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EAN : 9782847897289
100 pages
Delcourt (13/04/2005)
3.83/5   33 notes
Résumé :
Des destins se croisent sur une route, au lendemain du 17 avril 1975, quand les Khmers rouges ont brutalement évacué toutes les villes du pays. Les paysans comme les citadins se savent en sursis au point de se définir comme des « gens n'étant pas encore morts ». Tous, Khmers rouges compris, seront au coeur de la tragédie à venir.
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Les vacances d'été approchant , une légitime envie d'ailleurs devrait dès lors vous titiller le passeport . Séra , de son vrai nom Phousséra Ing , vous propose ici le Cambodge . Un autre regard , bien loin de celui des cartes postales estivales fleurant bon l'exotisme et la sérénité bouddhiste .
Cambodgien de naissance ( 24 juin 1961- ) et expatrié en 1975 dès l'arrivée des Khmers Rouges au pouvoir , à défaut de se raconter , il retrace douloureusement les brutales exactions de ces nouveaux dirigeants sanguinaires qui auront irrémédiablement plongé ce pays devenu autarcique aux yeux du monde dans un chaos indescriptible .

Ni juge ni partie , Séra se pose en témoin privilégié pour délivrer cette incroyable BD document .
Un récit fort , poignant et triste , à l'image de cette éprouvante parenthèse historique génitrice de près de deux millions de morts en un peu moins de quatre ans .
Quatre longues années de terreur à plier sous le joug de ces despotes toujours plus enclin à une barbarie journalière semblant ne posséder aucune limite .
Citadins , paysans , soldats , trois castes bien distinctes , trois trajectoires désormais diamétralement opposées , trois regards forcément différents sur ce qu'il convient désormais d'appeler un génocide .
Des rapports oppresseurs / oppressés finement évoqués si tant est qu'un tel drame puisse être de quelque finesse que ce soit...
Séra se fait le porte-parole d'un peuple meurtri dans sa chair et dans son âme sans manichéisme aucun mais avec le pressent désir de rendre hommage à un peuple , à son peuple .

Un graphisme monochrome proprement hallucinant d'authenticité .
Une mise en image ingénieuse laissant la part belle à une voix off judicieuse .
Des textes d'une justesse éblouissante .
Séra est toujours sur le fil , tel un funambule , en sous-tendant plutôt qu'en démontrant . Ni gore , ni ketchup au menu mais la puissance explosive du suggestif , beaucoup plus efficace .
Un superbe et douloureux album au final...

L'Eau et la Terre : l'air de rien , du feu de dieu !
http://www.youtube.com/watch?v=1-SI8RF6wDE
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Avril 1975, après cinq années de guerre acharnée, au Cambodge, les Khmers rouges prennent le pouvoir sur tout le pays, qui s'appellera dorénavant le Kampuchéa Démocratique. Ils dévastent tout sur leur passage, obligent les gens à quitter leur maison, à venir travailler pour eux, soit dans l'armée soit dans les terres. C'est toute une population qui est prise et manipulée par ces soldats que rien ne semble arrêter. C'est une véritable dictature qui s'impose dans ce pays, et pourtant, rien ni personne n'interviendra pendant de longues années...

Séra nous parle de cette guerre, de ces horreurs, de cette population soumise, de ces paysans forcés à travailler et de ces enfants que l'on n'a pas épargnés. Cet album se démarque essentiellement par ce graphisme incroyable, certaines planches pourraient nous faire penser à des photos prises sur le vif. Un dessin rempli d'émotions, de tristesse et de sensibilité retrace cette parenthèse désenchantée de l'histoire que beaucoup semblent avoir oubliée. Les couleurs sombres collent parfaitement à cette période grave.
Séra nous relate les histoires de ceux qui se sont retrouvés au sein de ce conflit et il est bon de se rappeler que cette guerre a fait des millions de morts et qu'elle a laissée des plaies ouvertes à jamais.

En prime, une superbe préface de Rithy Panh (réalisateur du documentaire S-21, la machine de mort Khmer rouge, primé à cannes en 2002) qui ne peut que nous émouvoir et rendre compte de l'horreur bien des années plus tard.

L'eau et la terre, l'air de rien, brille de mille feux!
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Avril 1975. Les Khmers rouges ont pris le pouvoir au Cambodge. le régime de l'Angkar s'arroge désormais le pouvoir de décider de la vie et de la mort de millions de Cambodgiens.

De 1975 à 1979, les Khmers rouges vont faire régner la terreur. Des déportations massives de populations vers les camps de travail ou les Centres de sécurité ont lieu, les marches forcées font vivre l'enfer aux civils. La liberté est bannie, les écoles sont fermées, les familles sont décimées, il est interdit de rire !

« Sur le chemin de l'exode, les citadins vont découvrir l'autobiographie. Ils allaient devoir raconter leur vie dans les moindres détails… Leurs maigres bien emportés à la hâte seront peu à peu confisqués. Tous devaient gagner les rizières et travailler dur pour remettre le pays sur pieds. Dans le même temps, les Khmers rouges se retirèrent de la Communauté internationale. Il n'y eut plus aucune liaison avec le monde extérieur. le pays se refermait sur lui-même volontairement. Cet isolement, les Cambodgiens allaient devoir le subir aussi au quotidien. Tout était devenu interdit : l'argent, la religion, les fêtes, le rire, la musique… Tous les jours devaient être consacrés au travail et à rien d'autre » (L'eau et la terre, avril 1975).

-

Séra rend hommage à ces hommes, femmes et enfants qui ont été meurtris dans leurs corps et dans leurs âmes. L'album s'ouvre sur une magnifique illustration qui dépeint des palmiers à sucre. Une voix-off s'installe, « Nous sommes en pays khmer, il y a cinq mille ans, ces terres n'existaient pas. Elles étaient entièrement recouvertes par la mer. Selon la légende, les premiers habitants étaient des Nâgas, des serpents mythiques. Pour le reste du monde, le Cambodge était le Pays du Sourire ». de sourire, nous n'en verrons pas dans cet ouvrage… exceptés ceux que les êtres qui peuplent ce récit ont vécus par procuration grâce à quelques billets de Riels (ancienne monnaie cambodgienne) que l'on cache comme des trésors.

Les couleurs de l'album nous y préparent avant même que la lecture ne commence. Les gris et les sépias sont les porte-paroles des deux principaux protagonistes de ce travail de mémoire : la Peur et la Mort. Ces entités invisibles s'imposent avant même que quelques civils cambodgiens se démarquent dans le récit. Des individus semblables à des fantômes tant ils sont dépossédés d'eux-mêmes, tétanisés par la violence quotidienne qui les enserre. Contraints d'accepter cette loi du plus fort, ils s'effacent pour survivre.

Il est peu fait référence au positionnement de la Communauté internationale face à ce génocide. Tout au plus, un ou deux passages y font référence mais sans aucun jugement de valeur. Il n'en reste pas moins que le silence des autres nations face à ce drame fait réfléchir. L'Occident a laissé la population cambodgienne aux mains de ses bourreaux pendant quatre années…

Phoussera Ing (son nom complet) est né au Cambodge en juin 1961. Il quitte son pays natal en 1975 pour la France et réside encore aujourd'hui à Paris (…). En 2005, il revient avec un récit réel et poignant sur le pays de son enfance peut-on lire sur Bedetheque.

On perçoit rapidement le positionnement de l'auteur pour les cambodgiens mais ce parti pris ne s'impose pas au lecteur ; sa motivation semble n'être nourrie que par la volonté de rendre hommage à son peuple sans avoir à dénigrer quiconque.

Aucun pathos dans le traitement du sujet, l'auteur ne semble pas rechercher des réactions extrêmes (pitié, indignation) chez le lecteur. Il refuse de juger ouvertement les actes qui ont été commis durant le régime de l'Angkar. Il est passeur de témoignages et sa neutralité est assez déroutante. En effet, les propos contenus dans cet album nous permettent d'accéder aux témoignages et au quotidien des civils comme à ceux des soldats Khmers rouges. Il me semble que Séra a su trouver un équilibre narratif percutant.

Ce serait une grave erreur de ne pas parler de la qualité du travail d'illustration de l'auteur. Les propos n'hésitent d'ailleurs pas à s'effacer à de nombreuses reprises, laissant le lecteur seul face à des visuels d'une grande force. A ce sujet, l'auteur explique dans une interview « Là, c'est ma fibre cambodgienne qui parle. le silence est parfois plus parlant que les bavardages longs et inutiles. L'Eau et la Terre est un ensemble de fragments de vie » (source : Auracan). Tout est en retenue, tout est silencieux. le dessin réaliste de Séra nous saisit. L'utilisation de photographies retouchées vient régulièrement compléter les dessins. Il n'y a pas d'étalage de violence, pas de scènes chocs, les choses sont abordées avec pudeur.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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Une publicité récente a attiré mon attention sur la sortie d'un nouveau volume racontant la tragédie cambodgienne d'un auteur Séra dont je n'avais pas encore croisé la route.
« Impasse et rouge » raconte l'histoire du Cambodge entre 1970 et 1975.
Ma bibliothèque proposait la seconde partie « l'eau et la terre » couvrant la période 1975-1979.
Le roman graphique nous balance dans ce qui s'appelait encore le Cambodge qui allait devenir d'un coup le "Kampuchea démocratique" sous le régime de l'Angkar.
Nous serons au fil des pages des observateurs de la longue errance imposée à un peuple qui n'avait pas d'autre choix que d'attendre la mort comme une délivrance !
Des personnages qui se retrouvent toujours très étonnés d'être encore en vie et capables de faire ce qu'on leur ordonne de faire … c'est le prix de la survie !
Pas de scènes gores, tout est suggéré et éclairé par un texte illustrant les slogans répétés encore et encore, vidés de leur sens.
Le dessin est remarquable, l'authenticité des portraits est saisissante, l'utilisation de photos appuie s'il en était encore besoin pour nous faire ressentir l'atmosphère empoissonnée des scènes décrites.
Les couleurs choisies bien loin d'exprimer la terreur mais plutôt la dissolution dans un cadre majestueux, l'individu disparaissant pour se fondre dans le paysage et disparaître comme si il n'existait déjà plus.
Un vrai travail de mémoire pour que la terre du Cambodge n'oublie pas ce qui s'est passé ainsi que la communauté internationale qui a laissé faire !
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Un carnet de voyage dans le temps de l'horreur, de la colère.

" Pendant trois ans, huit mois et vingt jours, ils [ les Khmers rouges ] firent régner un régime de terreur, provoquant près de deux millions de morts, dans un pays de sept millions et demi d'habitants. " - extrait de l'introduction par Rithy Panh, réalisateur ( son documentaire S-21, la machine de mort Khmer rouge a été primé au festival de Cannes 2002 ).

Des chapitres courts pour raconter l'innommable à la façon de chroniques sur l'exode des citadins réduits en esclavage, pris en otage dans ce pays totalement fermé par et sur la dictature révolutionnaire. Un récit documentaire qui présente des cartes, des illustrations aux légendes informatives. Quelques histoires, dans lesquelles les personnages se croisent, qui disent tout du génocide; kaleidoscope dément. Des instantanés qui cognent, vertige et nausée qui précipitent dans cette fosse historique.

Les dessins sont incroyables, de véritables photographies ( inspirées de photographies comme j'ai pu le lire en dernière page ) aux tons sépias, passés, qui n'atténuent en rien l'intensité, la profondeur de la douleur exprimée, le désespoir, l'effroi et la folie.

Des pages éprouvantes qui mériteraient pourtant relecture tant la violence du récit aveugle parfois; les limites de ce que l'on peut lire et admettre, comme les récits de ce soldat khmer de 14 ans - " L'Angkar est juste. Il ne doute pas. Il fait seulement quelque taches de sang qui seront vite absorbées par la terre et le noir du tissus en coton. " -

Une lecture à poursuivre avec Lendemains de cendres 1979 - 1993


Lien : http://www.lire-et-merveille..
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
La guerre qui en 1970 gagna le Cambodge fit cinq cent mille morts . La plupart étaient des civils , innocents morts sous des bombes , coupables de se trouver au mauvais endroit , au mauvais moment .
Puis , le 17 Avril 1975 , les Khmers rouges entrèrent dans Phnom Penh . Pendant trois ans , huit mois et vingt jours , ils firent régner un régime de terreur , provoquant près de deux millions de morts dans un pays de sept millions et demi d'habitants . Des hommes , des femmes , des enfants , coupables d'être les " ennemis de classe " du nouveau régime , c'est à dire d'être nés au mauvais endroit , au mauvais moment .
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Je rêve d'un temps où monter cueillir du sucre de palme ne serait pas un crime passible de mort...
Je rêve d'un temps où nous ne passerions pas notre vie à nous cacher à nous-mêmes qui nous sommes , de peur de déplaire au pouvoir en place...
Je rêve...Comme seule une vieille femme solitaire peut le faire...En silence , dans son coin .
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Je suis le yothea (soldat) Phat. Phat, c'est mon nom révolutionnaire. Je suis né Sag Samath, dan sle village de Ream Ndaeuk, district de Kirivong, province de Takéo. On me dit que j'ai 14 ans...et je ne suis pas encore mort.
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Je me suis promis que plus tard, je ferai un métier qui me permettrait de montrer...
de tout montrer de cette réalité.
Je serais peintre, cinéaste, ou photographe...
qu'importe !
Cela n'avait pas d'importance.
Ce qui en avait, pour le moment, c'était de survivre à ce cauchemar aveugle.
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Nous vivons dans la peur et la culpabilité de n'avoir pas su mourir pour la liberté. Être survivant, c'est n'avoir dans son âme qu'une seule et même question lancinante: pourquoi? Et pour toute réponse, un sourire fatigué. Sa vie à soi est faite de l'absence des autres, ceux-là qu'on n'arrive pas à dire morts.
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Videos de Séra (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Séra
Performance de Séra sur scène, pour une chanson du groupe de rock khméro-français Véalsrè basée sur le roman "L'Anarchiste" de l'écrivain cambodgien Soth POLIN.
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