"La Légende de Titus Crow", c'est l'hommage rendu à Brian Lumley au légendaire H.P. Lovecraft mais pas que ^^
Qui est H.P. Lovecraft ?
Fin connaisseur des oeuvres d'Edgar Allan Poe dont il a toujours apprécié les côtés noirs et macabres, le Maître de Providence mêle horreur et science pour révolutionner le genre fantastique bien plus encore qu'en leur temps Mary Shelley et son "Frankenstein"… Il fait table rase de l'humanisme chrétien où l'homme a été placé au centre de l'univers par un Dieu à son image pour nous expliquer que face à l'immensité de l'espace et du temps l'homme n'est rien, et qu'au mieux il peut prendre conscience de son insignifiance et de la vacuité de son existence… Pire, l'infinité est peuplée de créatures antédiluviennes et de divinités blasphématoires pour qui les êtres humains ne sont que de minuscules mais horripilants insectes à écraser si besoin est…
Qui est Brian Lumley ?
L'auteur britannique est clairement à la jonction des érudits maudits et des chasseurs d'horreurs, des romans feuilletons faisant la part belle aux détectives de l'étrange et des séries télévisées faisant la part belle aux sociétés sécrètes luttant contre les forces des ténèbres (d'ailleurs ce cycle ouvre les portes menant à "Psychomech", toujours pas traduit en français bordel de merde, et à "Nécroscope"). Je suis presque persuadé qu'en modernisant les classiques il a pu ouvrir la voie à James Herbert, Graham Masterton et Clive Barker, les maîtres britanniques de l'horreur qui ont pesé de tout leur poids sur l'évolution du genre horrifique dans le monde (et oui, ce dernier ne se résume pas aux dernières marottes en date de Stephen King ^^)
L'auteur se régale à piocher dans les classiques du Maître de Providence, mais pas seulement, du coup on multiplie par le biais de cette bonne vieille narration indirecte les chouettes hommages : "Dagon", "Le Cauchemar d'Innsmouth", "L'Appel de Cthulhu", "L'Horreur de Dunwich", "Les Montagnes Hallucinées", "Dans l'abîme du temps", "Celui qui chuchotait dans les ténèbres", "Celui qui hantait les ténèbres" ou "La Quête onirique de Kadath l'inconnue"… Mais Titus Crow et Henry-Laurent de Marigny sont les héritiers de Sherlock Holmes et de John Watson, et notre paladin médium emprunte volontiers à Jules de Grandin, à Laban Shrewsbury, à Miro Hetzel, à Carnacki et surtout au Docteur Who : si le Mythe de Dracula a son van helsing, le Mythe du Cthulhu a son Titus Crow !
Brian Lumley rompt avec le nihilisme lovecraftien où l'homme est au mieux un insecte à la merci des d'horreurs sans nom venu du fond des âges ou du fond du cosmos en introduisant une bonne donne de manichéisme. S'inspirant tantôt de la titanomachie de la mythologie grecque, tantôt de la rébellion de Satan de la mythologie chrétienne, il oppose les Grands Anciens vaincus et emprisonnés aux quatre coins de l'espace et du temps aux Très Anciens qui les surveillent depuis leur Palais d'Orion. Son oeuvre divise, certain parlant de trahison d'autres de chouette continuation… Personnellement j'aime beaucoup, car les nouvelles de Lovecraft qui m'ont le plus plu c'est celles où au fond de la Boîte de Pandore on parvenait à entrevoir une lueur d'espoir... Et puis force est de constater qu'il a carrément déroulé le tapis rouge au gaming horrifique, tant toutes ses histoires sont facilement transposables en scénarii de jeux de rôle car l'homme peut rester acteur de son destin face aux Grands Anciens !
A attention, les tomes se suivent mais ne se ressemblent pas !
Tome 1 : "Ceux qui se terrent dans les tréfonds"
Un vrai bon roman fantastique qui fait très bien la transition entre les érudits maudits classiques et les chasseurs d'horreurs modernes !
https://www.babelio.com/livres/Lumley-Le-Reveil-de-Cthulhu/27967/critiques/1228374
Tome 2 : "La Transition de Titus Crow"
Si les hommages lovecraftiens sont toujours de la partie, on passe de l'horreur pure à proto-SF puisque perdu dans le cosmos à bord d'un TARDIS à la dérive Titus Crow est le personnage d'un chouette remake de la Machine à voyager dans le temps d'H.G. Wells ! ^^
https://www.babelio.com/livres/Lumley-La-Fureur-de-Cthulhu/27966/critiques/1231520
Tome 3 : "L'Horloge des songes"
Si les hommages lovecraftiens sont toujours de la partie, on passe de l'horreur pure à proto-Fantasy puisque missionné par Kthanid Henri de Marigny part avec cape et épée à la rescousse de Titus et Tiania poursuivis par le DCC et leurs séides dans les Contrées des Rêves de la Terre…
https://www.babelio.com/livres/Lumley-Les-Abominations-de-Cthulhu/27968/critiques/1259347
Tome 4 : "Le Démon du vent"
Cela commence par l'horreur pure et cela finit en fantasy pure, car l'histoire d'amour entre un télépathe texan et une aéromancienne inhumaine emprunte autant au "Elle" d'Henry Rider Haggard qu'aux "Habitants du Mirage" d'Abraham Merritt… Et en menant les réfugiés stellaires amérindiens à la bataille contre Ithaque et ses séides, Hank Silverhutte devient roi de ses propres mains !
https://www.babelio.com/livres/Lumley-Le-demon-du-vent/98795/critiques/1306036
Tome 5 : "Les Lunes de Borée"
Encore un retour aux sources de la SFFF puisqu'en suivant les aventures d'Henri de Marigny et d'Hank Silverhutte pour retrouver le TARDIS on passe de l'hommage à Edgar Rice Burroughs à l'hommage à R.E. Howard !
https://www.babelio.com/livres/Lumley-Les-Lunes-de-Boree/98692/critiques/1373063
Tome 6 : "Elysia" (qui avant cette intégrale n'avait pas été traduite en français et on se demandera bien pourquoi !)
3 années se sont écoulées depuis que le télépathe texan et le medium cajun de la Nouvelle-Orléans ont remporté la victoire sur les DCC sur les Lunes de Borée. Henri continue sa quête d'Elysia avec son TARDIS, et c'est sur une centaine de monde habités qu'on l'appelle désormais le Chercheur ! Mais la destinée n'en n'a pas fini avec lui car il un rôle extraordinaire à jouer dans les événements apocalyptiques qui s'annoncent… Car oui, les astres sont enfin propices et créatures et séides des DCC se préparent à célébrer la libération imminente de leurs Sombres Seigneurs, qui eux souhaitent en finir une bonne fois pour toutes avec ceux qui les mis en prison pour des éons !
Elysia est en état de siège : qu'ils soient magiciens, mathématiciens, sorciers ou savants, les plus grands esprits du multivers se rassemblent dans le monde forteresse des Dieux Très Anciens pour sauver ce qui peut encore l'être, et Kthanid le stratège divin qui voient les plans à l'intérieur des plans a peut-être calculé la solution à travers les millions d'avenirs possibles : quatre messagers s'envolent à bord de TARDIS pour semer des petits cailloux blancs aux quatre coins du continuum espace-temps… Un être énergétique, un homme-insecte, un homme-oiseau et Tiania la déesse elfique ont fait en sorte que le passé et le futur se rencontrent avant que les astres ne soient propices, et c'est bluffant de voir littérairement le puzzle se reconstituer quand les lignes temporelles finissent pas se croiser ! (et Brian Lumley pousse le vice à donner dans le crossover puisqu'interviennent les personnages de ses séries "Terre des rêves" et "Primal Lands" ^^)
C'est avec Henri le Chercheur et Moreen l'empathe universelle que nous remontons un Fil d'Ariane cosmique : au bord d'un trou noir ils sauvent un nuage de gaz intelligent des horribles Chiens de Tindalos, dans les Contrées du Rêve de la Terre ils combattent aux côtés de Kuranes, Zura la sulfureuse reine des zombie et Lathi la reine hybride des terhommes et des terfemmes, puis ils poursuivent leur chemin sur la route de briques jaunes en suivant les informations offertes par l'homme mécanique gardien du Musée de Rêves, d'un cousin d'Yggdrasil l'arbre de vie, d'un sorcier issu du lointain passé et d'un savant issu d'un lointain avenir (qui tous les deux relèvent du plus pur style de Roger Zelazny ^^)… Dans la Galaxie d'Andromède, c'est en associant les travaux de Merlin et Einstein qu'Henri parvient à ouvrir la porte vers Elysia, mais ce faisant il en indique aussi le chemin aux DCC : entre Armageddon et Ragnarök, les dieux blasphématoires, les créatures impies et les séides démoniaques déferlent ainsi sur le paradis et Henri est persuadé d'être le Judas ultime traître à toute vie quand Titus vient lui révéler la vérité…
Les astres étaient propices, mais pas forcément pour ceux que l'on pensait : Grands Anciens et Dieux Très Anciens s'affrontent à coup de bombes nucléaires cosmiques, de télépathie universelle et de paradoxes temporels et la nouvelle titanomachie s'achève par un ouroboros bluffant de perfection :
WHAOU c'est Cthulhu contre Doctor Who, et Brian Lumley entre ainsi dans le cercle très fermé des auteurs ayant été capables de transcender l'epicness to the max pour atteindre le nec plus ultra ! Oh Yeah !!! Ce n'est pas pour rien que Dan Abnett la machine à écrire anglaise s'est échiné à en faire une excellente transposition Heavy Metal pour l'univers Warhammer 40000, et que Russell T. Davies a largement pioché dans les aventures de Titus Crow pour réaliser les nouvelles aventures du "Doctor Who" (et dire pendant ce temps les commissaires culturels franco-français et les blasés d'en face habituels osent qualifier Brian Lumley de tâcheron sans imagination… On peut définitivement plus rien pour eux !)
Parmi toutes les horreurs contenues par la Boîte de Pandore lovecrafienne, il y avait aussi l'Espoir, et c'est en l'exploitant que Brian Lumley réussit l'impensable : utiliser le Mythe de Cthulhu pour transformer l'angoisse existentielle en curiosité universelle… L'homme n'a pas été créé par Dieu à son image et placé au centre de l'univers pour le dominer, car à l'échelle de l'univers il n'est qu'une fourmi insignifiante s'il n'est pas le résultat d'un accident cosmique… Mais la vie est plus forte que tout et peut prendre toutes les formes possibles et imaginables, et si l'Homme n'est pas seul dans l'univers ce qui l'environne ne lui est pas forcément hostile ! L'immensité reste à explorer : les cauchemars deviennent rêves, les démons deviennent merveilles, et le fatalisme devient espérance !!!
Le héros Titus Crow entre Sherlock Holmes, Doctor Who, van Helsing et Docteur Strange alterne science-fiction, fantastique et fantasy. Les romans sont très court et très rythmés, bien écrits, bien construits et bien traduits, hyper référencés mais assez simples d'accès : je ne peux que les conseiller à tous les amoureux des littératures des l'imaginaires d'autant plus qu'ils sont réunis dans un livre-objet réussi de la part des éditions Mnémos (mis à part la couverture de Nicolas Fructus que j'ai connu plus inspiré certes, mais surtout qui ne correspond pas vraiment voire aucunement au ton du contenu des romans).
Challenge Pavés 2016-2017
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De grands voyages pleins de péripéties à bord d'un étrange moyen de transport vers des contrées inconnues à la rencontre d'habitants pas toujours fréquentables. En partie lus dans les éditions "brillantes" des années '80
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- Ces pierres-étoiles des Anciens Dieux ! s’écria-t-elle avec passion. Je les déteste, je les abhorre… les ténèbres qu’elles jettent sur le Plateau et sur son peuple… et cependant elles sont un mal nécessaire.
- Elles sont un symbole de puissance bienveillante à l’intérieur du Plateau. Sans elles, tout aurait été perdu depuis longtemps.
- Un symbole bienveillant, oui, comme le crucifix sur la Terre mère. Ne vois-tu pas, Hank, que tous les grands symboles de la puissance sont horribles à leur manière ?
Sur le moment je n’y songeai guère, mais à présent que j’y réfléchi, je comprends ce qu’elle voulait dire. Naturellement, la croix est un symbole du bien, même si elle reproduit le plus terrible des instruments de torture. La croix gammée aussi était un symbole de vie, de chance et de pouvoir bénéfique avant qu’elle devienne celui de la mort. Quoi de plus innocent que les outils de la vie et du labeur quotidien… la faucille et le marteau ?
Je n'ai jamais été un grand rêveur moi-même, je n'ai jamais voyagé loin au-delà d'Ulthar ; mais j'ai regardé des caravanes passer le Skai à gué, et je suis resté assis dans le fumoir de l'Auberge des Mille Chats Endormis et j'ai écouté les récits de mes supérieurs. Comme tous les rêveurs, je suppose. Il est vrai que nous semblons devenir plus rares. Dans le temps, un homme du monde éveillé pouvait être certain, s'il descendait dans une auberge de la terre des rêves terrestres, de trouver un compagnon de voyage ou deux de la terre des mortels éveillés ; et les récits ne volaient-ils pas alors, denses et rapides ? Ah oui, certainement.
On entendait des noms magiques d'hommes et de lieux - des noms qui faisaient battre le cœur et pétiller l'imagination - et l'on s'enthousiasmait aux récits d'exploits héroïques et fantastiques. Quelqu'un mentionnait toujours Kuranes ou Randolph Carter..., ou Richard Upton Pickman. Et si l'on frémissait au sort supposé de ce dernier, on s'extasiait aussi sur les aventures des autres. Ah ! c'étaient les bon rêves...
[L'Horloge des songes]
"- Ah, Marigny, j'allais oublier... J'ai quelque chose pour toi, que tu dois emporter, dit-il en glissant une main sous ses coussins pour prendre une petite fiole à la forme étrange. C'est un breuvage très puissant distillé ici à Ulthar, dans ce temple même. Inconnu du monde éveillé et assez rare ici au pays du rêve, il a le pouvoir de réveiller les rêveurs du sommeil le plus profond. Une gorgée rendra le rêveur en quelques secondes au monde éveillé, lui et tous les êtres et les choses qu'il a amenés avec lui par les portes du songe. Pour les véritables habitants du rêve, cependant, le breuvage est un poison mortel ; car naturellement, il "éveille" ces habitants à un monde dans lequel ils n'existent pas ! Il est évident qu'ils doivent alors simplement... disparaître.
[L'Horloge des songes]
"- Les Fragments, dit-il, donnaient l'emplacement d'une cité dont le nom, G'harne, n'est connu que dans la légende et qui a été mise dans le passé sur le même plan que l'Atlantide, Mu et R'lyeh. Un mythe et rien de plus. Mais si l'on enracine une légende dans un site concret, et si ce site fournit des souvenirs du passé, des reliques d'une civilisation disparue depuis des millénaires, alors la légende devient de l'Histoire. Tu serais surpris d'apprendre le nombre de chapitres de l'histoire du monde qui ont pu s'écrire de cette façon."
[Ceux qui se terrent dans les tréfonds]
Mais les songes ne sont pas tous agréables, et les contrées du rêve connaissent aussi leur part de cauchemar.