LE CHEVALIER : Eh ! donc, ma Comtessé, qué devient l’amour ? À quoi pensé lé cœur ? Est-ce ainsi qué vous m’avertissez dé venir ? Quel est lé motif dé l’absence qué vous m’avez ordonnée ? Vous né mé mandez pas, vous mé laissez en langueur ; jé mé mande moi-même.
LA COMTESSE : J’allais vous envoyer chercher, Monsieur.
LE CHEVALIER : Lé messager m’a paru tardif. Qué déterminez-vous ? Nos gens vont sé marier, le contrat sé passe actuellement. N’userons-nous pas de la commodité du notaire ? Ils mé délèguent pour vous y inviter. Ratifiez mon impatience ; songez qué l’amour gémit d’attendre, qué les besoins du cœur sont pressés, qué les instants sont précieux, qué vous m’en dérobez d’irréparables, et qué jé meurs. Expédions.
LA COMTESSE : Non, Monsieur le Chevalier, ce n’est pas mon dessein.
LE CHEVALIER : Nous n’épouserons pas ?
LA COMTESSE : Non.
LE CHEVALIER : Qu’est-ce à dire " non " ?
LA COMTESSE : Non signifie non.
Acte III, Scène VIII.
Madame, le désespoir est connaissable. Si c'étaient de ces petits mouvements minces et fluets, qui se dérobent, on peut s'y tromper ; mais le désespoir est un objet, c'est un mouvement qui tient de la place. Les désespérés s'agitent, se trémoussent, ils font du bruit, ils gesticulent
Les hommes, quand ils ont envie de nous quitter, y font-ils tant de façons ? N'avons-nous pas tous les jours de belles preuves de leur constance ? Ont-ils là-dessus des privilèges que nous n'ayons pas ? Tu te moques de moi; le Chevalier m'aime, il ne me déplaît pas: je ne ferai pas la moindre violence à mon penchant.
L'amour a ses expressions, l'orgueil a les siennes; l'amour soupire de ce qu'il perd, l'orgueil méprise ce qu'on lui refuse.
Il y a comme cela des mots dont on épouvante les esprits faibles, qu'on a mis en crédit, faute de réflexion, et qui ne sont pourtant rien.
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Savez-vous quelle pièce de théâtre parle pour la première fois du consentement ? Bien avant MeeToo, très exactement 300 ans plus tôt …
« La double inconstance » de Marivaux, c'est à lire en poche dans la collection Etonnants Classiques.