Mercredi 5 mai. — Parti pour Champrosay.
J'ai donné congé à Andrieu au commencement de la semaine. Tombé au milieu du déménagement qui a été mis en ordre le lendemain. L'habitation me plaît, et le bon propriétaire empressé à me plaire. — Il faut ébaucher le tableau comme serait le sujet par un temps couvert, sans soleil, sans ombres tranchées. Il n'y a radicalement ni clairs ni ombres. Il y a une masse colorée pour chaque objet, reflétée différemment de tous côtés. Supposez que, sur cette scène, qui se passe en plein air par un temps gris, un rayon de soleil éclaire tout à coup les objets : vous aurez des clairs et des ombres comme on l'entend, mais ce sont de purs accidents. La vérité profonde, et qui peut paraître singulière, de ceci est toute l'entente de la couleur dans la peinture. Chose étrange! elle n'a été comprise que par un très petit nombre de grands peintres, même parmi ceux qu'on répute coloristes.
Causé à dîner des tables tournantes : Mme Villot a vu et fait des expériences ; elle en vient à croire presque au surnaturel. J'ai effectivement, après dîner, éprouvé par mes yeux, sinon autrement, cette fameuse découverte. Geneviève, la femme de chambre, a fait tourner un chapeau... ; un guéridon a sensiblement tourné et levé le pied d'un côté ; mais après nous être mis une demi-heure autour de la grande table à manger, il a été impossible de l'arracher à son immobilité de nature. Ces dames ont prétendu que j'étais un sujet peu propre : de même, d'une ou deux personnes présentes...
Anvers, lundi 8 juillet.—Parti pour Anvers à huit heures. - Le Musée très mal arrangé. L'ancien faisait plus d'effet. Les Rubens disséminés perdent beaucoup. Je ne leur ai toutefois jamais trouvé à ce degré cette supériorité qui écrase tout le reste. Saint François, que je n'estimais pas autant, a été mon favori cette fois, et j'ai beaucoup goûté aussi le Christ sur les genoux du Père éternel, qui doit être du même temps. Je lis dans le catalogue que le Saint François a été peint quand Rubens avait quarante ou quarante-deux ans.
"Le peintre et le poète : Delacroix et Baudelaire", documentaire réalisé, en 1959, par Georges Régnier, avec les musiques de Chopin et de Listz, et les voix de Michel Bouquet et de Pierre Marteville. Film rare, appuyé sur les écrits de Baudelaire, étudiant le regard du poète sur l'œuvre du peintre à partir des tableaux suivants : "Virgile aux enfers", "Autoportrait", "Mort de Sardanapale", "Massacre de Chio", "Entrée des Croisés à Constantinople", "Femmes d'Alger", "Le Doge de Venise", "La Barricade", "Le Turc", "Lutte de Jacob avec l'ange".