La magnifique couverture de
la collision des mondes de
Sam Cornell a de suite attiré mon attention sur la page Facebook de Livr'S Editions lors de sa sortie en août de l'année passée. le dessin n'est pas seulement mystérieux, il me rappelle beaucoup le trait que l'on peut retrouver pour certaines BDs. Après avoir lu le résumé, je me suis laissé tenter.
Le roman est divisé en quatre parties plus un prologue. Je vais seulement résumer les deux premières et distiller les dernières dans mon article pour éviter d'en dire trop sur le déroulement de l'histoire.
L'inspecteur Edouardo Calvez reçoit une note anonyme qui remet en cause ses déductions sur l'affaire Galantier. Un cas vite catégorisé en suicide. Intrigué, il se rend sur les lieux du crime pour rouvrir l'enquête. Celle-ci l'emmènera dans une affaire bien plus sombre possédant des racines profondes.
Jeanne Colinet frappe à la porte du monastère et demande l'aide de
Frère Guillaume. Elle est convaincue que son père, l'ancien maire, n'est pas décédé d'une simple crise cardiaque. En cherchant quelques informations, l'ecclésiastique va découvrir les secrets de son mentor et ses certitudes et convictions ne vont pas seulement être ébranlées mais franchement secouées.
La collision des mondes est un polar fantastique tirant sur la science-fiction qui est prenant dès les premières lignes. Toutefois, le déroulement souffre de longueurs en raison de l'étalage de l'histoire (qui nous entraîne des premières croisades au début du 20e siècle) et de la biographie de la famille d'un des personnages. L'auteur a fait un travail remarquable dans ses recherches afin de ficeler la partie fantastique sur son intrigue historique. La réinterprétation est intéressante mais la répétition des faits m'a un peu ennuyée. Certains passages ne m'ont pas semblé apporter quelques choses d'essentiel pour l'intrigue principale.
En plus d'être une enquête et une plongée dans l'histoire, l'auteur aborde diverses thématiques si bien que le polar fantastique se mêle à l'histoire, la science, la philosophie, l'astronomie, l'astrologie, l'ethnologie, la physique et les mathématiques. En somme, un grand pot-pourri montrant une richesse d'esprit et du monde. C'est l'un des points forts de ce roman qui tresse les diverses facettes de l'humanité et de l'univers en montrant les liens malgré les différends. S'il expose la dualité entre religion et science, j'ai apprécié que
Sam Cornell ne tombe pas dans une vision manichéiste en mettant aussi en avant les défauts de la seconde.
« la science, comme la foi, possède ses dogmes qu'il est tout aussi difficile de bousculer. Et lorsqu'ils vacillent, c'est pour mieux retrouver leur place initiale. Ils ne se brisent que rarement et aux prix d'insurmontables efforts. […] Lorsque les croyances astronomiques se confondent en certitude, la science ne vaut guère mieux que la foi. »
D'ailleurs, il se préoccupe de défendre l'esprit critique qui consiste à ne pas retenir une seule version des faits mais à consulter autant les vainqueurs que les vaincus, les deux visions des belligérants.
Les personnages sont traités avec profondeur et nuance. L'inspecteur Calvez est fier de son palmarès et sûr de lui. Pourtant, il est capable de se remettre en question. Il déteste perdre le contrôle des choses et il est méticuleux. C'est pourquoi cette missive l'ennuie fortement et le pousse à rouvrir l'enquête. Son esprit aiguisé va lui permettre de remonter le fil de l'affaire et d'accepter l'incroyable découverte et ce qu'elle engendre d'horrible dans le dernier épisode.
L'histoire se plaçant au début du 20e siècle, l'écrivain a tenu compte de l'émancipation de la femme en la personne de Jeanne Colinet. Cette femme a un certain aplomb et un caractère bien trempé. Elle est déterminée, optimiste et mesurée. Si elle prend quelques initiatives et montre son courage, elle reste néanmoins en retrait pendant une bonne partie de l'investigation de frère Guillaume. Bien que cela me fasse trépigner, il faut avouer que ces situations conviennent à l'époque où une femme n'est pas encore totalement libre de ses mouvements et ne peut pas accéder à l'ensemble des endroits réservés aux hommes. Jeanne synthétise en quelque sorte l'ancien et le nouveau comportement des femmes. Elle tend vers l'indépendance sans avoir encore totalement coupé le cordon qui l'a retient.
Frère Guillaume est intéressant par son évolution face aux événements qui vont malmener ses acquis. Pieux et prêchant la bonne parole, il va être confronté à la noirceur des hommes et à ses propres limites entre ses croyances et la réalité. Il symbolise les interrogations : jusqu'où un humain peut-il aller pour survivre ? A quel point les situations peuvent-elles engendrer des actes en totale opposition avec ses convictions ?
La plume de l'auteur est efficace. le style évolue en fonction du personnage qui a la main sur l'histoire. Ainsi, le début possède l'écriture du scientifique ou du détective en ce qu'il est descriptif et sans fioriture inutile. En quelques mots, le décor est planté. Quelques lignes métaphoriques viennent l'agrémenter ci et là en donnant une ambiance mystérieuse. La troisième partie est plus romanesque voire tragique alors qu'un des personnages monopolise la parole dans un monologue appuyé par les courtes interventions de son interlocuteur. Enfin, la fin installe une atmosphère plus lugubre. Les thèmes abordés par l'auteur l'entraînent à utiliser du jargon philosophique (issu du siècle des Lumières) et quelques notions scientifiques.
En bref,
La Collision des mondes souffre des faiblesses d'un premier roman. Toutefois,
Sam Cornell possède une écriture qui m'a plongée dans ce sacré pavé et son univers riche à la croisée des genres. Un auteur prometteur que je vais suivre de près.
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