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EAN : 9782841161119
73 pages
Cheyne (25/02/2006)
4.21/5   42 notes
Résumé :

Pas besoin d'être grand clerc pour constater que, du monde, de soi et des autres, on ne sait pas grand chose. Il n'empêche. Il en est, biologiste, astrophysicien ou écrivain, qui ne désespèrent pas d'en savoir plus. C'est le cas de l'auteur de ce livre. Sa méthode ? Celle du scientifique qui s'apparente à celle du poète ou celle du philosophe : un affût intense qui met en examen tout ce qui tombe sous le regard... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Publié en 2006 dans la collection Grands fonds du Cheyne éditeur, ce premier livre d'Ito Naga, écrivain et astrophysicien français, est à première vue d'une grande simplicité, comme si son auteur nous incitait par la forme-même à aller au-delà des apparences, vocation du scientifique et de celui qui se questionne inlassablement sur le fonctionnement de la pensée et du langage.

L'assemblage de ces 469 fragments, phrases démarrant toutes par «Je sais» mais qui contiennent souvent une aussi grande dose d'incertitude et d'humilité que de connaissance, ébauche progressivement le portrait d'un homme, par une succession de fils rouges savamment agencés, une construction qui évoque Georges Perec et Joe Brainard auquel Ito Naga rend hommage, et plus récemment le «Souviens-moi» d'Yves Pagès (Éditions de l'Olivier, 2014).

Le portrait qui s'esquisse est celui d'un homme à la curiosité insatiable, suffisamment fort pour dévoiler ses failles, doté d'une agilité mentale inhabituelle et d'une bonne dose d'humour, d'une volonté de décrypter le monde qui ne doit jamais désarmer, en même temps que d'une capacité intacte d'émerveillement.
Une lecture touchante d'un scientifique amoureux des mots, de leurs qualités physiques autant qu'intellectuelles, et qui donne envie de continuer à le lire.

(Extraits)
«Je sais qu'on se représente toujours l'au-delà comme le cosmos. Pourquoi pas comme un terrier de lapin ?
Je sais que même les astronautes oublient que la terre tourne quand ils rentrent chez eux.
Je sais que la température c'est de l'agitation, que le monde existe en s'excitant.
Je sais que dans cet avion pour l'Asie centrale, il y avait des visages que je n'aurais jamais cru exister.
Je sais qu'être déstabilisé par un mot est moins un signe de faiblesse que celui d'une imagination fertile.
Je sais que si j'étais facteur, je ne pourrais m'empêcher de lire les cartes postales.
Je sais que les personnes petites sont souvent vives, comme si les connexions de leur corps étaient plus proches les unes des autres.
Je sais qu'à certains postes-frontières en Europe centrale, il y a des barbiers et des coiffeurs pour faire ressembler les voyageurs à leur photo d'identité.
Je sais que la rotation de la Terre est en partie à l'origine du vent, que sentir ce vent est comme sortir la tête hors de la Terre.
Je sais que la pensée est par moments comme un fleuve en crue, qu'on peut alors ressentir comment on devient bègue.
Je sais qu'on est sommé d'avoir un avis sur tout, quand on n'en a sur quasiment rien.»
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Je sais qu'il est question de quatre cent soixante-neuf aphorismes numérotés qui commencent par les mots "Je sais".
Je sais que tôt ou tard l'on se posera la question de l'épistémologie du savoir.
Je sais qu'on recherchera aussi un fil conducteur dans l'esprit de l'auteur, un critère de sélection des éléments et des formes de son savoir, et que l'on sera passablement déçu d'avoir tenté l'entreprise.
Je sais que si l'on ne fait pas confiance à autrui, on risque de prendre ce titre pour celui de l'ouvrage d'un être extrêmement prétentieux et pédant.
Je sais que l'on peut aussi se poser la question de l'équilibre entre l'universalisme et le culturalisme de sa démarche, et que l'on aboutit sans doute au même type de déception que tout à l'heure.
Je sais que j'ai envie de reprendre pour mon compte un bon nombre de ces aphorismes.
Je sais que si j'en choisissais un par jour, comme mes photos du jour, pour représenter la journée en guise d'éphéméride ou bien au contraire de manière presque stochastique, tout en excluant les aphorismes que je ne choisirais ni selon l'un ni selon l'autre critère, j'y trouverais quand même mon bonheur pendant une bonne année.
Je sais que le dispositif du "Je sais" fonctionnerait excellemment comme inducteur d'écriture spontanée.
Je sais que lorsqu'on éprouve de tels sentiments de gratitude pour un livre, pour son auteur, et pour celui qui nous l'a fait croiser sur notre chemin, l'on a envie de le partager aussi.
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Mais pourquoi lit-on ?
Pourquoi lit-on le livre d'Ézéchiel ?
Pourquoi plus particulièrement (Ézéchiel 37) « les ossements desséchés » ?
Pourquoi le seigneur des anneaux, le cycle de Dune et des milliers d'autres livres depuis 50 ans ?
Et pourquoi ma fille, danseuse, a-t-elle lu et chorégraphié « Je sais ».
Oh, juste quelques passages, quelques « je sais » poétiques ». Mais elle l'a fait, puis un jour à retrouvé le livre en librairie.
Elle l'a acheté.
Elle l'a relu.
Et elle me l'a prêté !
Et en deux jours, les mots d'Ito Naga sont passés en moi.
Et en ces temps ou les bureaux se retrouvent avec des espaces de détentes interdits, des lieux devenus non-rencontres, des lieux abandonnés comme dans un post-apocalyptique, pourquoi les vers de « Je sais » résonnent en moi.
ils "raisonnent" en appelant les mots d'Ézéchiel 37 « les ossements desséchés », les mots du marais de morts du Seigneur des Anneaux, les mots des grottes d'Arakeen où sont emmurés vivant les soldats Atrèïde ?
« Je sais qu'elle est morte tout à coup un dimanche après-midi, comme d'autre allumerais la télé.
Mais pourquoi lit-on ?
Dites-moi ?
Lien : https://tsuvadra.blog/2020/0..
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Quand j'aime, je ne compte plus. Voir le billet sur un autre opuscule de l'auteur (bien français ?) Surtout qu'à moins de 100 pages, c'est vite savouré.

469 'pensées' commençant pas "Je sais", qui font tilt (ou pas) et selon le moment d'ailleurs, mais chacun peut y trouver de quoi se réjouir ou réfléchir. Parfois décalé, mais toujours une occasion de voir autrement.

On démarre par une citation de Ludwig Wittgenstein (oui, vous avez quatre heures)

"Tout ce qu'il faut savoir pour comprendre une phrase aussi simple que : le chat est sur le paillasson."

Allez c'est parti!

"Je sais qu'il m'arrive de passer sous une échelle. Juste pour voir."

"Je sais que, si l'on voit aujourd'hui Alpha Centauri comme elle était il y a environ quatre ans, on pense rarement l'inverse (de là-bas, on voit la Terre comme elle était il y a environ quatre ans)."

"Je sais que Tanizaki aimait que les chats remuent la queue sans bouger, l'air de dire : 'Ce que tu fais m'intéresse, mais pas assez pour que je me déplace."

"Je sais qu'avec les couleurs orange du ciel, cet orage sur Paris semblait se dérouler sur la Terre primitive."

"Je sais que la mauvaise humeur ne résiste pas à une situation d'urgence. Preuve de sa vanité."

"Je sais qu'en hibernant les animaux échappent au ciel gris et aux idées qui vont avec."

"Je sais que, contrairement aux êtres humains; les arbres ne guérissent pas de leurs plaies. Ils les contournent et vivent ainsi avec des trous ici et là."

"Je sais que les frontières entre deux milieux sont pleines de mystère : ville et campagne, atmosphère terrestre et milieu interplanétaire, maintenant et tout à l'heure... A partir de quand l'un devient l'autre?"

"Je sais que parler une deuxième langue, c'est comme avoir une porte de sortie derrière chez soi."

"Je sais qu'en japonais 'plagiat' se dit 'deuxième infusion' (niban senji), que 'ce geste m'a échappé' se dit 'les alentours de ma main sont devenus fous' (te moto ga kurutta), qu'on décrit un importun comme 'une bosse au-dessus de l'oeil' (me no u no tankobu), que ces images sont étrangement parlantes."

"Je sais qu'on peut avoir tout faux dans sa perception d'une personne : penser par exemple qu'elle est distante alors qu'elle est distraite, qu'elle est méfiante alors qu'elle est gênée."

"Je sais qu'elle avait peur des voyages que nous faisions alors que nous croyions qu'elle ne se plaisait pas avec nous."

"Je sais que l'ironie est une attitude d'adulte, qu'il faut du temps à un enfant pour la comprendre; si à l'école un camarade dit : 'Bien sûr que non, je ne te prête pas ce stylo!', cela ne peut jamais signifier : 'Vas-y, prends-le!' "

"Je sais qu'on peut se représenter précisément un insecte qui glisse sur l'eau du bout des pattes sans pour autant en connaître le nom."

"Je sais qu'au lieu de dire : 'Votre chien aboie la nuit et m'empêche de dormir', il a commencé par 'Ce serait trop bête de se disputer à cause d'un chien'."

"Je sais qu'en achetant une voiture, on acquiert un moyen de transport mais aussi un morceau d'espace."

"Je sais qu'un embouteillage sur l'autoroute, ce sont les immeubles des villes projetés à l'horizontale."

"Je sais qu'il y a un plaisir subtil à arriver sur le quai en même temps que le métro."
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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L'astrophysicien Ito Naga énonce ses 469 menues vérités sans couper le moindre cheveu en quatre. Avec simplicité, humour et acuité, il sonde les travers et les à côtés des hommes, montrant la précarité et la fugacité des petits moments heureux de l'existence : « Je sais que si sa main appuyait à peine plus fort, ce ne serait plus une caresse » ou encore : « Je sais qu'il est tentant d'en rester à la peau douce des apparences ». Au gré d'une déambulation amicale avec l'auteur qui déploie un savoir-vivre éprouvé, le lecteur s'enrichit d'infimes particules qui le charge d'un précieux élan fraternel et humaniste. Ito Naga est un homme de la Renaissance égaré en plein vingt-et-unième siècle.
Cheyne, éditeur de poètes contemporains, développe aussi une collection, « Grands fonds », ouverte sur une pensée nomade et fertile à l'exemple de celle d'Ito Naga, scientifique émerveillé.
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Je sais qu'avec les gens qu'on n'aime pas, on n'aime pas jusqu'à l'air qu'ils déplacent.
Je sais que l'inverse est vrai aussi : on aime l'air que déplacent les gens qu'on aime.
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« Je sais qu’on est sommé d’avoir un avis sur tout, quand on en a sur quasiment rien ».
« Je sais que j’ai mis longtemps à voir qu’insulter l’autre, c’est avant tout s’humilier soi-même : par le mépris qu’on s’inspire après coup ».
« Je sais que j’ai engendré un être mortel » dit simplement Anaxagore en apprenant la mort de son fils.

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Je sais en écrivant une résolution que déjà les mots faiblissent, qu'il faudra à nouveau me convaincre moi-même.
Je sais que, même s'ils sont identiques, mes propres mots me parlent moins que ceux d'un maître.
Je sais que les mots qu'on emploie sont ainsi habités par quantité de personnes.
Je sais que, lorsqu'on se demande si l'on a bien compris quelque chose, on ne sait plus ce que signifie véritablement comprendre.
Je sais qu'il faut accepter de ne pas comprendre exactement comme on l'espère.
Je sais que j'ai mis longtemps à voir qu'insulter l'autre, c'est avant tout s'humilier soi-même : par le mépris qu'on s'inspire après-coup.
Je sais qu'elle parle trop vite et trop fort pour s'aimer vraiment.
Je sais que soutenir son regard est comme un bras de fer.
Je sais qu'avec la fatigue, le corps apparaît comme une malle à traîner : de métro en autobus, d'escalier en escalier.
Je sais que, curieusement, transporter le corps dans d'autres endroits du monde le repose.Je sais qu'en marchant dans le parc Jean-Jacques Rousseau, on aurait pu se croire en Italie mais ce n'était pas l'Italie. D'où venait cette intime conviction ?
Je sais que nous sommes surpris en imaginant à une époque plus ancienne les visages qui nous entourent.
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Je sais qu’on sent quand on est regardé.
Je sais qu’il arrive qu’on ne regarde pas l’autre, simplement pour éviter de le voir détourner les yeux.
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Je sais que cette chaleur qui me caresse le visage s'est formée au fond du soleil et a voyagé plusieurs minutes dans le cosmos avant de me toucher.
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