Bonjour !
Cette critique concerne l'édition suivante :
Madame de Lafayette,
La Princesse de Montpensier suivi de la Comtesse de Tende - Les Classiques de Poche - le Livre de Poche. Cette critique traitera de la préface de
Laurence Plazenet, de
la Comtesse de Tende et des quelques unes des annexes à la fin du livre.
Tout d'abord, la préface de
Laurence Plazenet m'a paru assez difficile à comprendre et peu intelligible, les phrases étaient parfois trop longues et péniblement lisibles. Cependant, elle procédait à une très bonne analyse des deux oeuvres en les mettant très bien en relation, ce qui a fortement bien permis d'anticiper ma lecture.
Laurence Plazenet insiste sur la vision très pessimiste de Mme de Lafayette sur l'Amour. Elle nous dévoile l'envers du décor et du jeu des personnages, nous révélant leur signification et leur place dans les deux nouvelles, respectivement. Elle définit très bien l'Amour ainsi que l'amour-propre, la vanité, l'orgueil et la jalousie. Comme elle l'explique très bien, les vertus ont souvent du mal à être respectées par les différents personnages. Il est de même important d'imaginer le gros labeur qu'a pu avoir l'auteur en conciliant histoire et fiction dans le cadre de ces deux nouvelles historiques.
Laurence Plazenet aborde également le contexte historique des oeuvres durant leur réalisation mais aussi à l'époque où elles se sont déroulées. Elle met en relation le Roman et la Nouvelle dans le cadre du Classicisme au XVIIème siècle.
Voilà pour cette préface.
Avant d'aborder
la Comtesse de Tende en elle-même, j'aimerais faire un point sur l'écriture de Mme de Lafayette, c'est-à-dire sur son style. Dans les annexes que mon édition propose, j'ai eu le privilège de lire le "Portrait de Mme de Lafayette", par La Rochefoucauld (un de ses proches amis contemporains). Il en fait une véritable apologie, aussi, nous voyons de manière totalement transparente qu'il lui fait une sorte de déclaration d'Amour à travers ce portrait très élogieux. le discours est argumenté et très épidictique. Mais voici ce que de la Rochefoucauld a dit à propos de l'esprit de Mme de Lafayette qui m'a le plus marqué et dont je fus le plus en accord après avoir lu
la Comtesse de Tende et
la Princesse de Montpensier :
"Mais, pour votre façon d'écrire en prose, dont il n'y a point de danger de parler, il n'y a rien de plus naturel et de plus délicat. Toutes les fois que vous m'avez fait la grâce de me faire voir vos lettres, j'y ai toujours admiré la manière dont la bagatelle et le sérieux y étaient tournés et comme tout y tombait si juste et paraissait pourtant si peu recherché qu'il semblait que c'eût été une nécessité d'écrire de la sorte. Cependant, cela ne vous coûte presque rien et, souvent, une demi-heure de temps vous suffit pour achever des choses que ceux mêmes qui passent pour les maîtres seraient un jour à limer."
Voilà, cela résume parfaitement le style à la fois plein de bagatelle et de sérieux de Mme de Lafayette. Cela m'amène au coeur de ma critique :
la Comtesse de Tende.
Il s'agit là d'une nouvelle si courte mais si riche en émotions, elle est sentimentalement horrible, terrible et pleine d'affliction. Cependant, je n'ai jamais vu un texte littéraire aussi concis et aussi admirable de toute ma vie. Élégance est le mot parfait pour décrire cette nouvelle. Il désigne ce qui est harmonieux et gracieux dans la simplicité.
Mme de Lafayette ne cherche pas des tournures de phrases très complexes. La qualité seule de ses écrits fait toute la fortune et la splendeur de l'intrigue qui se déroule d'une fluidité que je n'ai jamais pu lire auparavant. C'est passé à une de ces vitesses... La nouvelle m'a tout de même bien frappé de part avec la violence psychique que subit
la Comtesse de Tende (mais aussi physique à la fin) mais aussi par les fois où les masques ont failli tomber... (spoiler attention : je pense notamment au moment où le Comte de Tende a surpris le Prince de Navarre à genoux devant
la Comtesse de Tende dans sa chambre). Les remords, les passions et les inclinations font tous ensemble un véritable orchestre émotionnel. le Prince de Navarre est par exemple tiraillé entre son Amour passionnel pour la Comtesse et son Ambition pour sa fortune avec la Princesse de Neufchâtel.
"L'on cède aisément à ce qui plaît" demeure pour moi une des plus belles citations de la nouvelle ; il y a aussi "[...] elle sentit bien que la honte est la plus violente de toutes les passions."
Nous observons un parallèle avec
la Princesse de Montpensier au niveau de la vision de l'Amour et de la Passion de la part de Mme de Lafayette, toujours aussi pessimiste sur ce sujet-là. de même, la fin de la nouvelle est très brute et marque le coeur.
Pour Mme de Lafayette, l'Amour n'est qu'un péril.
Cette dernière est une excellente femme de lettres qui est très facilement parvenue à nous faire comprendre ce que cela a pu faire à la Comtesse d'avoir eu le coeur brisé, d'avoir perdu l'estime de son mari et d'avoir été ôtée de son plus intime confident.
Pour finir, il est important de savoir que
Mme de Lafayette a lu, comme l'explique mon édition dans ses annexes, les "Réflexions ou Sentences et Maximes morales" de de la Rochefoucauld et les "Pensées" de Pascal. Ces écrits l'ont inspirée pour ses deux nouvelles.
En guise de conclusion à ma critique, lisez cette nouvelle courte, frivole mais très large quand on l'analyse de façon littéraire et approfondie. Je vous donnerai pour finir un extrait des "Pensées" de Pascal sur l'Amour-Propre et la Vérité :
"Ce malheur est sans doute plus grand et plus ordinaire dans les plus grandes fortunes ; mais les moindres n'en sont pas exemptes, parce qu'il y a toujours quelque intérêt à se faire aimer des hommes. Ainsi la vie humaine n'est qu'une illusion perpétuelle ; on ne fait que s'entre-tromper et s'entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. L'union qui est entre les hommes n'est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d'amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'y est pas, quoiqu'il en parle alors sincèrement et sans passion.
L'homme n'est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l'égard des autres. Il ne veut donc pas qu'on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux autres. Et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son coeur."
La Vérité fait toujours plus mal que le Mensonge...
Bonne lecture, avec toute sincérité, cordialement.
SHDB