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Stéphane Beaud (Directeur de publication)Joseph Confavreux (Directeur de publication)Jade Lindgaard (Directeur de publication)
EAN : 9782707149473
647 pages
La Découverte (29/09/2006)
4.14/5   11 notes
Résumé :

En France, la proportion de précaires est plus élevée dans le public que dans le privé, de plus en plus de personnes ne demandent pas les prestations sociales auxquelles elles ont droit, la plupart des SDF ont une adresse, la moitié des adolescents qui se suicident sont homosexuels, les licenciés qui retrouvent un emploi connaissent presque systématiquement une perte de revenu, les femmes au foyer sont souvent des ch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
En commençant ce livre j'ai été contrarié de constater qu'il "datait" de quinze ans déjà, s'agissant d'un ouvrage traitant de sujets de société c'était plutôt frustrant.
J'ai eu l'agréable surprise d'être très vite aspiré dans cette lecture constituée d'une quarantaine de sujets très divers mais se rejoignant tous sur le thème de l'invisibilité.
Des "Récits Enquêtes Portraits" dont certains inattendus comme les femmes au foyer, les banlieusards, le handicap, les stagiaires, les intermittents et bien d'autres encore. L'auteur ne juge pas, il ne verse pas d'avantage dans le "pathos", il énonce des situations et donne la parole à ceux qui vivent ou ont vécu ces expériences.La France invisible c'est à côté de chez nous, ce sont des gens que l'on croise sans soupçonner le drame ou la souffrance qu'ils véhiculent silencieusement.
L'auteur nous fait prendre conscience qu'il n'y a pas les forts et les volontaires d'un côté et les faibles ou les velléitaires de l'autre, on peut être fragilisé par un coup du sort ou la perte de son emploi, la maladie...
Toute une frange de la société ne "rentre pas dans les cases" et se retrouve en marge ou en difficulté dans la vie de tous les jours, dans l'impossibilité de concevoir un avenir.
Les faits évoqués dans cet ouvrage datent d'il y a 15 ou 30 ans, mais quant on voit l'état de crise actuel, on peut penser de l'auteur qu'il a été visionnaire d'une certaine façon, car rien n'a changé, cela a même probablement empiré.
Certains sujets m'ont vraiment remué, les témoignages sont vrais et les mots ont parfois un certain impact émotionnel, la diversité de l'ensemble fait que l'on va avoir quelques révélations en découvrant certaines situations sous un angle inédit.
Une lecture en deux parties ("Récits Enquêtes Portraits" et "Connaissances et représentations du monde social"), la deuxième partie étant plus technique, il s'agit d'un pavé (929 pages au format numérique) qui va demander un certain investissement.
Un livre pour apprendre ou comprendre pourquoi ça ne tourne pas rond.
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s'y sont mis à trois, un universitaire sociologue et deux journalistes pour produire ce pavé (647 pages) qui cherche à décrire la misère sociétale française. Ils se sont attachés à essayer de décrire les zones d'ombre, les angles morts, les lieux d'invisibilité de la société et ceux-ci se sont avérés fort nombreux. Eh oui, la vie de la France d'en bas, ce n'est pas forcément ce qu'on nous montre sur nos petits écrans ou ce que l'on lit dans nos journaux favoris. La liste de ces exilés intérieurs, de ces parias, de ces exclus est fort longue. Chaque cas de figure a droit à son chapitre. La France invisible c'est donc : les accidentés et intoxiqués au travail, les banlieusards, les délocalisés, les démotivés, les discriminés, les disparus, les dissimulés, les drogués, les égarés, les éloignés, les enfermés, les expulsables, les expulsés, les femmes à domicile, les gars du coin, les gens du voyage, les habitants des taudis, les handicapés, les intermittents de l'emploi, les jeunes au travail, les oubliés de la santé, les précaires du public, les pressurés, les privatisés, les prostitué(e)s, les rénovés, les érémistes, les salariés déclassés, les sans-emploi, les sans domicile, les sous contrôle, les sous-traités, les stagiaires, les surendettés, les travailleurs de l'ombre et les vieux pauvres. Ce qui fait du monde. On parle de 7 millions de personnes qui vivraient en dessous du seuil de pauvreté soit plus de 10% de la population. La réalité est certainement supérieure à ce chiffre déjà fort inquiétant par lui-même.
Pour chaque catégorie d'exclus des témoignages humains honnêtes et souvent poignants sont proposés. C'est la partie la plus intéressante du bouquin. Pour conclure, une rapide interview d'un « spécialiste » de la catégorie sociale en question qui résume la situation de façon plus ou moins pertinente. La seconde partie, qui représente à peine 200 pages en fin de livre, m'a semblé moins intéressante. Elle s'intitule « Connaissances et représentations du monde social ». Là, plus question de témoignages. On passe la parole aux universitaires, aux chercheurs, sociologues, technocrates et verbeux en tous genres qui se mettent à théoriser à qui mieux mieux sur la problématique en question. le lecteur-lambda accroche moins, mais cela peut se révéler parfois intéressant.
D'une façon générale, ce livre a le mérite de corriger pas mal de préjugés et d'idées reçues telles que : la proportion de précaires est plus élevée dans le public que dans le privé alors que tout un chacun croit que c'est l'inverse. de plus en plus de personnes ne demandent pas les prestations sociales auxquelles elles pourraient prétendre par manque d'information, de culture, clochardisation ou au contraire refus de devenir assisté. La plupart des SDF a une adresse, certains ont même un travail, la moitié des adolescents qui se suicident sont homosexuels, les licenciés qui retrouvent un emploi ont presque systématiquement une baisse de revenus. Les femmes au foyer sont souvent des chômeuses dissimulées. Un ouvrier non qualifié a deux fois plus de risques de décéder avant 60 ans qu'un ingénieur, etc…
Un livre passionnant et dérangeant pour qui s'intéresse aux problèmes de société.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Imaginez qu'on envoie aux quatre coins de la France des enquêteurs à la rencontre de tous les Français qui présentent des symptômes du malheur et d'amasser et de mettre en ordre leurs doléances. Dans ces comptes-rendus, les gouvernants pourraient trouver de quoi concevoir les meilleures réformes, les actions politiques les plus justes afin de corriger les dysfonctionnements du système. Au lieu de cela, n'écoutant que les vieilles théories libérales revivalistes (du début XIXe siècle) sur la responsabilité de chaque individu face à son échec, ils laissent le système marchand définir lui-même ses règles, écartant avec énergie l'idée que c'est ce fonctionnement même - l'autonomie du monde économique sur les autres champs (comme le développe Karl Polanyi) - qui ne tenant compte de rien d'autre que lui-même et son expansion, crée des poches de rancoeur, des cloques de souffrance, un malaise qui gonfle gonfle davantage. Ces enquêtes pourraient être rapprochées des reportages de l'émission "Les Pieds sur Terre" de France Culture, mais spécialisées sur ceux qu'on n'entend pas ou ne veut pas entendre. Ceux qui sont en prison et sont retranchés de la société, ceux qui sont en hôpitaux psychiatriques et en sont retranchés, ceux qui sont handicapés et sont retranchés, ceux qui ont perdu goût à la vie et sont retranchés dans leur maison, les femmes qui travaillent à domicile et n'apparaissent nulle part dans les chiffres ni dans l'espace public, les sans-papiers travaillant sans existence administrative, ceux qui travaillent tant que plus personne ne voit... Quelles parts de la France ne voit-on plus ?

Cet ouvrage collectif est une tentative réussie de renouveler le travail effectué treize ans plus tôt dans La Misère du monde, par un groupe de sociologues emmenés par Pierre Bourdieu (l'absence d'un grand nom pour ajouter à l'écho de ces nouvelles enquêtes est-elle regrettable ?). le nouveau titre se fait moins lyrique - quoique tout aussi beau - et plus ajusté à la situation française et aux constats des chercheurs qui ont participé à l'enquête : s'il y a des marginaux qui font du bruit et se voient de loin (SDF alcooliques, racailles hors-la-loi, chômeurs flemmards, handicapés inutiles, prostituées indécentes, migrants envahissants...), les clichés de l'adjectif additif donnent une vision restreinte des personnes touchées par la misère. Il existe quantités d'autres cas sociaux ignorés, des portions grandissantes de la population française - à commencer par les travailleurs pauvres et les sous pression (avec le chômage la vie se situe entre ces trois positions peu attractives...), les jeunes qui ne trouvent pas de vrai travail (les fameux moyens de de ne pas rémunérer le travail, voire même de faire payer le travail aux travailleurs ! - en rendant payant la formation ou le matériel nécessaires par exemple), les vieux qui ne devraient pas en avoir besoin, les homosexuels des quartiers (l'ouverture des moeurs est bien sûr géographiquement et sociologiquement très relative)... -, autant de caractères qui pourraient grossir les rangs des Misérables, méritant tout autant la défense lyrique d'un Victor Hugo, ou donc d'une armée de sociologues, pour dire que non ils ne sont que très partiellement responsables de leurs malheurs, que ce sont bien davantage les orientations politiques qui font qu'ils se retrouvent dans les failles de la société (autant de témoignages de parcours qui semblent autant d'Oedipe faisant tout pour échapper à un destin tragique inévitable). La solidarité nationale, constamment remise en cause et de plus en plus, devrait au contraire concerner bien plus de monde et être plus généreuse, pour compenser la destruction sociale, contrepartie inévitable de la croissance ultra-accélérée de certaines franges de plus en plus restreintes et de plus en plus bavardes de la société. Il serait peut-être temps de redéfinir le système économique afin qu'il favorise un développement plus harmonieux de la société plutôt que de se plaindre d'une redistribution dysfonctionnelle et trop coûteuse.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Gars du coin, entretien avec Nicolas Renahy, p. 186
Il existe une forme de crise de la masculinité. Elle s’ancre souvent dans le fait que d’avoir eu un père au chômage, ou de l’avoir vu « soumis » à l’usine du coin, pose, pour des jeunes garçons, problème dans l’image de l’homme. Mais cette domination sociale a des répercussions intimes douloureuses. Elle se manifeste chez beaucoup de jeunes hommes qui ont du mal à avoir du succès auprès des filles. Parce qu’ils espéraient mieux et que leur horizon s’est réduit ou parce qu’ils incarnent trop un mode ancien de conjugalité. Concrètement certains ne savent pas cuisiner, s’occuper de leur linge, et, comme me disait une des filles que j’ai rencontrées : « Mon mec, il a trente ans de retard… » Ceux-là demeurent enfermés dans des logiques de bandes, postadolescentes, parce que c’est rassurant. Au sein du petit groupe, parfois le même que celui du collège, on n’a pas de choses à prouver. Ceux-là intériorisent un manque de confiance terrible qui les annihile pour arriver à séduire.
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Une raison majeure de l’oubli de ces dernières dans la rhétorique et les propositions de la gauche de gouvernement réside dans le fait que les partis en charge de la gestion gouvernementale ont essentiellement de mauvaises nouvelles à apporter aux catégories les plus modestes de leur pays : précarisation de l’emploi, stagnation du pouvoir d’achat, augmentation de l’âge de départ à la retraire, avenir peu brillant promis aux jeunes générations, etc. Même des mesures qui s’offrent d’abord comme conquêtes sociales – la réduction hebdomadaire du temps de travail par exemple – trouvent leurs limites et des contreparties dures pour les plus défavorisés : flexibilité accrue, contrainte d’horaires irréguliers, stress aggravé.
Henri Rey, Des classes populaires (presque) invisibles, p. 557
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Que mange-t-on, alors, lorsqu'on vit avec un plus de 400 euros par mois, soit 100 euros par semaine? Comment nourrit-on sa famille?
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La construction lente du système de protection s’est constamment organisée autour de la tension entre les partisans d’une version libérale fondée sur la responsabilité individuelle et les tenants d’une conception de la solidarité fondée notamment sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, qui affirme dans son article 21 : « Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. » (Le Malaise du travail social, p. 604)
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