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EAN : 9782846262989
168 pages
Au Diable Vauvert (29/04/2011)
3/5   17 notes
Résumé :
Comment devient-on l’un des plus grands philosophes du Siècle des Lumières, l’un de ceux qui ont rendu possible la Révolution française, un précurseur du romantisme et de la démocratie ? On s’attend à ce que Rousseau ait reçu l’éducation nécessaire à l’élaboration de sa prodigieuse culture et de ses réflexions. Pas du tout ! Durant son adolescence, Rousseau s’est formé à travers une aventure intellectuelle, vagabonde et multiple. Né en 1712 à Genève, il est élevé de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Ma lecture lointaine du contrat social m'avait laissée le souvenir d'un auteur profondément animé par le souci d'une société juste reposant sur la souveraineté de son peuple grâce à un pacte social qui garantirait à ceux qui s'y soumettent égalité et liberté entre ces citoyens.
J'étais loin de m'imaginer que le parcours désordonné voire chaotique tel que le décrit Claude Mazauric puisse accoucher d'un esprit aussi perspicace et novateur que celui de J-J Rousseau.
Car ce qui nous conté c'est un tempérament qui pourrait apparaître bohème et irrésolu à notre époque, nourri de rencontres et de découvertes opportunes pour qui est né roturier et sans appui.
C'est avant tout un jeune homme qui se laisse guider par le destin : Rousseau devient catholique moins par conviction que par opportunité, côtoie la noblesse en quête de reconnaissance de la richesse intellectuelle qu'il a su se construire lui-même… mais paradoxalement, bien que conscient de ses facultés créatrices, se révèle maladroit en pratique, incapable de mettre à profit les solides relations nouées dans ce beau monde. Ses maladresses lui permettent tout au moins de mieux observer le jeu des intrigues politiques et des dominations sociales.
Il renonce très vite à diverses propositions préférant « une obscure liberté à un esclavage brillant ». Avec un besoin impérieux et étrange d'indépendance qui ne s'affiche pas encore de manière éclatante, C. Mazauric expose ce qui ressemble à de longues années de flottement du jeune Rousseau.
La trajectoire de J-J Rousseau que j'ai découvert terriblement orgueilleux n'a rien de linéaire et ne préfigure en rien sa pensée politique, si ce n'est une enfance genevoise façonnée par le protestantisme qui imprègne durablement le jeune Rousseau d'une soif insatiable de connaissances et d'une réelle intransigeance face une société pervertie, corrompue. Parce qu'elle s'affranchie du monde connu, cette biographie suscite un réel intérêt. Sans apporter une mise en perspective et une analyse aigüe de la vie et de l'oeuvre de Rousseau, cette biographie plutôt courte se lit facilement. D'autant plus, que c'est avec un ton résolument enthousiaste voire désinvolte que C. Mazauric dresse le portrait de l'homme à défaut de présenter le philosophe. Un homme animé d'une volonté inébranlable d'apprendre et d'observer son environnement afin de se découvrir soi-même et de s'émanciper de ce monde.
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Biographie de Claude Mazauric.

La collection À 20 ans s'intéresse aux monstres de la littérature et « à l'aventure de leur jeunesse » : « Pour qu'ils deviennent des classiques, il fallait d'abord qu'ils soient des originaux. » En juillet commenceront les festivités du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau. C'était une belle occasion de revenir sur les jeunes années de l'auteur des Confessions ou de la nouvelle Héloïse.

Avant de devenir un grand homme de Lettres admiré ou haï, en tout cas reconnu, Jean-Jacques Rousseau a mis 30 ans à trouver la voie qui lui permettrait de s'exprimer. Son enfance, son adolescence et ses jeunes années d'homme, pour pénibles qu'elles ont été, ont fait naître Rousseau là où il n'y avait que Jean-Jacques. « le moment de ses 20 et 30 ans fut celui d'une errance, un temps de tristesse d'incertitude et de confusion, mais aussi d'expériences, de découvertes, d'assimilations de savoirs immenses, de grandes joies. » (p. 9)

De Genève à Paris, en passant par Chambéry, Lyon ou Annecy, le jeune Jean-Jacques a suivi des éducations morcelées auprès de maîtres inconstants ou fantasques. Entre protestantisme et catholicisme, sa foi d'apostat est souvent vacillante. Son amour des femmes et sa sensualité sont aussi précoces que son dégoût des sociétés perverties. La nostalgie des jeunes années traverse son oeuvre, « le rappel de l'innocence enfantine qui se meut dans le rêve lui parut peut-être incarner le plus grand bonheur. » (p. 23)

On a déjà tout écrit sur sa relation avec Françoise-Louise de Warrens, qu'il appelait « Maman » et qui lui donnait du « Petit ». Cette femme, protectrice, initiatrice et amie, domine tout l'imaginaire que Rousseau développe sur les femmes. « Constamment amoureux, maladroit dans ses approches, incertain de son désir, Jean-Jacques Rousseau, dès sa jeunesse, se fait une si haute idée des femmes qu'il voudra toujours les placer hors du monde social où la brutalité des mâles, la trivialité masculine, les conflits de pouvoirs pourraient pervertir leur nature originelle. » (p. 51 & 52)

Les nombreux voyages à pied qu'il a effectués lui ont donné le goût de la solitude, du rêve et de l'observation. Quand il se fixe temporairement dans le domaine des Charmettes, auprès de Mme de Warrens, il se montre enragé d'apprentissage et féru d'étude. « Sa volonté de ne rien ignorer des savoirs de son temps » (p. 97) lui faire lire les philosophes, les politiciens, les physiciens, les mathématiciens, les astronomes, les historiens, les docteurs en médecine et bien d'autres. Seul, étant son propre maître d'étude, il se forge une culture encyclopédique avant la lettre. « C'est aux Charmettes, en effet, que s'est formée la grande synthèse intellectuelle, faite de savoir, de lecture, de découvertes et de réflexion, dans laquelle Jean-Jacques a par la suite puisé pour donner naissance à une oeuvre proprement gigantesque. » (p. 95)

Mais voilà, Rousseau a trente ans et il n'a jamais exercé ses talents, ou alors piètrement. Ses aspirations musicales sont raillées par ses contemporains, notamment Jean Rameau. Médiocre précepteur, il écrit les premières lignes ses réflexions sur l'éducation et deviendra, avec Émile ou de l'éducation, l'un des plus grands théoriciens de la pédagogie. Il veut « compenser par l'écriture distanciée et critique, c'est-à-dire théorique, l'échec de ses entreprises pratiques. » (p. 106)

Quand enfin, à 32 ans, Jean-Jacques Rousseau comprend que sa voie est d'écrire, il ne s'arrêtera plus et il produira les chefs-d'oeuvre qu'on lui connaît. Théoricien, philosophe et auteur de génie, il n'est pas un encyclopédiste de plus parmi les Diderot, D'Alembert ou Voltaire. La sensibilité de Rousseau lui est une qualité incontestablement précieuse dans un siècle de Lumières où de nouveaux dogmes étouffants tentent de rendre heureux le peuple sans lui demander son avis.

Cette biographie partielle de Jean-Jacques Rousseau est très bien écrite. Loin d'être une somme historique ou un fastidieux recueil d'extraits des oeuvres de l'auteur, elle propose une véritable argumentation. La plume de Claude Mazauric déconstruit le mythe et façonne l'homme en se fondant sur son histoire. On est loin d'un texte beuvien, mais on sent toute l'importance que prirent les expériences du jeune Jean-Jacques dans les textes du grand Rousseau. le livre est court et se lit aisément. Ne cherchez pas l'auteur et le philosophe dans ces pages, ils n'y sont qu'en germe. À l'issue d'une telle lecture, il faut reprendre nos classiques. La nouvelle Héloïse pourrait être le premier d'entre eux à repasser sous mes yeux.
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Jean-Jacques Rousseau passa son enfance espiègle sur les bords du lac Léman dans une Genève protestante, républicaine (une république qui ressemble drôlement à une ploutocratie), terreau fertile au développement de l'industrie banquière. Cette ville joua un rôle important dans la pensée politique de Rousseau et par conséquent des révolutionnaires pourfendeurs de la monarchie catholique. Tout ça (qui n'occupe que les deux ou trois premiers chapitres) et le contexte en général est très bien expliqué, sans être rébarbatif. de plus, les citations de Rousseau sont opportunes, renvoient aux ouvrages adéquats et éclairent en général le propos, c'est-à-dire la biographie.
Car, bien plus que l'exposition de sa pensée, c'est d'une biographie de ses années de jeunesse dont il s'agit ; et à travers les aléas de cette vie, l'auteur imagine comment cet esprit a pu se former. Les évènements racontés sont souvent significatifs, d'autres sont parfois amusants, comme cette quasi expérience homosexuelle qui se conclue par le vol plané de « je ne sais quoi de gluant et de blanchâtre », dixit Rousseau lui-même. le développement psychologique de Rousseau - par exemple son hypocondrie ou son rapport aux femmes - est vraisemblable, admissible. Peu à peu, grâce à des rencontres, ses inclinations pour la musique, la botanique se font jour, mais ce qui ressort surtout de cette jeunesse, c'est son caractère versatile ou plutôt insatisfait, matérialisé par une errance qui mène Rousseau des lacs alpestres à Paris, en passant par Turin, Lyon et Venise. Une insatisfaction qui présage ce que deviendra Rousseau : « cet écrivain prolifique, maîtrisant sa langue, son expression, son vocabulaire et même sa calligraphie dans les manuscrits de ses oeuvres qu'inlassablement, il corrige, recopie, perfectionne ».
J'imagine que tout a déjà été écrit sur Rousseau. J'imagine aussi qu'un fin connaisseur du philosophe ne trouvera rien de très passionnant dans ce livre. J'imagine toujours, et en fait j'en suis même persuadé, que rien ne vaudra jamais de lire Les confessions et ses autres oeuvres pour s'instruire sur Rousseau. Mais cette petite biographie peut servir de bonne introduction pour tous ceux qui voudront se familiariser avec cette oeuvre. Et si Claude Mazauric, l'auteur, a quelques « tics de langage surfaits (sic) » qui interrompent, parfois, un peu trop la lecture à mon « goût (sic) », l'ensemble est vraiment très agréable à lire.
Enfin, merci à Marion Mazauric, l'éditrice, et son équipe du Diable Vauvert (diablement membré, le diable en troisième de couv') pour m'avoir offert ce livre, ainsi qu'à Babelio pour son aimable intercession.
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Jean-Jacques Rousseau, l'aventure de sa jeunesse, au-delà de la curiosité, est-ce que cela nous renseigne sur le devenir de l'écrivain genevois ? Devient-on l'un des plus grands philosophes du siècle des Lumières, n'est ce pas plutôt là une illusion biographique ?

Peut-on en effet rendre compte de l'histoire d'une vie comme d'un cheminement, une aventure qui conduit à une fin : Jean-Jacques devenu écrivain philosophe ? « Il ne poursuit qu'un but s'instruire de tout, apprendre toujours, y compris les sciences et la philosophie, pour mieux connaître les autres, pour mieux se connaître lui-même». le présupposé que la vie constitue un ensemble cohérent et orienté – apprendre et comprendre – n'est-il pas un leurre ? La vie de Jean-Jacques Rousseau se déroulerait avec un certain ordre et notamment avec une origine signifiante : « Il est élevé de façon désordonnée par un père fantasque ». Cela suggère manifestement une originalité, une liberté comme cause première. le livre de Claude Mazauric propose ainsi des évènements dans un ordre chronologique, il présente des séquences ordonnées selon des relations intelligibles : Genève, l'abandon de son père, son oncle, un pasteur ; la conversion catholique, Annecy, Mme de Warrens ; la prêtrise, la musique, l'éducation, la diplomatie, l'écriture … L'auteur tente, sans grand succès, tout au long du livre, d'établir des relations intelligibles, celles des effets et des causes efficientes entre les états successifs d'un développement nécessaire. L'écrivain abouti devrait au jeune homme incertain nombre de ses idées.

Robbe-Grillet disait : « Tout cela, c'est du réel, c'est-à-dire du fragmentaire, du fuyant, de l'inutile, si accidentel même et si particulier que tout événement y apparaît à chaque instant comme gratuit et toute existence en fin de compte comme privée de la moindre signification unificatrice ». Les évènements biographiques se définissent me semble-t-il plutôt comme une trajectoire, comme une série de positions successives dans des espaces différents déterminés et déterminants – des champs aurait dit Pierre Bourdieu. Au soir de sa vie, l'écrivain des Lumières qui écrit « Rousseau juge de Jean-Jacques » rend compte à sa manière de cette fragmentation. Il y a le jeune Rousseau, celui d'avant ses livres, celui de l'étude et des projets chimériques et celui qui au soir de sa vie se reproche de n'avoir « rien conçu que ses horribles systèmes ». Il y a le Rousseau de la maturité qui connaît le succès littéraire, qui a rencontré Denis Diderot et Voltaire ; celui pris dans l'espace social et « le jeu » du champ mondain et intellectuel. Mais pour expliquer les incohérences de l'homme pratique et du théoricien, il aurait fallu la littérature d'aujourd'hui, celle qui a abandonné la vision de la vie comme existence dotée de signification et de direction et qui a donc également renoncé au récit linéaire.
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Claude Mazauric nous convie à découvrir le jeune « Jean-Jacques » avant qu'il ne devienne « Rousseau ».
De sa naissance, le 25 juin 1712, marquée par la mort de sa mère neuf jours plus tard jusqu'à l'aube de ses trente ans, nous parcourons tout ce que le futur philosophe passé engrangera auprès de ses formateurs (son père, la pension chez le pasteur Lambercier, son stage d'apprenti graveur, son arrivée chez Mme de Warrens,...), ses initiations musicales, ses différents emplois (maître de musique, employé au cadastre, précepteur,...), ses études aux Charmettes ( la maison de Mme de Warrens, la protectrice, «Maman » qui tour à tour aime, écarte, reprend) où il étudie les mathématiques, l'astronomie, herborise, observe.
L'homme se forge tout en cherchant où se trouve son destin. Pendant quelques années, Jean-Jacques s'imagine musicien, compositeur, théoricien. Il n'y a que Paris de possible pour obtenir une reconnaissance, il y « monte » et présente son « Projet concernant de nouveaux signes pour la musique » à l'Académie des sciences de Paris. Grande déception : rien de neuf dans sa proposition (il l'ignorait), ce système de notation musicale a déjà été proposé. Il commet aussi l'irréparable : réduire en un acte l'opéra composé par Jean-Philippe Rameau, le grand compositeur du moment. C'est l'époque de la « Querelle des Bouffons ». Musique italienne et musique française ont chacune leurs défenseurs. Rameau ne ménagera pas Jean-Jacques. J'ai d'ailleurs relu quelques lettres écrites par Diderot, Rousseau et Rameau. le règlement de comptes y est mordant, subtil, assassinant.
Jean-Jacques s'est donc fourvoyé mais comme le mentionne l'auteur « Pour le bonheur des siècles postérieurs, peut-être la Providence, ou ce qui en tiendra lieu dans notre raisonnement, nous a-t-elle préserver du contraire. C'est l'écrivain et le philosophe Rousseau qui s'imposera bientôt, non le concurrent malheureux de Rameau. »
Car « Jean-Jacques devient Rousseau » et qui n'a pas lu quelques pages ou extraits de « Julie ou la Nouvelle Héloïse », de « l'Emile » en imaginant cette pédagogie ô combien attractive et utopique, des « Confessions » et des merveilleuses « Rêveries du promeneur solitaire ».
Ce court livre documenté nous met dans les pas d'un jeune roturier du XVIIIe nous montrant ainsi la construction, les émois, les rêves, les affronts qui constitueront une des personnalités attachantes de ce siècle.
Merci « Rousseau » pour ce parfum de liberté, ce désir de classes sociales abolies où chacun, dans le respect de soi-même et le respect des autres, pourrait trouver cette place que nulle comparaison, nuls préjugés ne viendraient assécher et où la compassion sincère et ressentie pourrait s'épanouir. En cela, Jean-Jacques devenu Rousseau fut un précurseur de bien des idées développées aux XIXe et XXe siècles.

Je remercie Babélio et les Editions Au Diable Vauvert (www.audiable.com) de m'avoir permis cette agréable lecture.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Deux mois à peine après y avoir été admis, Jean-Jacques quittait le séminaire des lazaristes et se retrouvait chez "Maman". Dès lors, que faire ? Entrer comme pensionnaire à l'école de chant de la cathédrale d'Annecy parut une issue possible. Depuis peu en effet, Jean-Jacques s'entichait de musique encore plus que de lectures et de promenades. Il avait emporté avec lui au séminaire les partitions des Cantates de Clérambault (un compositeur de pièces pour orgues et clavecin) qu'il s'était mis en tête de déchiffrer avec l'aide rudimentaire de manuels d'instruction musicale faisant la part belle aux gammes, intervalles, clefs et octaves. Deviendrait-il musicien ? Il chantait juste par imitation, d'une jolie voix disait-on, et la maison de Mme de Warrens était toute musicale, autant que faire se pouvait. Maman l'encouragea dans cette voie en recourant au service d'un personnage picaresque surnommé par elle qui avait le génie des diminutifs: "Petit chat" ! M. Le Maistre, maître de musique de la cathédrale d'Annecy, un Parisien talentueux de 28 ans mais porté sur la boisson, n'hésita pas, à la demande de Mme de Warrens, à accueillir Jean-Jacques chez lui pour le former, d'ailleurs sans grand succès, car son élève a toujours la tête ailleurs.

Les semaines de l'automne et de l'hiver passent ainsi dans une sorte d'ennui plus ou moins musical, plus ou moins liturgique. En février 1730, un inconnu frappe à la porte de Le Maistre et se présente: Venture de Villeneuve. Ce dernier se dit musicien et même compositeur ; à l'usage, on constate qu'il chante fort bien et connaît la musique, bien qu'il soit vantard. Quoique contrefait physiquement, c'est un séducteur qui devient la coqueluche des honorables membres de la manécanterie d'Annecy, femmes et hommes de la noblesse compris. On dénombrait 45 familles nobles à Annecy, soit un habitant "noble" pour cent habitants, ce qui faisait de ce petit milieu nobiliaire un ensemble huppé dominant la bonne société de la ville. On y jugeait Le Maistre lourdaud et tyrannique et on y préférait le nouveau venu: seule Mme de Warrens résistait au charme prétendu de Venture... Mais la question n'est plus là car Le Maistre prend ombrage de la présence abusive à ses yeux de ce concurrent potentiel ; se sentant trahi, il plaque là la maîtrise et le reste, emporte partitions, clefs de sol et compositions de sa plume, feuilles de notes et annotations, et désigne Lyon comme son prochain lieu d'atterrissage. Maman saute sur l'occasion: Jean-Jacques l'accompagnera. Dès avril 1730, Le Maistre et Jean-Jacques gagnent Lyon par la chaise de poste en traversant Seyssel et Belley tandis que la malle aux partitions suivra par la poste fluviale. Le long du voyage, Le Maistre, presque toujours pris de boisson, est atteint de convulsions épileptiques auxquelles Jean-Jacques fait face comme il peut, c'est-à-dire assez mal. Mais à peine sont-ils arrivés à Lyon qu'il abandonne purement et simplement sur la place publique son compagnon, victime d'une crise spectaculaire qui attirait la foule: le gentil Rousseau aura donc une nouvelle occasion d'alimenter plus tard ses remémorations moroses et coupables. Mais, mission accomplie, il repart sans tarder à Annecy pour retrouver Maman: voyage haletant mais confiant. Quand il arrive à Annecy, c'est la stupeur: "J'arrive et je ne la trouve plus. Qu'on juge de ma surprise et de ma douleur !"

Il est presque assuré que Mme de Warrens, en lui suggérant de se rendre à Lyon, avait prémédité son coup avec la complicité de Claude Anet, l'intendant fidèle devenu son amant serviable. Pourquoi ? L'affaire est obscure. Le plus probable est qu'elle intriguait auprès du roi de Sardaigne, Victor-Amédée, au moment où il s'apprêtait à abdiquer au profit de son héritier Charles -Emmanuel III, pour que ce dernier accepte d'augmenter sa pension. (p63-65)
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Quand il rédigera "Émile ou de l'éducation", Rousseau dira pis que je pendre de l'initiation précoce à la lecture, source à ses yeux de perversion dans l'apprentissage pratique de la vie, mais lui-même en a considérablement profité: à 10-15 ans, ce petit Genevois, issu du monde de l'activité "mécanique", possédait une culture livresque digne de celle d'un prince et il apprit vite à s'en servir pour s'imposer, sinon dans le monde de la haute aristocratie, du moins auprès de celles et ceux qu'il approchait et qui trouvaient ce jeune homme venu de nulle part bien intéressant et cultivé. (p.19)
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Jean-Jacques Rousseau est au vrai, si l’on s’autorise à associer les mots d’anthropologie, c’est-à-dire la connaissance de l’humain en soi, et de révolution, c’est-à-dire la transformation de la condition humaine dans l’Histoire, le fondateur d’une anthropologie révolutionnaire. L’humanité entière lui devra cette infinie découverte. p.141
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Voilà pourquoi j'ai toujours tant redouté les bienfaits, car tout bienfait exige reconnaissance; et je me sens le coeur ingrat par cela seul que la reconnaissance est un devoir. En un mot, l'espèce de bonheur qu'il me faut n'est pas tant de faire ce que je veux que de ne pas faire ce que je ne veux pas. (Lettres à Monsieur de Malherbe, 1762)
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"Je hais les grands, je hais leur état, leur dureté, leurs préjugés, leur petitesse et tous leurs vices; et je les haïrais bien davantage si je les méprisais moins".

(Lettre de Rousseau à Monsieur de Malesherbes, 28 juin 1762).
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