On n'en saura pas plus...

Cap sur Brégançon alors, avec une Pénélope chargée de réceptionner le nouveau mobilier choisi par et pour les nouveaux occupants saisonniers du fort. En principe la résidence de vacances de la Présidence de la République est un havre de tranquillité en dehors des rares semaines de présence du chef de l'état. Alors Pénélope a invité Wandrille à la rejoindre pour un petit week-end en amoureux, une fois le camion du Mobilier national déchargé et les meubles recensés, vérifiés et installés. Il y a bien d'autres invités dans le fort, une éditrice et un photographe qui travaillent sur un projet de beau livre sur l'histoire du lieu. Sinon, les gardiens, un couple fort sympathique mais sur le qui vive car on vient de leur annoncer "l'activation" du fort afin d'accueillir un chef d'état d'un petit pays d'Afrique en convalescence. Sur la plage en contrebas, un journaliste en quête de scoop, une guide conférencière et quelques habitués de la buvette. Calme plat. Jusqu'à ce qu'un baleineau s'échoue et qu'un cadavre soit retrouvé un beau matin dans l'enceinte du fort où l'on n'entre pourtant pas comme dans un moulin. Comme le dit cette chère Pénélope "ça commence à tourner au Cluedo cette histoire"...

L'occasion est belle de tenter de percer les mystères qui entourent le fort et surtout son choix par le Président de Gaulle d'en faire la résidence des chefs d'état alors qu'il n'aimait pas particulièrement l'endroit. Choix stratégique ? Les murs cacheraient-ils un arsenal ? Quel a été le rôle du fort pendant la seconde guerre mondiale et quel rapport avec la galerie d'art que possédait Jean Moulin dans la région ? Et cette drôle de proximité avec les chefs d'état russes ? Nombreux sont ceux qui gravitent autour du fort, persuadés qu'il abrite un trésor. Quel rapport avec le meurtre ? Pénélope envoie sa mère enquêter discrètement tandis que Wandrille aux prises avec une nouvelle lubie théâtrale ne s'exprime plus que par l'intermédiaire des vers de Corneille. Ce qui nous donne quelques dialogues savoureux, de quoi rendre légère cette incursion documentée à travers plusieurs siècles d'histoire d'un lieu qui en a vu d'autres.

Du charme, toujours, et une vraie dose d'érudition pour ne plus bronzer idiot devant sa télé à la prochaine évocation de Brégançon. Quant à Pénélope, même si la fin laisse entrevoir un bel avenir, je ne me risquerai pas à parier sur l'endroit où nous la retrouverons puisque, vous l'avez compris, l'auteur a tous les droits.
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Un presqu'île, un presque meurtre, une presque enquête, une presque intrigue finalement. le tout émaillés de rappels historiques sur le fameux Fort et ses non moins fameux occupants successifs. L'un d'eux y aurait-il caché un secret ? Lequel et pourquoi ? Un cétacé échoué sur la plage vient même mettre sous nos yeux la métaphore de la baleine sous son gravier et les personnages aussi ont l'impression de jouer au cluedo. On ne peut même pas dire que le niveau de l'intrigue suit le cours des marées, on est en Méditerranée, c'est donc assez calme.
L'auteur a l'art de mettre la grande histoire dans la petite, et la manière de varier avec humour les points de vue sur les personnages et les situations.
Ce volume n'est de loin pas mon préféré de la série, notamment parce qu'il ne se situe pas à la suite des précédents, mais au milieu, ce pourquoi une petite indication au début aurait été bienvenue. La confirmation ne vient que si on lit les "précisions historiques et remerciements" de la fin, qui permettent aussi de comprendre que ce roman a été écrit comme une sorte de distraction, ou de bonus, suite à la rédaction de textes pour un livre de photographies des résidences présidentielles. Dommage, je trouve que Pénélope mérite mieux (et son Wandrille, des claques, toujours).

Santiago Amigorena, scénariste, romancier, argentin mais écrivant en français et vivant en France. Ici il retrouve ses thèmes de prédilection : le silence, l'enfermement.
Le thème : un couple marié d'une trentaine d'années avec deux enfants de six et trois ans. Alice dirige un restaurant, Aurélien travaille moins mais s'occupe des enfants et rêve de devenir romancier. Les disputes se multiplient jusqu'au drame.

Aurélien sur un coup de téléphone comprend qu'Alice a un amant. Elle part en claquant la porte. Aurélien fou de désespoir habille ses enfants et cours la rejoindre. Mais les enfants l'empêchant d'aller plus vite, il les laisse assis à l'entrée en leur disant d'attendre. C'est à ce moment que passe une voiture de police et que les policiers font monter les enfants. Aurélien revient en arrière et dans sa rage de les récupérer s'énerve et blesse légèrement un policier. La justice des hommes se met en marche.
Cette histoire tient dans les 35 premières pages et je ne vous divulguerai pas la suite.

Plusieurs thèmes
L'amour: qu'elle forme d'amour peut rester quand deux êtres qui se sont aimés se séparent. Les paroles prononcées dans la colère et la jalousie reflètent-t-elles ce que l'on pense ?
Le silence: silence du couple qui ne peut plus se parler, mutisme d'Aurélien après le drame, comme si il voulait ajouter une peine à sa peine. Silence d'Elsa qui refuse de parler. C'est le ghetto intérieur.

La culpabilité : Aurélien s'enfonce dans cette culpabilité alors que son entourage tente de reprendre contact.
Le rôle des protagonistes de la justice : les avocats veulent charger l'adversaire pour obtenir des droits mais ce n'est pas toujours ce que veulent leurs clients, les magistrats interprètent souvent mal le silence des inculpés. Il y a ceux qui s'enferment dans un mutisme profond que l'on prend pour de l'indifférence.

« le passé nous compose »dit Alice. L'influence de l'enfance sur toutes les décisions de la vie future. Alice pendant toute cette période n'est pas seule, elle a un père et des soeurs. Elle se sent aimée et épaulée. Aurélien est beaucoup plus seul car il a coupé les relations avec ses parents adoptifs. Seul son demi-frère est présent et tente de l'aider.

Pénélope , toujours responsable du mobilier national, se rend à Bregancon pour le remeubler. Elle a invité Wandrille qui a pour prétexte un article dans la revue Jardins Jardins . Il se trouve que la guide touristique du fort est une amie de la mère de Pénélope. Elles envisagent de reprendre contact mais elles n'en ont pas le temps,. Un crime est commis.
Comme pour les romans d'Agatha Christie les suspects sont les invités. L'intrigue sert une fantaisie culturelle bien documentée, ce qui est habituel chez Adrien Goetz ; même avec des éléments inventés et malgré un peu de confusion dans le déroulement des chapitres , nous sommes bien imprégnés de cette demeure présidentielle un peu mystérieuse . Un peu d'écologie avec un baleineau échoué, un peu de littérature avec les vers de Corneille viennent étoffer ce roman écrit avec beaucoup d'esprit.