Tout leur paraissait à la fois neuf et familier, comme les choses qu’on visite en rêve. Pour rien au monde, aucun d’eux ne serait retourné en arrière. Ils dépassèrent les chalets des marcaires et virent ceux-ci occupés à traire leurs troupeaux, qui ne redescendaient guère avant la Noël.
Ils longèrent les chemins de schlitte courant à travers ravins et rochers, et entendirent le grincement lointain des trains de bois coupé. Ils rencontrèrent des chevreuils aux yeux inquiets, des sangliers bourrus et des cerfs majestueux, couronnés de ramure ; tous leur souhaitèrent bonjour et bienvenue, et les sangliers eux-mêmes reniflèrent aimablement. Ils admirèrent de loin la vallée ensoleillée, toute bourdonnante de travail humain, soupèrent de pain et de myrtilles et s’endormirent bercés par le murmure de la forêt. Le lendemain, ils traversèrent la trouée de Belfort.
À mesure que les trois amis marchaient, l’air sembla s’alléger, le soleil devint plus radieux et les feuillages frissonnèrent plus allègrement. Était-ce une illusion ? Comme tout semblait beau en France ! Les gelinottes et les coqs de bruyère, qui habitent les forêts des monts même en hiver, les saluaient gaiement au passage.
Ce qui fait qu’elle est une, ce n’est pas que ce soit pareil partout ; c’est que les différences se complètent, comprends-tu ?
(à propos de la France et de ses provinces)