AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782881829420
108 pages
Editions Zoé (06/03/2015)
4.33/5   24 notes
Résumé :
Au fil de deux nouvelles courtes mais d’une très grande densité, Cendrars raconte l’horreur de la Première Guerre mondiale. J’ai tué, c’est l’arrivée des soldats au Front, inconscients de la boucherie imminente. Porté par cette masse humaine, l’auteur décrit l’impunité qui l’anime lorsqu’il tue au couteau un soldat allemand. Dans J’ai saigné, Cendrars vient de perdre son bras, arraché par un tir de mitrailleuse. Il est emporté dans un hôpital de campagne pour une lo... >Voir plus
Que lire après J'ai tué - J'ai saignéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dans ces deux textes courts et autobiographiques (une quinzaine de pages pour J'ai Tué, une soixantaine pour J'ai saigné), Blaise Cendrars rend un bel hommage à ceux qui ont vécu la Première Guerre Mondiale en France, à ses compagnons d'infortune, aux infirmières qui ont voué corps et âme aux soldats blessés, et notamment à Mme Adrienne P., une formidable infirmière, dévouée aux blessés, à ses blessés, au coeur débordant de générosité et d'amour.

Il nous raconte les violences des combats, les souffrances, le douloureux combat, la lutte acharnée des soldats pour survivre, il nous raconte aussi sa souffrance et son amputation, ses soins à l'hôpital de Châlons-sur-Marne avec beaucoup de respect et de réalisme, il nous raconte l'expérience diablement traumatisante de cette abominable guerre avec la plus brutale sincérité, il nous raconte l'absurdité de la Guerre.

Respiration d'un million d'hommes. Pulsation sourde. Involontairement,, chacun se redresse et regarde la maison, la petite maison du généralissime. Une lumière filtre entre les volets disjoints, et dans cette lumière passe et repasse une ombre amorphe. C'est LUI. Ayez pitié des insomnies du Grand Chef Responsable qui brandit la table des logarithmes comme une machine à prières. p.20

Me voici l'eustache à la main, c'est à ça qu'aboutit toute cette immense machine de guerre. Des femmes se crèvent dans les usines. Un peuple d'ouvriers trime à outrance au fond des mines. Des savants, des inventeurs s'ingénient. La merveilleuse activité humaine est prise à tribut. La richesse d'un siècle de travail intensif. p.28

J'ai tué est un témoignage direct, troublant et effroyable de la déshumanisation des soldats en temps de guerre à qui l'on donne le droit de TUER...pour survivre ! Et c'est avec une indicible rage que Blaise Cendrars a tenté de survivre, comme en témoigne le passage ci-dessous :

Mille millions d'individus m'ont consacré toute leur activité d'un jour, leur force, leur talent, leur science, leur intelligence, leurs habitudes, leurs sentiments, leur coeur. Et voilà qu'aujourd'hui j'ai le couteau à la main. L'eustache de Bonnot. "Vive l'humanité!" Je palpe une froide vérité sommée d'une lame tranchante. J'ai raison. Mon jeune passé sportif saura suffire. Me voici les nerfs tendus, les muscles bandés, prêt à bondir dans la réalité. J'ai bravé la torpille, le canon, les mines, le feu, les gaz, les mitrailleuses, toute la machinerie anonyme, démoniaque, systématique, aveugle. Je vais braver l'homme. Mon semblable. Un singe. Oeil pour oeil, dent pour dent. À nous deux maintenant. À coups de poing, à coups de couteau. Sans merci, je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J'ai tué le Boche. J'étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J'ai frappé le premier. J'ai le sens de la réalité, moi, poète. J'ai agi. J'ai tué. Comme celui qui veut vivre. p.30

J'ai tué est un formidable récit dont la force (ce n'est que mon avis) réside très certainement dans les décalages créés par Blaise Cendrars; il juxtapose chansons paillardes, poésie, description non aseptisée d'un champ de bataille et acte de guerre effroyable, et tout cela en douze pages seulement...extraordinaire !

Deux récits touchants, poignants, puissants à lire absolument !
Lien : http://seriallectrice.blogsp..
Commenter  J’apprécie          40
Très bonne idée que de joindre dans un même volume ces deux textes, presque cause et conséquence l'un de l'autre, et qui furent pourtant publiés dans des contextes complètement différents.
"J'ai tué" est un texte très court, presque un exercice littéraire, composé pour beaucoup de phrases courtes, sèches, souvent nominales, lancées sous forme d'énumérations.
Il est tout à fait intéressant, mais j'ai quand même de beaucoup préféré "j'ai saigné" qui prend la forme plus classique d'un récit autobiographique, mais qui est probablement l'un des textes les plus poignants que j'ai lus sur la Grande Guerre, et pourtant j'en ai lus des dizaines.
La galerie de personnages impressionne tout particulièrement, parcourant en peu de pages tout l'axe des abscisses de l'humanité, du meilleur au pire, avec l'admirable Adrienne P. et son dévouement surhumain au service des grands blessés d'une part, et d'autre part l'ordure de général venu de Paris qui fait une démonstration de tout son savoir, à vif, sur un malheureux soldat martyr, au point de l'achever en toute impunité (!?) Il existe de nombreux témoignages du fait que les médecins comme les généraux (et celui-ci était les deux à la fois) confondaient parfois les soldats avec des cobayes, mais là j'avoue que celui-ci surpasse en horreur tous ceux que j'ai lus jusqu'à présent.
Commenter  J’apprécie          40
L'envie de hurler est omniprésente, de bout en bout de ce livre si court et pourtant si intense, si dense, si bouleversant… La colère, l'injustice qui grondent et qui finissent par totalement nous absorber, ne sont que les réactions instinctives, primitives, face à la bêtise et à la cruauté humaines. Tant de médiocrité, de violence, de luttes de pouvoir, à la recherche qui d'honneur, qui de médaille de toutes sortes. C'est pathétique. D'une tristesse incommensurable…

J'ai lu quantités d'ouvrages traitants de la guerre. Ces deux textes sont pourtant parfaitement uniques, personnels, d'une profondeur et d'une candeur admirables et tendrement dévastatrices.

Les bruits assourdissants, les silences mortifères, les appels à l'aide, les appels désespérés à la mère restée au loin, bien trop loin pour apporter ses soins et son réconfort. La poussière et la boue dont certains finissent par voir apparaître dans leurs rêves, pour mieux les ensevelir et mettre fin à l'horreur.

C'est trop. Trop d'horreurs pour une seule espèce. Pourquoi ? Comment ? Comment avons-nous pu exceller dans l'abjection avec autant de facilité et de désinvolture ? Il faut se battre pour ton pays qu'ils disent ! Enlever la vie à des inconnus, dont le seul crime est d'habiter dans l'autre pays. On devient dès lors meurtrier, paralysé, traumatisé, amputé, ne rêvant plus désormais que d'être dorloté par la plus douce et la plus gentille des infirmières, et s'endormant en ayant tout oublié.

Ce diptyque que le grand Cendrars nous a offert en témoignant de son expérience tragique au coeur de l'enfer de cette Première Guerre Mondiale, est une meurtrissure sans nom. La puissance avec laquelle est décrite la violence inhérente, les attaques, les blessés, les morts, la peur…
L'ignominie est à son apogée.
L'horreur est indescriptible.

On reste littéralement sans voix et immobile à l'achèvement de cette lecture.
Ces deux magnifiques textes forment un témoignage exceptionnel, inoubliable, inestimable.
Commenter  J’apprécie          10
L'intensité est tellement à propos que je comprends pourquoi il a mis 20 ans à écrire ce moment de guerre. Sa plume trace ligne par ligne l'effroi et réserve pour fin une infinitude où l'infini devient visible... Rendre visible l'invisible est tout simplement inoubliable dans ces deux récits si poignants...
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Mille millions d'individus m'ont consacré toute leur activité d'un jour, leur force, leur talent, leur science, leur intelligence, leurs habitudes, leurs sentiments, leur cœur. Et voilà qu'aujourd'hui j'ai le couteau à la main. L'eustache de Bonnot. "Vive l'humanité!" Je palpe une froide vérité sommée d'une lame tranchante. J'ai raison. Mon jeune passé sportif saura suffire. Me voici les nerfs tendus, les muscles bandés, prêt à bondir dans la réalité. J'ai bravé la torpille, le canon, les mines, le feu, les gaz, les mitrailleuses, toute la machinerie anonyme, démoniaque, systématique, aveugle. Je vais braver l'homme. Mon semblable. Un singe. Œil pour œil, dent pour dent. À nous deux maintenant. À coups de poing, à coups de couteau. Sans merci, je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J'ai tué le Boche. J'étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J'ai frappé le premier. J'ai le sens de la réalité, moi, poète. J'ai agi. J'ai tué. Comme celui qui veut vivre. p.30
Commenter  J’apprécie          50
Les chants de marche reprennent de plus belle.
Catherine a les pieds d’cochon
Les chevilles mal faites
Les genoux cagneux
Le crac moisi
Les seins pourris
Voici les routes historiques qui montent au front.
À nous les gonzesses
Qu’ont du poil aux fesses
[…]
................................................
Soldat, fais ton fourbi
Pas vu, pas pris
Mes vieux roustis
Encore un bicot d’enculé
Dans la cagna de l’adjudant
.................................................
Père Grognon
Descends ton pantalon
Tiens, voilà du boudin (ter)
Pour les Alsaciens, les Suisses et les Lorrains. p.20-21
Commenter  J’apprécie          30
- Avez-vous remarqué ses yeux, Cendrars, quand une étincelle s'y allume ? me disait Mme Adrienne après chaque séance. Il fait de grands progrès depuis que vous êtes là, vous savez. Je suis sûre qu'il comprend parfaitement tout ce qu'on lui dit. Bientôt, il parlera.
[...]

Ses yeux étaient des plus vifs, des plus mobiles, des plus parlants et, en effet, ils exprimaient bien des choses.

C'était extraordinaire et c'était pour moi un plaisir sans cesse renouvelé et souvent une jouissance quand j'y réussissais, que de me pencher sur ses yeux expressifs, de les déchiffrer, de deviner, de comprendre dans un éclair ce que son regard voulait dire. Comment peut-on exprimer tant de choses par les yeux ? J'entends non pas des choses morales ou abstraites [...] p.94
Commenter  J’apprécie          20
Me voici l'eustache à la main, c'est à ça qu'aboutit toute cette immense machine de guerre. Des femmes se crèvent dans les usines. Un peuple d’ouvriers trime à outrance au fond des mines. Des savants, des inventeurs s'ingénient. La merveilleuse activité humaine est prise à tribut. La richesse d'un siècle de travail intensif. p.28
Commenter  J’apprécie          30
Respiration d'un million d'hommes. Pulsation sourde. Involontairement,, chacun se redresse et regarde la maison, la petite maison du généralissime. Une lumière filtre entre les volets disjoints, et dans cette lumière passe et repasse une ombre amorphe. C'est LUI. Ayez pitié des insomnies du Grand Chef Responsable qui brandit la table des logarithmes comme une machine à prières. p.20
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Blaise Cendrars (73) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Blaise Cendrars
Interview de : Pierre Corbucci pour son livre : LA DISPARITION D'ARISTOTELES SARR
paru le 18 janvier 2024
Résumé du livre : Un roman aux accents tragiques qui entraîne le lecteur au coeur de la forêt amazonienne dans le combat qui oppose l'humain à la nature.
Amérique du Sud, années 1920. Lieutenant du génie, Aristoteles Sarr est chargé d'aménager une piste d'atterrissage au coeur de la forêt amazonienne. le survol de cette zone jamais cartographiée doit permettre de prolonger le chemin de fer. Convaincu du bien-fondé de sa mission, le jeune lieutenant n'a pas conscience que la jungle est animée d'une vie propre, que ses ténèbres fourmillent de dangers, et qu'à vouloir dominer la nature, on a tôt fait de s'en attirer les foudres. Aux abords de l'extravagant palais de la Huanca, dernière enclave humaine avant l'inconnu, d'étranges disparitions se multiplient.
Un roman picaresque aux mille nuances de vert, aussi puissant qu'une tragédie antique.
Bio de l'auteur : Pierre Corbucci est né en 1973. Après une enfance varoise, il étudie et enseigne l'histoire et la géographie avant de mettre sa plume au service de diverses agences de communication. Esprit curieux, mélomane avisé, voyageur alerte, il est toujours à l'affût de nouvelles histoires. Son goût marqué pour les littératures d'Amérique latine et le roman d'aventures lui donne envie d'explorer de nouveaux horizons littéraires. Fervent admirateur de Blaise Cendrars et de Gabriel García Márquez, il entraîne ses lecteurs aux confins de la jungle amazonienne à travers ce second roman.
+ Lire la suite
autres livres classés : nouvellesVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (58) Voir plus



Quiz Voir plus

Cendrars

Quel est le vrai nom de Cendrars ?

Frédéric Louis Sauser
Freddy Sausey
Jack Lee
Diogène

16 questions
112 lecteurs ont répondu
Thème : Blaise CendrarsCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..