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EAN : 978B0077QH8HS
Baudinière (30/11/-1)
4.85/5   10 notes
Résumé :
En 1914, Jean Galtier-Boissière, jeune licencié de la Sorbonne et client assidu des cabarets de Montmartre, déjà sous les drapeaux, est envoyé au front. De la caserne des Lilas au baptême du feu dans les Ardennes, le caporal "La Galtouse", matricule 42 63 - futur directeur de l'impertinent journal Le Crapouillot -, raconte sa mobilisation avec humour et réalisme. En décrivant le passage de la vie de caserne à la vie en campagne, il nous fait revivre la guerre, ses m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le livre est un joli objet des éditions Vendémiaire à double couverture cartonnée et illustrée, édité en août 2014. Pour le centenaire de la déclaration de guerre, sans doute.

Le récit est une chronique journalière, du 17 juillet au 13 septembre 1914.
En juillet 1914, Jean Galtier-Boissière arrive au terme de son service militaire. Encore deux mois et il sera rendu à la vie civile. Son heureux caractère lui a permis de vivre cette période qui s'achève avec bonne humeur, et une curiosité bienveillante sur la vie en caserne, ses camarades, ses supérieurs. Avec beaucoup d'humour aussi. L'esprit de cette première partie du livre m'évoque irrésistiblement ce titre, « Les gaietés de l'escadron », que je n'ai pourtant ni lu ni vu.

Mais la guerre est déclarée et c'est la mobilisation. le régiment de Galtier-Boissière va chercher le front pendant plusieurs jours, sans le trouver. Ces errances dès les premiers jours de la guerre, sont une révélation pour moi qui imaginais des opérations dûment pensées et organisées... La première découverte de l'horreur du front n'en est que plus terrible. Ces hommes qui pensaient partir au combat, homme contre homme, sont pris sous le feu aveugle et dantesque des shrapnells et des obus.

« La tête sous le sac, je jette un coup d'oeil sur mes voisins haletants, secoués de tremblements nerveux, la bouche contractée dans un hideux rictus, tous claquent des dents, leurs visages bouleversés par la peur rappellent les grotesques gargouilles de Notre-Dame ; dans cette posture de prosternation, ils ont l'air de suppliciés qui offrent leur nuque au bourreau.
(...)
- Ah ben ! mon vieux, si j'avais pensé que c'était ça leur guerre !
- J'crois que j'ai attrapé une maladie de coeur
- Si ça doit être tous les jours comme ça, j'aime mieux être tué tout de suite ! »

A hauteur du soldat de l'infanterie, à hauteur de ma lecture, cette guerre allie l'absurdité et la confusion à l'horreur. Marches, retraites, bonds en avant, dégagements, nuits blanches pour progresser sans savoir vers quoi, ou attentes de plusieurs jours en pleine campagne, sans abri et à proximité des lignes ennemies, les mouvements de cette guerre sont incompréhensibles. Comment discerner les desseins et les intentions de l'état-major ? Comment ne pas se demander s'il a une idée juste et raisonnable du front et des opérations ? Comment ne pas douter de la nécessité de la terreur qu'il impose ?

En fait, les troupes françaises n'ont cessé de reculer, jusqu'au « miracle » de la bataille de la Marne. Galtier-Boissière et ses camarades se sont bien rendu compte de l'échec du premier mois de guerre, par la direction que prenaient leurs mouvements, mais les informations officielles étaient inexistantes. Et ce sont les on-dit et la rumeur qui leur apprennent que les Allemands ont finalement cédé à la contre-offensive française.

Des hommes extraits brutalement de leur quotidien banal et versés d'un coup dans un univers où plus rien n'est assuré : ni l'abri, ni le ravitaillement, ni l'hygiène, ni l'information, ni la certitude d'être encore vivant ou indemne le lendemain. Un univers où des hommes croisent d'autres hommes atrocement blessés et mutilés et ne savent plus s'y attarder. Un univers où l'angoisse et la peur sont tellement prégnantes que lorsque l'occasion se présente enfin de se battre, elles se résolvent en rage, « paroxysme de vie et intense jouissance ».

Jean Galtier-Boissière raconte ce qu'il a vécu pendant ces deux mois de l'été 1914, avec simplicité, réalisme et intelligence, n'ignorant pas plus l'absurde ou le grotesque que le tragique.

Merci à Pierre31 qui m'a fait découvrir le livre et son auteur. Un grand moment de lecture pour moi, qui rejoint effectivement « La Peur » et « A l'ouest rien de nouveau » dans mon panthéon personnel.
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Les témoignages de la guerre des tranchées furent nombreux dans les années 20, tant le traumatisme de cette amère victoire militaire fut énorme pour la plupart des français. Des "Croix de Bois" de Roland Dorgelès, au "Feu" d'Henri Barbusse, en passant par "La Peur" de Gabriel Chevallier, ces âpres témoignages, narrant évidemment les mêmes évènements tragiques, s'avérèrent aussi un exercice de style difficile, tant il fallait à la fois raconter des choses vécues, et le faire d'une manière différente des prédécesseurs, ou d'un angle de vue original.
"La Fleur au Fusil" est en ce sens un des ouvrages les plus modernes qui aient été écrits sur ce thème. D'abord parce qu'il fut relativement tardif (1928), et ensuite, parce que le sujet étant désormais connu de tous, l'auteur pouvait se dispenser d'une préoccupation historique, ce qui lui laissait la totale liberté de parler de son expérience propre.
Entré en littérature en 1921, fondateur du "Crapouillot", journal satirique qui a existé plus d'un siècle, Jean Galtier-Boissière a fait partie de cette génération de combattants qui étaient à la base de jeunes gens effectuant leur service militaire, et qui furent parmi les tous premiers à être envoyés au front quand la querre de 1914-1918 fut déclarée. En ce sens, "La Fleur au Fusil" est moins un livre sur Première Guerre Mondiale que le deuxième tome, après "Loin de la Riflette" avec lequel il est quelquefois réédité, d'une adaptation romanesque plus vaste rassemblant tous les souvenirs de la vie militaire de Jean Galtier-Boissière.
Parce qu'il était enrôlé en temps de paix pour son service militaire, Jean-Galtier-Boissière fut "doublement" conscrit, et son expérience du champ de bataille s'inscrit dans le prolongement d'un service militaire qui n'avait pas tellement plus de sens pour lui que la guerre qui lui a succédé. Ces deux romans se veulent donc avant tout le témoignage d'un homme obéissant et stoïque, qui fait ce qu'on lui dit de faire sans chercher à comprendre, et qui d'ailleurs, avec le temps, réalise que ses supérieurs ne comprennent pas tellement mieux les choses que lui, et qu'au final, il n'y a peut-être rien à comprendre, rien à apprendre, de l'absurdité de la folie belliqueuse des hommes.
Pour autant, Jean Galtier-Boissière, de sensibilité anarchiste, ne donne pas non plus dans l'antimilitarisme ou dans le pacifisme militant. Sa guerre est un brouillard opaque, d'où jaillissent de temps à autres, des obus, des balles, des shrapnels, qui portent la mort un peu partout de manière aléatoire. Dans ces Ardennes abondamment boisées, chaque armée est invisible, y compris pour elle-même. Des silhouettes lointaines, à une centaine de mètres, qu'on vise et qu'on tue sans vraiment les distinguer, des cadavres abandonnés et rongés par les vers sur les bords de la route, voilà tout ce que l'auteur verra jamais de l'ennemi qu'il combat.
Au sein de ces tranchées, au coeur de ces bois, au final, chaque soldat est un homme seul, préoccupé de sa survie ou éventuellement de mourir utilement ou en héros. Cette vision intériorisée, quasiment autiste, d'un champ de bataille perçu comme l'oeil d'un cyclone, apporte quelque chose de fondamentalement nouveau au récit de guerre. Présenté de plus comme une sorte de journal intime reconstitué des premiers mois de cette guerre, "La Fleur Au Fusil" est une errance contrôlée en terrain mortifère, marquée par des mouvements de troupe annulés, des replis imprévus, des changements de direction, des ordres absurdes et contradictoires, tout cela formant l'enchaînement chaotique des évènements au cours desquels les soldats ne savent jamais vraiment si leur armée est victorieuse ou non.
La fin du roman est particulièrement touchante, car les survivants de l'escouade traversent des villages, jadis occupés par les Allemands qui ont déserté la place après avoir longuement pillé les maisons. Et ces hommes qui ont connu le terrible enfer des obus, des tranchées, des sièges interminables sous des pluies battantes, des ravages de la dysenterie et qui ont vu mourir leurs meilleurs amis à côté d'eux, se retrouvent face à des villageois qui pleurent le vol de leurs jambons, le bris de leurs fenêtres et de leurs murs, ou la lacération gratuite de leurs garde-robes. de ce fait, ils se retrouvent incapables, de par leurs propres souffrances, de faire preuve envers eux de la moindre empathie, et l'auteur réalise à quel point la guerre fait de tous ceux qui la subissent des monstres d'égoïsme.
"La Fleur Au Fusil" est donc un roman acerbe, froidement cynique, au style compact et factuel qui raconte cependant beaucoup d'anecdotes en un nombre de pages relativement modeste, et ce, avec une froideur et un détachement qui font frissonner, tout en reflétant très fidèlement le ressenti cloisonné des soldats sur le champ de bataille. Journal intime romancé d'un homme qui n'avait plus d'intimité, figé dans un éternel présent sans passé ni avenir, "La Fleur Au Fusil" est une expérience littéraire purement psychologique mais d'une grande intensité et d'une totale vérité, qui, plus d'un siècle après les évènements qui y sont narrés, restitue fidèlement l'horreur et la folie d'une guerre fratricide totale, et le fait d'une manière clinique, sans leçons de morale, sans célébrer la gloire des héros tombés au champ d'honneur, simplement par le biais d'un nihilisme tranquille et désabusé qui représente sans doute la principale révélation que fut cette guerre pour ceux qui l'ont vécue, et en sont revenus, brisés à jamais.
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Galtier-Boissière, avec son style alerte, trace un tableau vivant et cruel du début de la guerre de 1914-1918, époque où par dizaine de milliers les soldats au pantalon garance sont fauchés dans les combats meurtriers des Ardennes.
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critiques presse (1)
Telerama
05 novembre 2014
Dans ses souvenirs des années 1914 et 1915, rassemblés sous le titre La Fleur au fusil, il relate sa guerre – qu'il terminera blessé, puis démobilisé, à l'été 1917. Il évoque ici les premiers combats meurtriers, la guerre dite « des frontières », qui révèle l'impéritie du commandement, les marches, les premiers cadavres, les civils des contrées chavirées...
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
(4 septembre 1914)

(...) j’embrasse d’un regard un vaste panorama : sur la route, en avant, en arrière, je vois se dérouler l’interminable ruban des régiments en marche. A droite, à gauche, je distingue d’autres routes où d’autres colonnes avancent lentement en ondulant comme de monstrueux mille-pattes. J’aperçois aussi des régiments d’artillerie qui roulent dans un épais nuage de poussière, des convois indéfinis, des troupes de cavaliers dont le casque scintille au soleil : tous ces flots continus et parallèles s’écoulent lentement vers le même horizon, et là-bas, dans les lointains bleutés, vers la Meuse, j’imagine les innombrables colonnes ennemies dont le torrent envahit le pays que nous abandonnons...
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La caractéristique de la Première Guerre mondiale, c'est que sur le front français, du début à la fin, il ne fut réalisé à peu près aucune manoeuvre, les attaques frontales se succédant stupidement et provoquant des massacres d'une ampleur jamais atteinte...
Les pertes françaises furent continuellement dissimulées.
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(24 août 1914)

Les tirailleurs qui montaient héroïquement à l'assaut sous une grêle de mitraille, maintenant qu'ils courent vers l'arrière, sont redevenus de simples hommes, jetés dans un affreux cataclysme. Après avoir follement exposé sa peau, chacun s'est repris et veut, à tout prix, la sauver.
(...) Il n'y a que des bêtes traquées, tremblantes, haletantes, affolées, qui fuient l'effroyable fournaise, s'écroulent, se relèvent, rebondissent ; c'est la fuite éperdue, la panique, l'horrible sauve-qui-peut.
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­— À mort ! À mort ! Achevez-le !
Et je vois un individu se débattre avec acharnement contre cinq ou six énergumènes qui le rouent de coup.
— Qu'est-ce qu'il a encore fait celui-là ?
La figure en compote, l'homme supplie :
— /Per madona, ié souis italien, de Milano/ !
— C'est un prussien ! À preuve qu'il cause allemand ! Achevez-le ! hurle la foule. À mort l'espion !
Avec quelques coups de crosse, je dégage le type, assez amoché : il a le crâne ouvert, son œil gauche pend lamentablement sur sa joue, et son nez pisse le sang comme une fontaine.
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(3 août 1914)

Toutes ces scènes d’émeutes m’ahurissent et me peinent. J’ai l’impression que la déclaration de guerre a provoqué une sorte de folie collective : la lie de la population est brusquement remontée à la surface, mais d’honnêtes travailleurs aussi se transforment brusquement en énergumènes, se jettent au pillage, ou, faute d’ennemis à trucider, en imaginent à tous les coins de rue ; dans ce quartier populaire, les femmes semblent prises de frénésie ; certaines s’offrent au premier pantalon rouge. Quant à la police, elle a complètement perdu la tête et donne l’exemple du plus évident manque de sang-froid.
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Vidéo de Jean Galtier-Boissière
éditions Du Lérot.
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