J'aime évoquer le passé glorieux d'Alexandrie, non pas celui de Cléopâtre, mais celui de Durrell, de Solé ou de Cavafy, un passé révolu mais encore vivant dans les mémoires. de passage à Alexandrie au début du 21ème siècle, je n'ai pas retrouvé grand chose de ces splendeurs, mais j'ai cherché ces fantômes....
Dimitris Stefanàkis raconte un demi siècle d'histoire entre la veille de la Première Guerre mondiale aux nationalisations de Nasser en 1956-1957 et le départ des derniers Européens. Saga de la famille Hàramis, industriels (père puis fils) producteurs de cigarettes et personnalités marquantes de la Communauté Hellénique d'Alexandrie.
Alexandrie d'alors était cosmopolite, francophile, occupée par les Britanniques, avec une forte communauté italienne, de nombreux Syro-libanais, des Juifs, des Arméniens, et bien entendu des Arabes, musulmans ou coptes....C'est un roman grec et Stefanàkis a braqué le projecteur sur les Grecs d'Alexandrie tandis que Solé évoque plutôt les Syro-Libanais (du Caire et d'Alexandrie dans le Tarbouche et le Sémaphore d'Alexandrie et le regard de Durrell est essentiellement britanique. On peut aussi citer
Paula Jacques pour la bourgeoisie juive francophone....
Ces
Jours d'Alexandrie nous racontent un demi- siècle d'histoire européenne, vécue par des Grecs mais pas uniquement à Alexandrie. L'auteur nous fait découvrir Istanbul (La Ville pour les Grecs) pendant l'été 1914, quand on peut encore prendre le bateau en Méditerranée Orientale. Antonis Haràmis - le père - exile ses deux fils en Allemagne juste à la fin de la Grande Guerre, l'un à Berlin, l'autre à Munich, occasion d'évoquer un Berlin interlope au moment de l'inflation, et les débuts du nazisme à Munich. l'un se liera aux communistes, l'autre aux nazis. de Berlin à Paris dans les années 3o... toute la grande Histoire est survolée. La Guerre d'Espagne aussi. Retour à Alexandrie pour la seconde Guerre Mondiale, El Alamein....Période 39-45 diversement vécue par les deux frères, l'un fournisseur en cigarettes des troupes britanniques, l'autre envoyé par les Grecs sous la botte allemande... le roman se terminera par l'arrivée de Nasser au pouvoir dont nationalisation de l'usine familiale mettra le point final.
C'est aussi une histoire de la Grèce. Les Grecs d'Alexandrie sont très attentifs à la politique grecque, divisés entre monarchistes et partisans de Venizelos qui fait une apparition dans l'usine des Haramis. Une partie du roman se déroule à Athènes. Puis déchirés entre communistes du KKE et partisans des Allemands quoique, j'aurais aimé en savoir plus sur la guerre en Crète (mes références littéraires :
Fermor). Très attachés à leur belle ville, ils le sont aussi à leurs origine. On sait toujours d'où vient tel ou tel personnage : Antonis Haramis était un gosse de Cavala, d'autres personnages, de Mytilène ou de Symi, ou de Chios....
Des personnages non-grecs jouent aussi un rôle important : Yvette Santon, une française, ou Elias "le Libanais"... Dans les 540 pages on découvre des milieux très mélangés, des divas de l'opéra aux domestiques arabes....des pâtisseries très chics aux bordels sordides.
Mon regret, j'attendais Cavafy, il n'apparait que décédé (1933), quelques vers dont les célèbres barbares - arrêtés à El Alamein ? (1942).
Je suis entrée lentement dans ce pavé où il y a quand même des longueurs, surtout dans la première partie. J'ai trouvé un peu superficielle cette évocation de l'entre-deux guerres mais je me suis laissée séduire au fil des pages et j'ai refermé à regret le livre. Intéressant si on aime Alexandrie et la Grèce mais n'est pas Durrell qui veut!.