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EAN : SIE321368_963
Armand Colin (30/11/-1)
5/5   1 notes
Résumé :
Dans ce texte de 1915, Emile Durkheim revient sur l'origine de la Première Guerre mondiale. Il se penche en sociologue sur le cas allemand, tel un médecin sur son patient, et son diagnostic est sans appel: l'Allemagne est malade de sa volonté car elle pratique l'idéalisme de façon pathologique. Considéré comme un texte de circonstance, il fut longtemps occulté par les sociologues français. Un siècle plus tard Bruno Karsenti nous invite à redécouvrir ce texte. (résum... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Aujourd'hui, c'est l'armistice, le jour du souvenir. Avant d'être envoyé sur le front d'Orient à Salonique (Thessaloniki), André Durkheim avait été blessé en juin 1915 et s'était requinqué à l'hôpital militaire de Brest, où son père, Emile, lui avait rendu visite, sous un grand soleil, le dernier qu'ils partagèrent. J'avais été frappé dans l'Horreur Allemande par les descriptions que donne Pierre Loti des actes des troupes allemandes, qui l'avaient glacé par leur sauvagerie rationnelle. Loti a en commun avec André d'avoir servi dans les Balkans – ce qui a inspiré aziyadé, Les Désenchantées etc. - et en commun avec Emile d'avoir un fils au front (Samuel), d'être dévoré par l'angoisse et le désir d'agir malgré l'âge, quand il ne dispose d'autre arme pour combattre que l'écriture. Loti, l'officier dont Pétain ne voulait pas à Verdun (pas besoin d'un marin...) écrit sur le front. Durkheim écrit à Paris, un opuscule court et brillant, publié dix mois à peine après la déclaration de guerre. L'Allemagne au dessus de tout est relu aujourd'hui car il ouvre la voie à une sociologie des relations internationales, et aussi parce que c'est un oracle, qui n'a l'air de rien mais qui annonce tout. Ibis, redibis nunquam, per bella peribis. « Il est inadmissible (...) que l'Allemagne qui hier faisait partie de la grande famille des peuples civilisés ait pu mentir à ce point aux principes de la civilisation humaine. Il n'est pas possible que ces hommes, que nous fréquentions, que nous estimions, qui appartenaient en définitive à la même communauté morale que nous, aient pu devenir ces êtres barbares. ». Et pourtant le Kaiser Guillaume II l'a dit « l'humanité finit aux Vosges ». Et ils l'ont fait, sans scrupules et dans l'ordre. « les soldats qui ont commis les atrocités qui nous indignent sont pour la plupart des hommes honnêtes qui pratiquent exactement leurs devoirs quotidiens. » On songe à Arendt en lisant Durkheim qui convoque toute la sociologie qu'il a créée pour expliquer l'horreur, dans l'espoir que son analyse empêchera qu'elle advienne, encore. Une réflexion sur la culture, la société et l'Etat, autarcique, absolu dont la barbarie nait de l'effort qu'il fournit, comme Prométhée, pour s'arracher aux conditions de l'existence humaine et naturelle, pour affirmer son être idéal, supérieur. « Seulement cet idéalisme a quelque chose d'anormal et de nocif qui en fait un danger pour l'humanité toute entière. » Durkheim livre les clés de la Grande Barbarie, le texte de Loti sur le martyre de la Belgique aux mains de la Reichswehr. L'Allemagne « s'est attribuée toutes les supériorités : puis pour rendre intelligible cette supériorité universelle, elle lui a cherché des causes dans la race, dans l'histoire, dans la légende. » Elle s'est inventée un destin et l'accomplit avec ce mélange abominable de pragmatisme et d'idéalisme, dans lequel « la guerre est morale et sainte », la culture et les arts « un penchant inférieur de notre nature », les conventions internationales « des chiffons de papier » la mise à mort des blessés, les bombardements des villes par surprise, la destruction de l'art, la chimie, le gaz, les moyens que justifie la fin. En février 1916, Emile était toujours sans nouvelles de son fils. André était mort au combat le 18 décembre 1915. Il est enterré dans le petit village de Davidovo en Bulgarie. Emile mourut de chagrin l'année suivante.
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Il y a énormément de choses qui me chiffonne en ce qui concerne l'enseignement de l'Histoire (je crois que je ne suis pas seul dans ce cas-là, même si c'est parfois pour des raisons opposées). Parmi ces choses il y a les causes du nazisme. Quand des enseignants m'en ont parlé lors de mes études, ils ont évoqué le traité de Versailles, l'humiliation ressentie par les Allemands et puis un peu la crise économique de 1929 aussi. J'entends bien tout ça, mais ça ne me satisfait pas complètement car quand je lis des écrivains de cette époque (disons les Français qui écrivaient entre 1900 et 1930), je me rends compte qu'ils se plaignaient souvent de la mentalité allemande. Y a-t-il eut une rupture totale dans l'entre deux guerre ou une continuité profonde ?
Peut-être que cet article de Durkheim écrit dans le feu de l'action en 1915 n'est pas la meilleure façon de remettre les choses à leur place. Peut-être qu'il est trop partisan, ou trop impressionné par l'actualité et que la conclusion ressemble trop à un “effort de guerre” mais il n'empêche qu'il écrit sur un thème qui sera particulièrement important au vingtième siècle et qui devait paraître assez nouveau. Il s'appuie sur les écrits politiques d'un intellectuel allemand, Heinrich von Treitschke (1834-1896). Personnellement, je n'en avais jamais entendu parler, mais je crois que Durkheim tenait là quelqu'un d'assez important pour se figurer une partie de cette mentalité allemande.
Concrètement, il s'agit d'une certaine conception de l'Etat. Un Etat tout-puissant, plus que souverain, libéré de toute morale, de toute obligation contractuelle, une entité libre d'agir comme elle le souhaite. Un Etat sans foi ni loi, que celle du plus fort, un Etat anarchique en quelque sorte. C'est l'absence de contrat social et de lois à l'échelle planétaire, ce qu'on appelle tout simplement aujourd'hui une dictature. Treitschke, créature de Bismarck, nouveau Machiavel et esprit médiocre d'après Durkheim, aurait donc écrit une sorte de théorie générale de la dictature moderne.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Et sans doute, que la morale de l’État ne soit pas simple, que l’État se trouve souvent placé en face de devoirs contradictoires entre lesquels il ne peut choisir sans de douloureux conflits, c’est ce que nul ne songe à contester. Mais que l’humanité soit simplement rayée des valeurs morales dont il doit tenir compte, que tous les efforts faits, depuis vingt siècles, par les sociétés chrétiennes pour faire passer un peu de cet idéal dans la réalité soient considérés comme inexistants, c’est ce qui constitue un scandale historique aussi bien que moral. C’est un retour à la morale païenne. Ce n’est même pas assez dire, car les penseurs de la Grèce avaient, depuis longtemps, dépassé cette conception ; c’est un retour à la vieille morale romaine, à la morale tribale, d’après laquelle l’humanité ne s’étendait pas au-delà de la tribu ou de la cité.
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Vidéo de Emile Durkheim
Intervention de Raphaëlle Bats, co-responsable de l'URFIST de Bordeaux, Université de Bordeaux, membre associée du Centre Emile Durkheim (U.Bordeaux)(intervention en visioconférence).
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