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EAN : 978B00LJ71PLG
(03/07/2014)
3.31/5   26 notes
Résumé :
MADEMOISELLE de Strozzi, fille du maréchal, et proche parente de Catherine de Médicis, épousa, la première année de la régence de cette reine, le comte de Tende, de la maison de Savoie, riche, bien fait, le seigneur de la cour qui vivait avec le plus d’éclat, et plus propre à se faire estimer qu’à plaire. Sa femme, néanmoins, l’aima d’abord avec passion. Elle était fort jeune ; il ne la regarda que comme un enfant, et il fut bientôt amoureux d’une autre. La comtess... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« Cette trahison lui fit horreur. La honte et les malheurs d'une galanterie se présentèrent à son esprit ; elle vit l'abîme où elle se précipitait et elle résolut de l'éviter. Elle tint mal ses résolutions. »

La touche d'ironie de cette citation nous rappelle qu'en tout temps la chair est faible et « l'on cède aisément à ce qui plaît ».

Cette nouvelle se situe en 1560, l'ouvrage est écrit plus d'un siècle plus tard et ne sera publié, à titre posthume, qu'en 1724.

Sans vouloir oser la comparaison avec la Princesse Palatine que “Le potin mondain brulait comme une passion amoureuse”, expression empruntée à Roland Barthes, je m'interroge : en dépeignant les amours de la Comtesse de Tende, Madame de Lafayette, a-t-elle conscience qu'elle porte atteinte à la réputation post-mortem d'une femme réputée tout à fait chaste en lui inventant des intrigues avec des chevaliers ou bien balaye-t-elle les faux semblant en nous révélant que, derrière les mariages arrangés et l'éducation dévote, les femmes prenaient le risque d'aimer et d'être aimées quand elles avaient souvent tout à y perdre du fait notamment de leur « statut » juridique (antiphrase) ?

Cette courte nouvelle emprunte aux codes de la tragédie, amours impossibles, jalousie, trépas. de même que dans « Histoire de la Princesse de Montpensier », Madame de la Fayette veut-elle décourager les femmes de tomber amoureuse, en leur montrant les tourments et l'issue fatale qui attendent toutes celles qui cèdent aux sirènes de la passion ?

En effet, l'amant peut se détourner, le prétendant se lasser, l'amour courtois déraper : « elle s'était sentie tant de vertu qu'elle ne s'était défiée ni de lui ni d'elle-même. Mais le temps et les occasions avaient triomphé de la vertu.” La prudence est de mise et même si l'orgueil du mari cocu peut l'aveugler un temps : “Il lui restait néanmoins ce doute que l'amour propre nous laisse toujours pour les choses qui coûtent trop cher à croire.”

Ce dernier garde tout pouvoir et s'il vient à apprendre l'adultère : “Il pensa d'abord tout ce qu'il était naturel de penser en cette occasion : il ne songea qu'à faire mourir sa femme.” Autre temps autres moeurs ? Pas si sûr, bien sûr nous avons aujourd'hui le polyamour, les unions libres de jalousie et d'exclusivité, et à tout le moins le divorce par consentement mutuel, mais lorsqu'on regarde de plus près, le crime passionnel, la vengeance amoureuse, existent toujours, comme si c'était « permis de tuer » dans pareil cas, et je crains les réponses à un sondage sur la question, même au XXIème siècle…

la langue de Madame de la Fayette révèle toute sa grâce lors de quelques rares dialogues à l'image de cette réplique du Chevalier de Navarre qui fera vaciller notre Comtesse : “vous m'avez laissé voir que vous ne me haïssiez pas, mais vous m'avez voulu cacher que je suis assez heureux pour que mon mariage vous fasse de la peine.”

Je vous laisse désormais le soin de prendre liaisons et mesures avec Madame de la Fayette dont la plume, chatouilleuse, même pour un ancien Président de la République, saura, je le crois, vous ravir.

Qu'en pensez-vous ?
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Bonjour !
Cette critique concerne l'édition suivante : Madame de Lafayette, La Princesse de Montpensier suivi de la Comtesse de Tende - Les Classiques de Poche - le Livre de Poche. Cette critique traitera de la préface de Laurence Plazenet, de la Comtesse de Tende et des quelques unes des annexes à la fin du livre.

Tout d'abord, la préface de Laurence Plazenet m'a paru assez difficile à comprendre et peu intelligible, les phrases étaient parfois trop longues et péniblement lisibles. Cependant, elle procédait à une très bonne analyse des deux oeuvres en les mettant très bien en relation, ce qui a fortement bien permis d'anticiper ma lecture. Laurence Plazenet insiste sur la vision très pessimiste de Mme de Lafayette sur l'Amour. Elle nous dévoile l'envers du décor et du jeu des personnages, nous révélant leur signification et leur place dans les deux nouvelles, respectivement. Elle définit très bien l'Amour ainsi que l'amour-propre, la vanité, l'orgueil et la jalousie. Comme elle l'explique très bien, les vertus ont souvent du mal à être respectées par les différents personnages. Il est de même important d'imaginer le gros labeur qu'a pu avoir l'auteur en conciliant histoire et fiction dans le cadre de ces deux nouvelles historiques. Laurence Plazenet aborde également le contexte historique des oeuvres durant leur réalisation mais aussi à l'époque où elles se sont déroulées. Elle met en relation le Roman et la Nouvelle dans le cadre du Classicisme au XVIIème siècle.
Voilà pour cette préface.

Avant d'aborder la Comtesse de Tende en elle-même, j'aimerais faire un point sur l'écriture de Mme de Lafayette, c'est-à-dire sur son style. Dans les annexes que mon édition propose, j'ai eu le privilège de lire le "Portrait de Mme de Lafayette", par La Rochefoucauld (un de ses proches amis contemporains). Il en fait une véritable apologie, aussi, nous voyons de manière totalement transparente qu'il lui fait une sorte de déclaration d'Amour à travers ce portrait très élogieux. le discours est argumenté et très épidictique. Mais voici ce que de la Rochefoucauld a dit à propos de l'esprit de Mme de Lafayette qui m'a le plus marqué et dont je fus le plus en accord après avoir lu la Comtesse de Tende et la Princesse de Montpensier :
"Mais, pour votre façon d'écrire en prose, dont il n'y a point de danger de parler, il n'y a rien de plus naturel et de plus délicat. Toutes les fois que vous m'avez fait la grâce de me faire voir vos lettres, j'y ai toujours admiré la manière dont la bagatelle et le sérieux y étaient tournés et comme tout y tombait si juste et paraissait pourtant si peu recherché qu'il semblait que c'eût été une nécessité d'écrire de la sorte. Cependant, cela ne vous coûte presque rien et, souvent, une demi-heure de temps vous suffit pour achever des choses que ceux mêmes qui passent pour les maîtres seraient un jour à limer."
Voilà, cela résume parfaitement le style à la fois plein de bagatelle et de sérieux de Mme de Lafayette. Cela m'amène au coeur de ma critique : la Comtesse de Tende.

Il s'agit là d'une nouvelle si courte mais si riche en émotions, elle est sentimentalement horrible, terrible et pleine d'affliction. Cependant, je n'ai jamais vu un texte littéraire aussi concis et aussi admirable de toute ma vie. Élégance est le mot parfait pour décrire cette nouvelle. Il désigne ce qui est harmonieux et gracieux dans la simplicité. Mme de Lafayette ne cherche pas des tournures de phrases très complexes. La qualité seule de ses écrits fait toute la fortune et la splendeur de l'intrigue qui se déroule d'une fluidité que je n'ai jamais pu lire auparavant. C'est passé à une de ces vitesses... La nouvelle m'a tout de même bien frappé de part avec la violence psychique que subit la Comtesse de Tende (mais aussi physique à la fin) mais aussi par les fois où les masques ont failli tomber... (spoiler attention : je pense notamment au moment où le Comte de Tende a surpris le Prince de Navarre à genoux devant la Comtesse de Tende dans sa chambre). Les remords, les passions et les inclinations font tous ensemble un véritable orchestre émotionnel. le Prince de Navarre est par exemple tiraillé entre son Amour passionnel pour la Comtesse et son Ambition pour sa fortune avec la Princesse de Neufchâtel.
"L'on cède aisément à ce qui plaît" demeure pour moi une des plus belles citations de la nouvelle ; il y a aussi "[...] elle sentit bien que la honte est la plus violente de toutes les passions."
Nous observons un parallèle avec la Princesse de Montpensier au niveau de la vision de l'Amour et de la Passion de la part de Mme de Lafayette, toujours aussi pessimiste sur ce sujet-là. de même, la fin de la nouvelle est très brute et marque le coeur.
Pour Mme de Lafayette, l'Amour n'est qu'un péril.
Cette dernière est une excellente femme de lettres qui est très facilement parvenue à nous faire comprendre ce que cela a pu faire à la Comtesse d'avoir eu le coeur brisé, d'avoir perdu l'estime de son mari et d'avoir été ôtée de son plus intime confident.
Pour finir, il est important de savoir que Mme de Lafayette a lu, comme l'explique mon édition dans ses annexes, les "Réflexions ou Sentences et Maximes morales" de de la Rochefoucauld et les "Pensées" de Pascal. Ces écrits l'ont inspirée pour ses deux nouvelles.

En guise de conclusion à ma critique, lisez cette nouvelle courte, frivole mais très large quand on l'analyse de façon littéraire et approfondie. Je vous donnerai pour finir un extrait des "Pensées" de Pascal sur l'Amour-Propre et la Vérité :
"Ce malheur est sans doute plus grand et plus ordinaire dans les plus grandes fortunes ; mais les moindres n'en sont pas exemptes, parce qu'il y a toujours quelque intérêt à se faire aimer des hommes. Ainsi la vie humaine n'est qu'une illusion perpétuelle ; on ne fait que s'entre-tromper et s'entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. L'union qui est entre les hommes n'est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d'amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'y est pas, quoiqu'il en parle alors sincèrement et sans passion.
L'homme n'est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l'égard des autres. Il ne veut donc pas qu'on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux autres. Et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son coeur."
La Vérité fait toujours plus mal que le Mensonge...

Bonne lecture, avec toute sincérité, cordialement.

SHDB
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La Comtesse de Tende est une courte nouvelle de Madame de Lafayette. Il s'agit chronologiquement du dernier de ses contes publiés-suivant de près La Princesse de Clèves. J'y retrouve tout ce qu'y fit mon plaisir dans Zaïde, La Princesse de Montpensier ou La Princesse de Clèves : le tour d'esprit de Madame de Lafayette, son ton, son naturel, son évocation précise et vivante d'un temps désormais révolu.
J'y trouve également une certaine élégance et un pittoresque sui m'enchante.
Un excellent livre de Madame de Lafayette.
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Je termine mon cycle de lecture des oeuvres moins connues de Mme de Lafayette par La Comtesse de Tende, une courte nouvelle publiée à titre posthume en 1724 (soit plus de 30 ans après sa mort) dans le Mercure de France.

Cette histoire qui présente beaucoup d'analogie avec La Princesse de Clèves (mariage de raison, aveu) laisse le lecteur sur sa faim car la trame du récit ressemble surtout à un échafaudage de grandes lignes directrices en attente de développement.
Ici, l'infidélité est encouragée par l'attitude du mari qui délaisse sa trop jeune épouse ; en outre, l'infidélité est consommée et la Comtesse se retrouve enceinte, « grosse » des oeuvres de son amant. L'aveu au mari est inévitable ; ce dernier se tait pour sauvegarder son honneur. L'infortunée comtesse meurt en accouchant d'un bébé illégitime qui ne survit pas et son mari choisit de ne jamais se remarier.

L'amour apparaît donc toujours comme un sentiment funeste, un déséquilibre qui bouleverse la vie et la morale. Chez Mme de Lafayette, tous les personnages sont des victimes de l'amour… Cette vision pessimiste m'interroge en période d'amour précieux et de Carte du Tendre car on pourrait plutôt penser que, dans une société où seule une minorité de mariages sont contractés par amour, ce sentiment serait au contraire idéalisé par l'écriture…
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Ce n'est pas la nouvelle de Mme de la Fayette qu'il faudrait lire en premier pour découvrir son style et ses qualités. Comme l'ont souligné d'autres critiques, j'ai eu l'impression de lire une ébauche : les situations et les rebondissements sont traités rapidement, les personnages présentés sans grande profondeur. La grande qualité de l'écriture de Mme de la Fayette, c'est sa caractérisation psychologique très fines des personnages : c'est une des premières à décrire les variations profondes des sentiments d'un coeur, d'une âme presque. Or, ici, tout va vite, trop vite, en quelques pages - il faut dire aussi que le format lui-même du texte est court : une courte nouvelle ne permet pas autant d'analyse des caractères qu'un roman.
Néanmoins, la fin reste la même que dans les autres oeuvres de Mme de la Fayette : l'amour fait mal, l'amour tue, les histoires d'amour finissent mal en général, et le sentiment du devoir moral et religieux doit être plus fort que le désir.
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
« Cette trahison lui fit horreur. La honte et les malheurs d'une galanterie se présentèrent à son esprit ; elle vit l'abîme où elle se précipitait et elle résolut de l'éviter. Elle tint mal ses résolutions. »
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Après avoir examiné ce qu'elle allait faire avec des agitations mortelles, pénétrée de ses malheurs et du repentir de sa vie, elle se détermina enfin et écrivit ces mots à son mari :

Cette lettre me va coûter la vie, mais je mérite la mort et je la désire. Je suis grosse. Celui qui est la cause de mon malheur n'est plus au monde, aussi bien que le seul homme qui savait notre commerce. Le public ne l'a jamais soupçonné. J'avais résolu de finir ma vie par mes mains, mais je l'offre à Dieu et à vous-même pour l'expiation de mon crime. Je n'ai pas voulu me déshonorer aux yeux du monde, parce que ma réputation vous regarde : conservez-la pour l'amour de vous. Je vais faire paraître l'état où je suis. Cachez-en la honte et faites-moi périr quand vous voudrez et comme vous le voudrez.
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La Comtesse de Tende demeura éperdue du hasard qu'elle avait couru, des réflexions que lui faisaient faire les paroles de son mari et de la vue des malheurs où la passion l'exposait. Mais elle n'eut pas la force de s'en dégager. Elle continua son commerce avec le Prince de Navarre.
[...]
Elle se trouvait et elle était en effet une des plus malheureuses femmes du monde. La Princesse de Navarre lui faisait tous les jours confidence d'une jalousie dont elle était la cause. Cette jalousie la pénétrait de remords et, quand la Princesse de Navarre était contente de son mari, elle était perdue de jalousie à son tour.
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Il n'est pas question de mon mariage, il ne s'agit plus de ma fortune. Il ne s'agit plus que de votre cœur, Madame, et d'être aimé de vous : je renonce à tout le reste. Vous m'avez laissé voir que vous ne haïssiez pas, mais vous m'avez voulu cacher que je suis assez heureux pour que mon mariage vous fasse de la peine. Je viens vous dire, Madame, que j'y renonce, que ce mariage me serait un supplice et que je ne veux vivre que pour vous. L'on m'attend à l'heure que je vous parle, tout est prêt, mais je vais tout rompre si, en le rompant, je fais une chose qui vous soit agréable et qui vous prouve ma passion.
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Il monta seul en carrosse, plein de trouble et n'osant même ouvrir la lettre, quelque impatience qu'il eût de la lire. Il la lut enfin et apprit son malheur, mais que ne pensa-t-il point après l'avoir lue ! S'il eût eu des témoins, ce violent état où il était l'aurait fait croire privé de raison ou prêt de perdre la vie. La jalousie et les soupçons bien fondés préparent d'ordinaire les maris à leur malheur. Ils ont même toujours quelque doute, mais ils n'ont pas cette certitude que donne l'aveu, qui est au-dessus de nos lumières. Le Comte de Tende avait toujours trouvé sa femme très aimable, quoiqu'il ne l'eût pas également aimée, mais elle lui avait toujours paru la plus estimable femme qu'il eût jamais vue. Ainsi, il n'avait pas moins d'étonnement que de fureur et, au travers de l'un et de l'autre, il sentait encore, malgré lui, une douleur où la tendresse avait quelque part.
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