Après un long moment d'absence, l'excellent magazine littéraire Jentayu fait son retour en édition papier. Et quel retour haut en couleurs, en goûts et en coeur avec ce numéro hors-série portant sur Hong Kong et sa littérature.
Ce recueil de textes est encore une fois soigneusement construit et déroulé grâce à une équipe de traducteurs passionnés qu'il ne nous reste qu'à remercier très chaleureusement. Sans eux, notre accès déjà limité à la littérature hongkongaise, le serait infiniment davantage.
Pour commencer, l'avant-propos et l'introduction donnent le ton. Il sera question de langue et de mélange de langues en l'occurrence, un point clé indissociable de l'histoire de Hong Kong comme de son présent. Dans son poème “Zoologie postcoloniale”, Nicholas Wong parle des hongkongais comme des “centaures bilingues”, des expériences créées par la colonisation des britanniques. La langue est au centre des réflexions du personnage de Wong Yi dans sa nouvelle “La mariée traversant l'océan”. Néanmoins ces mélanges se retrouvent également dans les traversées et les rencontres passées à Hong Kong, terre de croisement, terre d'exil ou de fuite. Xiaosi l'exprime à merveille dans l'entretien avec elle autour du “Hong Kong de
Eileen Chang et
Wang Anyi” ou dans le poème “Nasi dan Santan” de
Leung Ping-kwan.
Il est difficile de ne pas passer à côté des événements récents de 2020, héritiers des événements de 2014. Nombreux sont les textes dans ce recueil qui les mentionnent de manière plus ou moins frontale. le poème de Xixi “Arrêt de nuages” en distille les prémices, accentuées par l'excellente nouvelle de Leung Lee-chi “Pièces vides”, racontant le départ d'une famille du point de vue des objets de leur appartement. L'absurdité des gouvernants de Hong Kong est ensuite mise en image par
Dorothy Tse dans “Sombres choses” soulignée par les poèmes de Jennifer Wong et enfin clairement montrée par le journal de Hon
Lai-chu avec “Soleils noirs”. Ces textes racontent l'incrédulité et le désespoir devant le vol des libertés. Elle rappelle que pour les Hongkongais, “les ténèbres [...] sont tapies dans les tréfonds du quotidien, agrégations progressives des ravages engendrés par l'Histoire.” Hon
Lai-chu marque l'importance de protéger “la valeur infinie” de cette liberté. Un concept volé aux habitants de Hong Kong qui ne peuvent plus que “résister sans relâche contre la vermine qui a entrepris de dévorer la cité.”
Le rêve et l'imaginaire ont également leur place dans “Montagne” et “Le Bibliotarium de l'île-distante”, deux nouvelles plus mystérieuses qui débutent et terminent ce numéro. L'amour aussi, bien que souvent vécu dans la solitude accentuée par la ville y est présent.
Ce recueil vous propose de partir à la recherche de Hong Kong, avec un début plus onirique. S'ancre ensuite dans la réalité avec des questions plus sociales et récentes. “Traque sur fond bleu”, écrit de manière à jouer avec nos perspectives de temps offre une pause bienvenue dans la lecture. Ce numéro continue de monter en intensité émotionnelle et se termine plus calmement, retournant dans le rêve.