AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Marguerite Pozzoli (Traducteur)
EAN : 9782742783625
151 pages
Actes Sud (08/05/2009)
3.73/5   11 notes
Résumé :
L'extérieur d'une cathédrale, a écrit John Ruskin dans La Bible d'Amiens, est semblable à "l'envers d'une étoffe qui vous aide à comprendre comment les fils produisent le dessin tissé ou brodé du dessus". C'est sans doute le fil d'Ariane qui sous-tend le roman de Marta Morazzoni. Alternant, dans les chapitres impairs, la création, par une reine et trois cents brodeuses, de la tapisserie de Bayeux, chef-d'oeuvre anonyme du Moyen Age et, dans les chapitres pairs, la v... >Voir plus
Que lire après L'Invention de la véritéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Amiens, XIème siècle: Anne Elisabeth, brodeuse, quitte mari et enfant à l'appel de la reine qui veut mettre en oeuvre la broderie d'une immense tapisserie en l'honneur de son mari; elles seront 300, venues de la France entière, à parcourir les routes du royaume pour réaliser cette oeuvre incroyable qu'est la tapisserie de Bayeux.
Amiens, une journée de 1879: l'écrivain et critique d'art John Ruskin fait escale dans la ville pour revoir, sans doute pour la dernière fois, la magnifique Cathédrale.
Les deux récits, l'un de plusieurs mois et l'autre de 24 heures à peine, s'enchevêtrent à coups de très courts chapitres et petit-à-petit une structure se dessine, tout comme celle de la tapisserie dont les couleurs chatoyantes prennent de l'ampleur au fil du roman. L'auteure serait partie d'une phrase de Ruskin: l'extérieur d'une cathédrale est semblable "à l'envers d'une étoffe qui vous aide à comprendre comment les fils produisent le dessin tissé ou brodé du dessus".
Ca me fait d'ailleurs penser à cette phrase de Schopenhauer entendue dans le film Casse-tête chinois :

"On peut aussi, au point de vue qui nous occupe, comparer la vie à une étoffe brodée dont chacun ne verrait, dans la première moitié de son existence, que l'endroit, et, dans la seconde, que l'envers ; ce dernier côté est moins beau, mais plus instructif, car il permet de reconnaître l'enchaînement des fils."

J'ai aimé le symbolisme du roman, la beauté qui se dégage du travail de broderie et des pensées de Ruskin qui surgissent lors de sa visite de la cathédrale, la subtilité et beauté de la langue, la lumière, enfin, qui s'en dégage.
Cette lecture donne aussi plus envie que jamais de découvrir en vrai la tapisserie de Bayeux qui rend hommage à L'épopée de Guillaume le Conquérant en 1066, et la cathédrale d'Amiens que je ne connais absolument pas.
Commenter  J’apprécie          332
N°1766– Août 2023

L'Invention de la véritéMarta MorazzoniActes Sud.
Traduit de l'italien par Marguerite Pozzoli.

Ce sont deux histoires à deux époques différentes et dans deux lieux distincts qui nous sont ici proposées. La première nous transporte au Moyen-Age, au moment de la réalisation de « tapisserie de Bayeux » ou « tapisserie de la reine Mathilde » célébrant la victoire d'Hastings de 1066 remportée par son mari le duc Guillaume de Normandie, dit le Conquérant, sur le roi d'Angleterre Harold , la seconde évoque la figure de John Ruskin (1819-1900), peintre écrivain et critique d'art anglais, spécialiste de l'art gothique, auteur de « la Bible d'Amiens » et de la visite qu'il fit à cette cathédrale en 1879. La notion de temps est ici différente, longue pour l'évocation de la tapisserie, d'à peine 24 heures pour l'église. Si Ruskin et la reine Mathilde, ont réellement existé, Marta Morazzoni choisit d'évoquer également deux personnages fictifs, pas si secondaires que cela, Anne Élisabeth, une brodeuse amiénoise qui, parmi 300 autres venues de toute la France, abandonna provisoirement sa famille pour l'honneur de répondre à l'invitation royale de participer à ce travail et George le valet qui accompagna Ruskin. le roman s'articule en de courts chapitres qui se répondent, comme un effet miroir.

Dès lors, je m'interroge sur le sens du titre qui peut tenir du paradoxe ainsi que sur la citation de John Ruskin notée à la fin et qui donne son titre au roman : « On peut imaginer des choses fausses, et composer des choses fausses, mais seule la vérité peut être inventée ». Je note aussi la majuscule donne au mot invention une dimension différente, plus absolue peut-être? Ici, il s'agit dans le cas de la tapisserie de marquer un fait réel et dans celui de Ruskin de rendre compte d'une étude artistique sur la cathédrale. Ces deux faits font appel au passé et donc à la mémoire, la sollicite et la nourrissent d'une manière subjective c'est à dire la réinvente. C'est une façon de voir la réalité qui n'est peut-être pas exactement un mensonge mais une autre façon de l'interpréter. Cette notion de vérité qui est une recherche multiforme propre à l'espèce humaine est un concept à géométrie variable en fonction des époques et des cultures et qui a fait l'objet de commentaires et d'illustrations de la part des plus éminentes personnalités. Doit-on voir un fil d'Ariane (sans mauvais jeu de mots) entre cette tapisserie, c'est à dire une création artistique aux origines contestées et ce critique d'art ? Quel est le lien entre Mathilde inspiratrice de cette oeuvre et John, le critique ? A priori aucun si ce n'est la Normandie ou la cathédrale gothique d'Amiens et la tapisserie qui relate un moment de l'histoire, l'Angleterre à travers Mathilde qui en sera la reine et Ruskin, un citoyen britannique. Il est évidemment possible d'évoquer la confection de ce travail d'aiguille avec l'art gothique souvent comparé à de la dentelle de pierre, de même qu'on peut rapprocher ces deux entreprises dans le contexte du temps qu'il a fallu pour les réaliser. Tout peut aussi s'expliquer à travers la vision qu'on a des choses, d'une part la tapisserie dont l'endroit donne à voir un dessin bien ordonné, aux couleurs et aux formes délicates, c'est à dire quelque chose d'agréable à regarder et l'envers qui ne présente qu'un entrelacement de fils sans véritable forme, c'est à dire deux visions différentes d'une même chose. Selon Ruskin l'extérieur de cette église est comme l'envers d'une étoffe qui aide à comprendre comment s'organisent les fils du dessus, les liens de la trame étant identiques aux piliers qui soutiennent la voûte. Dans « La Bible d'Amiens », ouvrage paru en 1884 et traduit par Marcel Proust en 1904, il étudie la figure de la Vierge représentée à deux périodes de sa vie et par différentes écoles artistiques, soit maternelle et douce, soit triomphante et un peu austère, deux moments de son histoire, deux façons de voir et de représenter le même personnage en fonction de ce qu'on veut signifier. Assis dans la nef, Ruskin se laisse néanmoins allé à la contemplation d'une fugace figure féminine bien vivante, bien éloignée de la figure de la « Vierge dorée », objet de sa contemplation originelle et mystique, tout en regrettant la fuite du temps et la disparition de sa vigueur de jeunesse. Ici la vérité n'est plus à inventer !

Mais quid de la vérité? Ici, nous sommes dans le domaine du roman, c'est à dire de la fiction, de quelque chose d'inventé, d'interprété unilatéralement mais qui peut parfaitement se greffer sur un fait réel. Ainsi l'auteur imagine une histoire en marge d'une réalité incontestable, ici la bataille d'Hastings ou la visite de Ruskin à la cathédrale. Il n'y a rien là que de très normal et le lecteur sait à quoi s'en tenir. Peut-on y voir une allusion à l'art du roman, à son matériau que sont les mots et plus généralement à l'art d'écrire, à l'imaginaire qui est une forme d'invention ? Un roman est une intrigue plus ou moins fictive que le lecteur est invité à suivre et qui se dénoue à la fin, un ensemble de faits rapportés dans un désordre voulu par l'auteur et qui trouvent une signification. C'est parfaitement arbitraire et dépend de l'auteur qui souhaite que le lecteur l'accompagne dans ce parcours. Pour cela il va tisser une trame, imaginer une histoire dans laquelle il va placer des personnages dont, tel un marionnettiste, il va tirer les ficelles. C'est la vérité de l'auteur, celle qu'il invente. Ici Marta Morazzoni imagine un dialogue quasi intime entre le reine et Anne Élisabeth, ce qui, en plein Moyen-âge paraît impossible mais sonne ici comme une réalité. de même la complicité qui existe entre le maître et le valet est également impensable mais dans le contexte romanesque devient acceptable. Marta Morazzoni introduit le thème du labyrinthe présent dans certaines cathédrales, notamment dans celle d'Amiens où Ruskin cherche ou peut-être tente d'inventer une sorte de vérité, ce qui indique que tout cela ne se fait pas sans difficulté et surtout sans humilité comme l'indique la couverture du livre, un homme minuscule face à la voûte élancée d'une église gothique.

C'est un roman passionnant, fort bien écrit et documenté, dans une belle langue, avec un questionnement intéressant et que j'ai eu plaisir à découvrir.
Commenter  J’apprécie          70
L'invention de la vérité. Si l'on ne s'y arrête pas, on croirait à une intention ironique. La vérité serait donc affaire d'invention ? Marta Morazzoni semble avoir « littéralement » brodé son roman. Mais l'ayant lue, on a compris que l'intention était de magnifier son art : l'écriture. Sur son métier elle entrecroise deux fils narratifs qui alternent sous les yeux du lecteur, en de brèves séquences, deux histoires qui, si l'on prend un certain recul, constituent une sorte de méditation sur la création artistique et la littérature. Un peu d'étymologie fait comprendre au lecteur qu'il est face à une mise en abime de l'art d'écrire. Comme en italien (testo), le français texte dérive du latin textus (tissu) (participe passé du verbe tesso qui veut dire tisser).

Des deux fils narratifs tiré par l'auteur, le premier fil compose l'élaboration de la Tapisserie de Bayeux par la reine Mathilde ; le second fil déroule un séjour à Amiens du critique d'art John Ruskin qui voulait revoir la cathédrale à la fin de sa vie.

« On raconte que jadis, … » C'est ainsi que Marta Morazzoni commence à tirer le premier fil en laissant ses sources derrière la brume d'un pronom indéfini. Premier fil d'une première séquence se déroulant dans une vague « cour mineure d'un royaume du nord de la France » où une reine avait convoqué les meilleures brodeuses du royaume.

Puis l'auteur tire un nouveau fil dès le second « chapitre » où se précisent un autre temps et un autre lieu : un matin d'octobre 1879, le critique d'art anglais John Ruskin descend du train en gare d'Amiens.

Entre ces deux fils (ces deux histoires) : deux liens. D'abord Amiens : l'héroïne médiévale du premier fil est une brodeuse venue d'Amiens pour travailler auprès de la reine Mathilde ; ensuite les étoffes : nous apprenons dans le déroulé du second fil que dans La Bible d'Amiens, un texte qu'il publia suite à cette ultime visite, John Ruskin compare l'extérieur de la cathédrale d'Amiens à « l'envers d'une étoffe qui vous aide à comprendre comment les fils produisent le dessin tissé ou brodé du dessus ».

C'est un cliché de parler du gothique des cathédrales comme de la « dentelle » mais ici, Ruskin ajoute une précision qui a visiblement frappé Marta Morazzoni : l'examen de l'envers d'une broderie vous ouvre à une nouvelle compréhension de ses motifs. Au-delà de l'étymologie rappelée plus haut, l'art de broder est couramment rapproché de l'art du roman : une intrigue se noue autour d'une trame puis se dénoue. Avec L'invention de la vérité, l'auteure nous en livre une élégante illustration à la manière d'un grand couturier.

Toujours est-il que l'image trouvée par Ruskin incite le lecteur à fouiller dans le texte de Marta Morazzoni en le retournant dans tous les sens. N'est-ce pas Marcel Proust qui traduisit en français le livre de Ruskin « La Bible d'Amiens » et qui aimait comparer l'ensemble de sa Recherche du temps perdu à une cathédrale ?
Commenter  J’apprécie          00
Un roman qui mêle l'art et l'histoire, qui entrelace deux époques et en marie les personnages, qui interroge sur la beauté et la création, un récit subtil et attachant mêlant fiction et réalité.
La réalisation de la tapisserie de Bayeux d'un côté, le voyage à Amiens de John Ruskin esthète et critique d'art de l'autre.
La tapisserie de Bayeux chef d'oeuvre du Moyen Age raconte par touches successives les conquêtes et les batailles de Guillaume le Conquérant, la reine Mathilde pour rendre hommage à son époux et chanter ses exploits, rassemble 300 brodeuses venues de toute la France pour réaliser la tapisserie qui « ne se veut pas moins que les oeuvres des maîtres sculpteur de la cathédrale »
Une brodeuse originaire d'Amiens Anne-Elisabeth prend place auprès de la reine et tisse jour après jour les fils colorés qui vont transformer le lin blanc en un livre vivant " le rouleau de lin, encore intact et immaculé, attendait de se déployer devant les brodeuses à l'oeuvre telle la plaine qui, dans la nuit, attend le combat. "
La tapisserie avance lentement " les heures sur la toile de lin qui se trouvait devant elle, deviendraient des mois, voire des années ; le jour de l'achèvement se rattacherait difficilement dans sa mémoire, au matin du début."
Anne-Elisabeth met tout son art et toute son âme au service du chef d'oeuvre " le passage de l'aiguille sur le tissu suit un mouvement intérieur qui ne s'épuise pas dans le caractère mécanique du geste. "

En alternance John Ruskin esthète et fin connaisseur de l'art gothique nous sert de guide dans Amiens, ce sera son dernier voyage. Cet amoureux de la beauté en fera une Bible La Bible d'Amiens que Marcel Proust traduira en français.
Pour lui "L'extérieur d'une cathédrale est semblable à l'envers d'une étoffe qui vous aide à comprendre comment les fils produisent le dessin tissé ou brodé du dessus" Il nous fait partager sa vision, dévoile les secrets de la cathédrale, ce qu'il appelle son labyrinthe "en plein jour la lumière frappe le tracé du labyrinthe après avoir franchi la broderie de la rosace"
Les mots de Ruskin créent un dialogue entre la Cathédrale et la tapisserie, fils, étoffes, broderie, dessin tissé....

Ce livre léger et fin se déroule lentement, n'attendez aucun rebondissement, il n'y en a pas. Anne-Elisabeth le personnage de fiction rejoint John Ruskin, tous deux nous font sentir la joie éprouvée devant la beauté, nous font toucher l'impalpable de la beauté.

Lien : http://asautsetagambades.hau..
Commenter  J’apprécie          20
C'est l'objet livre qui m'a attirée: le format, le papier crèmeux des volumes d'Actes Sud et surtout l'illustration de couverture: une reproduction de Turner. Et voilà aussi que revient cette réflexion sur l'imaginaire...
Lien : http://artetlitterature.blog..
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
En réalité, tout ce qui nous entoure, à partir du jour, de la minute de notre premier souffle, bat et rebat contre nous et nous entame.
Commenter  J’apprécie          40

Video de Marta Morazzoni (1) Voir plusAjouter une vidéo

Marta Morazzoni : Une Leçon de style
Depuis le capitole à Rome, Olivier BARROT présente le roman de Marta MORAZZONI "Une Leçon de style" puis en lit un passage.Propos illustrés par une photoNoir et blanc de l'auteur.
autres livres classés : tapisserie de bayeuxVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (28) Voir plus



Quiz Voir plus

Grandes oeuvres littéraires italiennes

Ce roman de Dino Buzzati traite de façon suggestive et poignante de la fuite vaine du temps, de l'attente et de l'échec, sur fond d'un vieux fort militaire isolé à la frontière du « Royaume » et de « l'État du Nord ».

Si c'est un homme
Le mépris
Le désert des Tartares
Six personnages en quête d'auteur
La peau
Le prince
Gomorra
La divine comédie
Décaméron
Le Nom de la rose

10 questions
815 lecteurs ont répondu
Thèmes : italie , littérature italienneCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..