Avec sa couverture sous des airs de carte postale, "J'aimerais tant que tu sois là" nous embarque sur les Îles Galápagos, sur celle d'Isabela pour être plus précis. Imaginez-vous les vacances de rêve : vous êtes avec votre moitié, vous nagez avec les otaries et les manchots (moi qui croyais qu'ils ne vivaient que sur la banquise...), vous dégustez votre glace à côté des iguanes, vous consacrez votre temps aux baignades, plongées sous-marines, randonnées au pied d'un volcan, vous observez les flamands roses, tortues, crabes Sally Lightfoot, raies et même requins (attention, des gentils requins). C'est pas le pied ?
Sauf que nous sommes en mars 2020... que votre moitié, interne en chirurgie, est réquisitionné comme tous ses collègues pour faire face à la pandémie qui se prépare et qu'il vous plante la veille du départ. Qu'à cela ne tienne, vous ne vous découragez pas, vous partez quand même, seule. En sortant de l'avion, vous apprenez que vos bagages se sont plantés de vol et sont perdus je ne sais où. Vous réussissez tout de même à choper un ferry en partance pour Isabela. Arrivée sur place, vous apprenez que l'île ferme ses portes pour quinze jours (confinement oblige), votre hôtel compris. Cerise sur le gâteau, vous venez de descendre du dernier ferry, il n'y a pas de réseau, vous ne parlez pas un mot d'espagnol, vous manquez de vous empoisonner avec le fruit d'un mancénillier et vous vous faites houspiller pour ne pas avoir respecté le couvre-feu !
Autant dire que ces vacances de rêve démarrent très mal pour Diana qui avait pourtant tout minutieusement si bien planifié. Mais heureusement pour elle, elle sera recueillie par une vieille dame, dont le petit-fils et l'arrière-petite-fille lui montreront l'île sous un oeil nouveau, celui de l'habitant et non pas comme elle est perçue par les touristes. Pour Diana, coupée de sa vie new-yorkaise, c'est l'occasion de se retrouver, de prendre son temps, de découvrir un autre mode vie, de se poser (peut-être) les bonnes questions...
Non non non, nous ne sommes ni dans un feelgood, ni dans une romance comme je l'ai cru durant toute la première moitié de ma lecture. L'histoire prend un tel tournant dans la seconde partie que j'en suis restée baba un sacré bout de temps. J'avoue d'ailleurs avoir été quelque peu en colère sur le moment : je voyais là une très belle histoire d'amour se profiler à l'horizon et j'ai pris une sacrée claque, que dis-je un monumental coup de poing en pleine face... Évidemment, je ne peux rien révéler sans divulgâcher, je vous invite à aller voir de vous-même.
Donc voilà, ce roman, c'est beaucoup plus que des vacances pas si ratées que ça. C'est aussi l'histoire d'une île, de sa faune et sa flore, de ses us et coutumes, le tout merveilleusement bien dépeint.
Parallèlement, c'est aussi l'histoire de la covid-19, de sa progression et des mesures mises en place pour y faire face (confinement, couvre-feu, distanciation, port de masques, lavage des mains, etc), mais aussi médicalement parlant (hôpitaux surchargés, personnels débordés, manque de matériel, traitements, symptômes, temps de convalescence, etc). Inutile d'en dire plus je pense, c'est encore tout frais dans nos mémoires. J'y ai vu pour ma part un bel hommage aux personnes qui étaient en première ligne, tout personnel médical et paramédical confondu.
Mais au-delà de ces thèmes prépondérants, il y est aussi question d'adolescence, d'automutilation et d'acceptation de soi, d'amour, d'amitié, de résilience, d'art et de peinture, de relations familiales, de vie de couple, de darwinisme, de subconscient.
De
Jodi Picoult, je n'ai lu que "
La tristesse des éléphants", qui fut un gros coup de coeur. Ce n'est pas le cas ici, mais j'y ai reconnu la jolie plume toute de sensibilité et d'humanité de l'autrice, envoûtante quand elle nous dépeint son environnement. Elle prend le temps de planter ses décors, autant que la psychologie de son personnage principal, grâce à la première partie essentiellement introspective, qui nous plonge dans les souvenirs de Diana, pendant qu'elle visite les différentes parties de l'île et qu'elle se lie à Beatriz, Gabriel et Abuela.
La seconde moitié du livre est beaucoup moins envoûtante, puisqu'elle dépeint une réalité qu'on a tous partagée, quelque peu amère car encore bien présente dans les esprits. Et puis j'avoue que je n'ai pas entièrement digéré le revirement de situation sur lequel elle démarre... Mais
Jodi Picoult met un point d'honneur à tout bien dépeindre, comme elle le fait depuis le début. On y retrouve également un petit côté surréaliste, pas déplaisant et qui compense un peu ce côté trop ancré dans notre réalité actuelle.
Reçu et lu dans le cadre d'une masse critique privilégiée, je remercie Pierre de Babelio pour la sélection et les éditions
Actes Sud pour l'envoi de cet ouvrage (et le petit mot personnalisé), pour lequel je n'aurais possiblement pas postulé s'il n'avait pas été écrit par
Jodi Picoult (le thème "Covid-19" est plutôt freinant). Malgré la seconde partie qui ne m'a pas entièrement embarquée, le roman est très bien écrit, bien documenté et profond. Je n'ai donc aucun regret. À relire dans dix-quinze ans, quand toute cette période sera loin derrière.