Je suis de cette génération à laquelle on faisait lire « Les souvenirs d'enfance » au collège. Ce fut à l'époque pour moi une merveilleuse découverte et je ne compte plus les relectures qui ont suivi.
Il y a quelques temps, dans un club de vacances marocain, j'ai aperçu une collégienne sur un bain de soleil qui lisait « la gloire de mon père » en arborant un large sourire. J'en fus tout attendri. Ainsi,
Pagnol restait donc une valeur sûre dans l'univers des lectures adolescentes… C'était, de mon point de vue, tout à fait réconfortant.
Pour ma part, j'avais tout d'abord décidé de lire ce livre de correspondances en parallèle de la lecture d'un polar. En effet, je ne suis pas un habitué de ce genre de littérature, et je m'attendais à une succession de lettres aussi diverses que variées, livrées « brutes », dont je pensais qu'elles risquaient rapidement de m'ennuyer. Je préférais donc en lire une par ci par là, comme s'il s'agissait d'un sachet de Picorettes, dans lequel on plonge les doigts avec parcimonie, histoire de ne pas se dégoûter, et de prolonger au maximum le plaisir.
Seulement voilà, ces lettres sont entrecoupées d'explications très intéressantes qui les complètent et les enrichissent. Et finalement, on est tout surpris d'avoir beaucoup de difficultés à suspendre sa lecture.
S'ajoutent à cela bon nombre de renvois à des annotations qui éclairent le lecteur en lui apportant bon nombre de précisions, aussi utiles qu'intéressantes.
Le livre s'ouvre sur la correspondance familiale. La plus émouvante, mais aussi celle qui nous montre un
Marcel Pagnol séducteur, qui se retrouve parfois en délicatesse avec ses maîtresses. Savoureux !
Parmi celles qui ont particulièrement retenu mon attention, il y a les lettres qui témoignent des rapports difficiles entretenus avec
Giono, qui se règleront au tribunal, mais retrouveront finalement l'apaisement qu'apporte une amitié indéfectible.
Celles d'
Albert Cohen, réclamant à Marcel une photo de lui en tenue d'Académicien à de nombreuses reprises (pendant trente ans !), mais en vain, sont surprenantes. Cette correspondance témoigne d'une amitié parfois étouffante, mais d'une incroyable fidélité. « Il y a des gens qui aiment un peu beaucoup de gens, moi j'aime beaucoup peu de gens » écrit Cohen pour s'en justifier auprès de son ami.
J'ai bien aimé également la correspondance entretenue avec
Georges Simenon. Il semblerait que ces deux là aient passé plus de temps à s'écrire au sujet du plaisir qu'ils auraient à se retrouver…qu'à se retrouver vraiment.
Notons également la retranscription du Discours prononcé par
Pagnol lors de sa réception à l'
Académie Française. Ce texte, aussi habile que soutenu, tranche avec des lettres à travers lesquelles la majorité des auteurs ne cherchent pas particulièrement à donner un tour littéraire à leurs écrits.
Un agréable moment de lecture que j'ai prolongé en retrouvant la jolie
Jacqueline Pagnol dans l'inoubliable « Manon des sources ».