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Rina Viers (Traducteur)
EAN : 9782020089012
187 pages
Seuil (01/04/1986)
3.72/5   16 notes
Résumé :
Fort d'une foi triomphante, un seigneur français entreprend, à la tête d'une troupe de croisés, la chevauchée qui doit le conduire vers la Ville Sainte. Le massacre des Juifs accompagne sa progression, mais bientôt, au sein de paysages désolés, la marche se fait plus lourde et l'esprit plus inquiet. Les malédictions, la mort frappent. Les survivants perdront tout, jusqu'à la pesanteur du corps, pour devenir l'expression d'un pur désir en marche vers une Jérusalem cé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
La croisade des enfants, de Schwob, m'a remis en memoire cet ancien livre d'Amos Oz. Il contient deux longues nouvelles. La deuxieme est sans grand interet a mon avis, pas du meilleur de cet auteur en tous cas. Mais la premiere…! Elle continue de remuer dans ma tete, de bonnes annees après ma premiere lecture.

Une relativement petite compagnie de croises part de France au printemps 1096, menee par un modeste noble, Guillaume de Touron. Leur avancee est empreinte de cruaute, se fournissant vivres (et femmes) dans les villages qu'ils traversent par la voie des armes. Ils reservent une ferocite particuliere aux juifs qu'ils rencontrent. Les deboires de leur route les amenent a se croire infiltres par des juifs, ou par des esprits judaisants, et ils s'entredechirent. Ils s'amoindrissent. Ils sont peu a peu gagnes par un etat de barbarie, par une sorte de degenerescence morale et physique. Ils n'atteindront aucun but, et finiront dans un rude hiver montagneux, luttant sans espoir contre le froid, la faim et la folie.

C'est une croisade de mort. Ce qui commence comme un chemin de redemption finit en cauchemar. Partis instaurer ailleurs un royaume divin, ces croises (ici c'est plutot cette bande amorphe d'aventuriers et d'illumines) se satanisent en fait eux-memes au cours de leur marche.
Je crois que le theme de cette nouvelle est exceptionnel dans l'oeuvre d'Amos Oz (Ce que j'en ai lu). En general il decrit la societe israelienne qu'il connait, et la on dirait qu'il s'attaque a d'antiques, a d'ataviques reminiscences juives: les souffrances engendrees en Europe par le passage des groupes croises. Mais Oz va plus loin: le convoi qu'il decrit ne seme pas terreur et souffrance seulement autout de lui, mais aussi en son sein. La haine est autodestructrice.

En fait la deuxieme nouvelle, Amour tardif, traite aussi de haine non inhibee, immoderee: celle que porte un conferencier syndicaliste vieillissant aux bolcheviques et a la Russie. Sans raison veritable, cette haine est, dans ce cas-ci aussi, autodestructrice.

Dueux longues nouvelles. Une qui m'a impressionne, la deuxieme beaucoup moins. Je deuvrais donner une note moyenne: trois etoiles. La nouvelle eponyme fait grimper cette note a quatre (mes notations tiennent plus de l'humeur du jour que des sciences exactes!).
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Neuf siècles séparent deux hommes aussi différents que semblables.
L'un, Guillaume de Touron, petit seigneur médiéval, décide, à l'appel d'Urbain II en 1096, de partir en Terre Sainte à la tête d'une petite troupe de coquins, miséreux et ribaudes.
Libérer Jérusalem, la ville Lumière, du joug maure, et accessoirement, sur le chemin, massacrer tout juif de passage. Car les signes ont parlé. Des feux s'éteignent sans aucune pluie, la maladie frappe hommes et chevaux, des chats s'invitent la nuit dans le campement pour des sabbats impies. Il faut expurger le malin, clouer le damné au pilori et brûler le mécréant.
La troupe n'ira pas au-delà de l'hiver transalpin, gangrenée par le froid et la faim ; minée de paranoïa et de haines intestines.
Ne resteront que les écrits de Claude le Bossu, rejeton dégénéré du seigneur, qui consigne au jour le jour ses propres turpitudes comme les exactions hallucinées de ces croisés misérables.

De l'autre Chraga Unger, conférencier vieillissant, malade et obèse, qui jour après jour, de kibboutz en kibboutz, déroule son antienne quant au péril bolchevique décidé à anéantir le jeune état hébreu et les juifs du monde entier.
Le mot « crépusculaire » revient souvent dans les commentaires de cette oeuvre. Et il est ô combien juste.
Guillaume de Touron est un homme blessé, meurtri par les deuils successifs de ses deux jeunes épouses, par l'absence d'héritier, par l'amour perdu de sa jeunesse, par la faillite de son domaine et les dettes accumulées. Reclus en folie, il condense le peu de vie qu'il lui reste en une haine abjecte du Juif, figure de tous les arbitraires, de toutes les responsabilités, coupable avant même que d'être.

A l'autre bout, Chraga Unger est lui aussi un éclopé de la vie, rongé de solitude, gras d'un passé que l'on devine hanté et lourd. Une jeunesse russe a enfanté une insidieuse folie qui grignote son quotidien, le contraignant, encore et encore, à prédire le pogrom planétaire fomenté par les rouges de l'est.
Amos Oz tisse dans ces deux nouvelles les fils névrotiques de la folie individuelle et ceux des démences collectives.
En virtuose de la psyché et d'une prose étincelante, l'auteur explore le syndrome de la judaïté, ce mal ancestral et incurable qui oblige à tuer ou à survivre.
En ce sens, les deux textes se répondent et se confondent pour livrer une réflexion abyssale à l'humanité exacerbée.
A l'image de Jérusalem, mythique et inaccessible, la judaïté ouvre l'appétit à toutes les névroses et malmène jusqu'aux extrêmes.
(Un grand merci à @Dandine, qui, par son récent billet, m'a fait découvrir ce texte d'un auteur qui n'aura cesser au fil de chaque page de m'éblouir.)
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Jusqu'à la mort rassemble deux longues nouvelles d'une centaine de pages chacune.

Jusqu'à la mort se déroule en 1096. Guillaume de Touron, à la tête d'une petite troupe de chevaliers et de vilains se dirige vers Jérusalem, Claude-le-bossu tient chronique de cette croisade. Libérer les lieux saints ne semble pas la préoccupation principale des croisés. En permanence, la persécution des Juifs est consignée dans le récit de Claude.



Juifs réels ou supposés. Les chevaliers persécutent les Juifs des villages qu'ils traversent et qui se cachent à leur passage. Quand ce sont des commerçants ou un simple colporteur, ils les dépouillent de leur richesse. Une mère et son enfants, dans l'imagination des Croisés deviennent des bêtes sauvages

"une véritable louve extirpée avec son petit de son repaire dans un tas de foin. La juive ouvrait la gueule aux dents blanches pointues qui n'avaient rien d'humain..."

A la suite un pogrom particulièrement terrible où un village est brûlé, même une maison ne renfermant que des livres anciens, la troupe des Croisés rencontre l'hiver , les grandes pluies d'hiver et le froid. Ils perdent de vue l'objectif premier de la libération des lieux saints. Ils vont jusqu'à se soupçonner les uns les autres d'être Juifs...

"quelque chose lui disait que cet endroit lui était étranger et que Jérusalem n'était pas au bout du voyage. ...que Jérusalem n'était pas la Cité de Dieu et qu'Andréas était peut être le Juif caché...."

Équipée hallucinée dont le but ne peut être que la mort.

La seconde nouvelle Un amour tardif a pour personnage un conférencier vieillissant et solitaire qui va de kibboutz en kibboutz animer des soirée sur le thème des juifs russes persécutés dans les années 50 ou 60, injuriant les Bolcheviks qu'il a bien connu, ayant lui même fait la Révolution en Russie.

Après l'antisémitisme médiéval de la première nouvelle , voici l'antisémitisme politique soviétique, doublé de l'antisémitisme traditionnel russe. C'est donc cette permanence de la haine des juifs qui fait l'unité du recueil de nouvelles. Aussi ce glissement vers la mort de l'arrivée de la vieillesse, de la maladie, la décadence.

Autant le style de Jusqu'à la mort est dépouillé, incisif, autant un amour tardif fait languir le lecteur. J'ai pensé l'abandonner avant la fin, vraiment démodé et désuet? Qui se souvient de Berl Katzenelson, dont le portrait orne le bureau du vieux conférencier. Qui se souvient que Golda Méir fut Golda Meyerson?






Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Connu sous son pseudonyme d'Amos Oz (« force » en hébreu) Amos Klausner (1939-2018), est un poète, romancier et essayiste israélien. Professeur de littérature à l'université Ben Gourion de Beer-Sheva, Amos Oz était le cofondateur du mouvement La Paix maintenant et un fervent partisan de la solution d'un double Etat au conflit israélo-palestinien. Son oeuvre compte plusieurs recueils de nouvelles, des essais et une petite vingtaine de romans.
Jusqu'à la mort, recueil de nouvelles datant de 1971 vient d'être réédité. Deux textes, Jusqu'à la mort et Un Amour tardif, le premier est très bien, le second m'a un peu ennuyé.
An 1095, le pape Urbain II exhorte à la croisade pour libérer la Terre Sainte des infidèles. le seigneur Guillaume de Touron, à la tête d'une petite troupe, se lance dans l'aventure pour répondre à cet appel mais surtout pour trouver la paix de l'âme, affecté par le décès de sa femme. A ses côtés, Claude-le-bossu, un esprit trouble animé de pulsions malsaines, tient la chronique de ce qui devait être une épopée mais s'avérera un épouvantable fiasco. Au fur et à mesure de leur avancée, la paranoïa va lentement gagner les esprits, on commence par tuer tous les Juifs croisés en chemin puis on s'imagine que l'un deux est incognito membre de la troupe et quand, bloqués par l'hiver, le froid et la faim, dans un monastère en ruine, Guillaume de Touron réalisera que cette suspicion n'est qu'une illusion créée par son propre cerveau, il ne lui restera plus qu'une seule issue…
Le récit s'écoule en douceur comme le sable dans le sablier, la métaphore est très belle et c'est un excellent moment de lecture.
La seconde nouvelle se passe à Tel-Aviv à l‘époque de Moshe Dayan, donc contemporaine. le narrateur est un vieux conférencier itinérant, « je vais de kibboutz en kibboutz les vendredis soir », proche de la mort, le corps se délitant, sans relations sociales et exécré de tous, « j'ai soixante-huit ans, je suis solitaire, je n'aime ni ne suis aimé ». Son obsession, l'antisémitisme des Russes, tournant à la parano, voyant un complot quand ses supérieurs lui proposent de prendre sa retraite.
Deux textes qui se rejoignent puisqu'il y est question de racisme et de haine, de solitude et de peur de l'autre, et in fine de mort.
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Cruauté, massacre, peur, paranoïa, juifs, vengeance, dans l'ordre ou le désordre sont les thématiques de ces deux nouvelles, l'une sous forme de croisade, l'autre sous la forme d'un homme déclinant.
Langage direct, sec, avec par instants des formules coups de poing
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
De plus, je suis obèse et je prends de plus en plus de poids. Je fume sans compter, cigarette sur cigarette. Tout ceci dévaste le corps petit à petit. Et, pour ma part, je ressemble au Juif de l'histoire qui fume tranquillement dans un avion en train de tomber parce que l'avion ne lui appartient pas.
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En chemin il songea à la mort de ses épouses, de la seconde comme de la première. Il regardait les différentes formes que prenait la mort comme on regarde des fleurs de givre en hiver. Ces femmes ne lui inspiraient pas de pitié, ni la première, ni la seconde, car elles ne lui avaient point donné d’héritier. Mais il sentait clairement que leur mort était l’annonce de la sienne propre. Il envisageait sa mort comme un lieu reculé où il lui fallait se rendre, peut-être en l’escaladant ou en se frayant un dur chemin, et il percevait un lien secret entre les mots : « délivrer », « être délivré », « purifier par les flammes » et « brûler ». D’été en été, presque de jour en jour, il sentait son sang se glacer. Il ignorait pourquoi avec force, en silence, il désirait s’acheminer vers le lieu où résident les éléments les plus simples : la lumière, la chaleur, le sable, le feu, le vent.
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Parfois à l'aube, avant que le camp ne soit tiré de son sommeil par le cliquetis des armes et des éperons ou le fouet des chevaux, Claude, pris d'un élan de piété, réveillait son maître pour les matines. Alors, pendant la prière, l'univers se révélait dans sa plénitude et tout était assujetti à son incommensurable sérénité. C'était une paix morne, la tristesse des collines dépouillées qui ne sont plus vraiment des collines mais seulement leur essence. La terre s'arc-boutait, voluptueuse, vers les nuages, mais ce désir aucune satisfaction ne le souillera jamais.
Et dans les profondeurs du silence, le corps lui-même commençait aspirer à sa destruction. On sentait alors qu'une vapeur translucide avait la consistance juste.
Et a prière touchait l'homme en prière.
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Il faut absolument nous rapprocher les uns des autres. Nous rapprocher vraiment. De toutes nos forces. Et utiliser entre nous des mots, les utiliser de plus en plus, jusqu'à ce que nous ayons épuisé leur contenu Essayer de nous toucher de temps en temps, tout simplement de nous toucher.
"C'est terrible, terrible, laid et dégradant de vivre ainsi, pendant des années, sans toucher personne et sans être jamais touché par personne."
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Et la pluie qui se mit à tomber en fin de matinée, une pluie charitable, légère et très douce, effaça tout de ses doigts transparents.
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Vidéo de Amos Oz
1/10 Amos Oz : Ailleurs peut-être (France Culture - Adaptation radiophonique). Diffusion sur France Culture du 20 juin au 1er juillet 2016. Photographie : Arad. Amos Oz. 2004 © MICHA BAR AM / MAGNUM PHOTOS. La vie de tous les jours dans un kibboutz imaginaire des années 60, décrite par un des plus grands écrivains israéliens contemporains. Roman traduit de l’hébreu par Judith Kauffmann. Adaptation : Victoria Kaario. Réalisation : Jean-Matthieu Zahnd. Conseillère littéraire : Emmanuelle Chevrière. Ce feuilleton en dix épisodes est l’adaptation du premier roman d’Amos Oz, « Ailleurs peut-être », publié aux Éditions Gallimard. Amos Oz y dépeint la vie des membres d’un kibboutz imaginaire, celui de Metsoudat-Ram, dans les années soixante. Sur le fil d’une année, Ezra, Reouven, Bronka, Noga et les autres, s’aiment, se trompent, se quittent, font des enfants, légitimes ou pas. Et ces drames intimes qui jalonnent le récit n’entravent en rien la marche de la vie collective, rythmée tant par les célébrations communistes que par les rumeurs qui empoisonnent la vie des villageois. 1er épisode : Un village idyllique, Messieurs-dames 2ème épisode : Le charme de la banalité quotidienne 3ème épisode : Le Premier Mai 4ème épisode : Puissance du mal 5ème épisode : Deux femmes 6ème épisode : Soirées poétiques 7ème épisode : Un personnage diabolique 8ème épisode : Tu es à nous 9ème épisode : Idylle familiale 10ème épisode : Tableau final Avec : Violaine Schwartz, Quentin Baillot, Jean-Gabriel Nordmann, Evelyne Guimmara, Mohamed Rouabhi, Christine Culerier, Rebecca Stella, Nicolas Lê Quang et bien d’autres Bruitage : Sophie Bissantz Equipe de réalisation : Bernard Lagnel et Anil Bhosle Assistante de réalisation : Julie Gainet Source : France Culture
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Amos Oz (1939-2018) R.I.P

Mon père parlait 11 langues, mais il a fait mon éducation en Hébreu, j'étais alors un « petit chauvin déguisé en pacifiste». Un «nationaliste hypocrite et doucereux », un « fanatique », qui jouait à la guerre et s’enflammait contre les Anglais et les Arabes, j'étais, j'étais, comme une panthère dans la .....?......

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