Gilbert Dupé est un vieux besacier à histoires.
Le légendaire de son oeuvre est magnifique.
Et, sa plume élégante, trempée dans la plus expressive des encres, ici encore, a su le saisir.
Il neige sur Granges-de-Mortes.
Les habitants de ce petit village du Jura se préparent à la grande et morne solitude hivernale.
Mais entre les deux pentes d'un val désolé, au lieu dit les Refends, Angélique Barrodet a retrouvé le corps d'un homme, les bras étendus, la face contre le sol, une protubérance insolite au bas du crâne où quelques cheveux poisseux collaient.
Le sort, mystérieux, l'a mis ainsi en présence de celui qu'elle a à la fois le plus aimé et aussi le plus haï.
Il tenait incrusté dans la paume de sa main une pièce d'or, d'un modèle inconnu, dont la patine des âges avait à demi effacé l'empreinte ...
L'écriture de ce roman policier est splendide.
Mais est-ce vraiment un roman policier ?
Ce livre est empli de bruits, de senteurs, de paysages d'où semblent sortir de pittoresques personnages.
Il y a de la sorcellerie là-dedans !
Et un trésor que celui qui le découvre n'en doit pas parler, sous peine de mort subite !
Tout part d'une haine fatale entre deux hommes, celle qui sépare Landrin, que Gustave dit cocu, de Gustave, riche du Diable d'après Landrin.
Gilbert Dupé transcende, ici, le paysage.
Et, aucun de ses personnages ne semblent plus pouvoir y jamais disparaître une fois qu'il les a dépeints.
Lorsqu'il décrit l'approche de l'hiver, le froid semble engourdir les doigts de son lecteur.
Lorqu'il esquisse un portrait, il apparaît comme évident.
"Le village perdu" est un de ces livres qui sondent l'âme humaine.
Qu'ils soient de la montagne, du fond de la campagne ou de l'océan, Gilbert Dupé aime les horizons rugueux et désolés, ceux qui forgent les personnages taillés dans le brut.
Ce qui certainement a fait que le cinéma s'est emparé aussi promptement de son oeuvre.
En 1947, "Le village perdu", après "la ferme du pendu" et "le bateau à soupe", avant "la figure de proue", "le lit à deux places", "tempête sur les Mauvents" et "la foire aux femmes", est adapté sur le grand écran.
L'affiche du film est prestigieuse : Gaby Morlaix, Alfred Adam (l'auteur de "Sylvie et le fantôme), Lucienne Laurence (qui fût l'épouse de Dupé), Noël Roquevert ...
Gilbert Dupé en a signé le scénario et les dialogues.
Une fois de plus, c'est de la meilleure des littératures que le cinéma a puisé ce qu'il est de mieux ...
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J'ai du mal à situer un point de vue... Peut-être parce que l'auteur ne nous accroche vraiment à aucune piste ? un roman policier qui nous laisse indifférents devant l'intrigue policière, un roman "rural" qui n'a aucun paysan à décrire, un roman fantastique qui se contente à peu près de la dimension "météorologique" du fantastique, quelques trouvailles d'écriture plus ou moins bien intégrées au récit ...
Le tout donne un roman assez agréable à lire cependant, sans plus
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Le vent d'hiver était revenu sur la montagne, pas trop fatigué de son voyage autour du monde à en juger par sa violence sans cesse accrue.
De crainte qu'on l'eût oublié pendant les autres mois, il parcourait au galop, hennissant comme un cheval, les vallées, les cluses les plus étroites, sautant par dessus les roches, et, pour troubler le coeur des hommes, secouait chaque maison, y pénétrant aussi par la fente des portes, tournait dans les pièces, enlevant la cendre des foyers et soufflant sur la fleur rouge ...
Un instant, la vieille eut crainte de la nuit où il lui faudrait avancer pas à pas vers une vérité encore inconnue, parmi la méchanceté des hommes et la diablerie des forces d'en bas ...
Chacun brûle chandelle à son aune, la vie est courte, autant qu'elle soit bonne ...
Il n'y a pas de mystères durables sur ce que font les hommes ou que bénit Dieu ...
La paille au cul et le feu dedans ! ...