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EAN : 9782253129776
224 pages
Le Livre de Poche (19/05/2010)
3.96/5   26 notes
Résumé :
Ce recueil de 26 textes, nouvelles, chroniques de la Russie des années 1920 -à 80 % inédits- , plonge le lecteur dans l'ambiance du communisme de guerre et de la NEP (nouvelle économie politique). L'auteur brosse une galerie de portraits (Nepman, ouvriers, paysans et gens du peuple) qui illustre la société soviétique de cette époque.



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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
« La locomotive ivre » rassemble 26 chroniques et nouvelles publiées par Mikhaïl Boulgakov dans les années 20. Chose surprenante, l'éditeur ne précise jamais la date et le lieu de publication de ces textes. Je suppose que les chroniques se déroulant dans le milieu du chemin de fer ont été diffusées par la revue «Goudok », équivalent de « la Vie du rail »,où Boulgakov a longtemps assuré un travail de rédacteur. Pour les autres, je n'en ai aucune idée… Je serais pourtant curieux de savoir où ont bien pu être publiés les textes les plus corrosifs, lorsque l'auteur relate ses démêlés avec la police politique lors de son exil à Vladikavkaz, en pleine guerre civile, ou lorsqu'il raconte l'incendie d'un immeuble de Moscou habité autrefois par l'élite, population remplacée après la Révolution par une plèbe bruyante et irrespectueuse (le thème du feu est important dans son oeuvre).
De nombreux récits abordent les questions du logement et de l'alcoolisme. Boulgakov parle souvent des difficultés de trouver une chambre à Moscou dans ses livres, notamment dans « Coeur de chien » et « le Maître et Marguerite ». Une préoccupation que l'on comprend d'autant mieux qu'il revient sur ses difficultés personnelles à se loger lors de son arrivée dans la capitale en 1921. le sujet est souvent traité de manière satirique comme dans ce récit où des Moscovites emménagent dans des wagons de tramway, l'idée est si bonne, que de nombreuses familles et même les administrations suivent leur exemple. Quand on loge entassés dans des « boîtes en carton », de nouvelles difficultés apparaissent, celles de la cohabitation et de la promiscuité, d'autant plus que la consommation d'alcool frelaté excite les tempéraments. Et là, c'est un thème inédit qui apparaît chez Boulgakov dans des tournures plus réalistes. Il aborde les ravages de l'alcoolisme dans le cercle familial, avec notamment les violences conjugales, mais aussi sur le lieu de travail. « La locomotive ivre » c'est le récit d'une noce où les employés des chemins de fers, mais également les machines, sont assommés par l'alcool, créant des situations extrêmement dangereuses. Boulgakov évacue par la satire les solutions de facilité proposées par les syndicats et la tolérance des responsables devant l'ivrognerie.
Boulgakov traite les difficultés dans les relations de travail avec son ironie mordante en narrant des faits rapportés par les lecteurs. Il revient aussi sur les réunions syndicales ou politiques où un public raille le verbiage intellectuel de l'orateur.
D'autres billets ont un touche plus autobiographique. J'ai évoqué plus haut les passages sur son exil dans le Caucase ou sur son arrivée à Moscou. Plus surprenant, il évoque son entrevue avec Nadejda Kroupskaïa, l'épouse de Lénine pour lui réclamer…un logement. La rencontre est probable quand on sait que Boulgakov a travaillé au sein du journal dirigé par Kroupskaïa. Journaliste le jour, écrivain la nuit, il aborde également ses problèmes d'inspiration.
A mes yeux, une nouvelle sort du lot. Boulgakov revient sur quatre étapes de sa vie depuis son arrivée à Moscou, chaque étape se déroulant dans un lieu différent offrant un panorama dégagé sur la capitale.

A quelques exceptions près, le lecteur de « La locomotive ivre » découvre le «Boulgakov rédacteur » plus que le « Boulgakov littérateur ». le recueil doit être lu après les autres travaux de l'auteur pour obtenir un éclairage sur une période la vie de Boulgakov qui, dans les années 20, souhaitait se lancer dans la littérature mais qui, freiné par les événements tragiques de l'époque et la censure, vivotait en plaçant des piges dans différentes publications. le début du « Roman théâtral » revient sur cette période difficile pour l'auteur. Si l'intérêt du recueil est moindre au regard de l'oeuvre de Boulgakov, la qualité est bien présente : les textes sont courts, riches d'ironie et de satire, il se lisent facilement et offre un aperçu sur les premières années de la République socialiste fédérative soviétique de Russie.
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Mettez en arrière-fond du Chostakovitch, compositeur soviétique contemporain de Boulgakov, et laissez-vous envoûter...


L'esprit espiègle, railleur et guilleret de ce pot-pourri folklorique de courts récits tranche éloquemment avec la réalité souvent peu reluisante de la vie soviétique qu'ils décrivent, même si l'on est encore à dix mille bornes des grincements sinistres des barbelés du goulag stalinien.


Lorsqu'il s'agit d'écrire une réalité sociale, historique, économique, etc. qui est en elle-même sombre (guerres, dictatures, systèmes totalitaires, crises économiques...), l'écrivain a deux choix: celui du recul qu'introduit un recours immodéré à la plume alerte et légère de la satire, ou celui de retranscrire cette réalité telle qu'elle est, y compris dans ce qu'elle a de plus affreuse.


Boulgakov a choisi à l'évidence la première option. Il est vrai que la Russie soviétique des années 20 demeure encore suffisamment tolérante, même s'il s'agit déjà d'une dictature, pour admettre une certaine insolence, que favorise un climat d'optimisme croissant au fur et à mesure que s'éloignent les années de terreur de la guerre civile russe. L'ancien médecin monté à Moscou fut à l'évidence contaminé par cette atmosphère.


On surprend même Boulgakov le Blanc, le tsariste contre-révolutionnaire, auteur d'un premier roman dont le titre est à lui seul un programme, la Garde Blanche (et qu'il a eu le culot de publier en 1925, la censure l'ayant laissé passer malgré ses réserves), écrire une nouvelle dépeignant en termes très élogieux la femme de Lénine, Nadejda Konstantinovna Kroupskaïa...La dernière phrase de ce récit est quand même, excusez du peu: "Nadejda Konstantinovna, je vous remercie" (sic!)


Il faut se pincer pour y croire, et pourtant je vous assure que pour une fois, le narrateur, derrière lequel Boulgakov n'est jamais très loin, était sincère et s'exprimait sans l'ombre d'une intention railleuse. Il faut dire qu'elle était très humaine pour une bolchevik, tentant même de protéger des victimes des Grandes Purges, à tel point que Staline la détestait à cause de cela et l'a peut-être même fait empoisonner, en 1938...


Les autres bolcheviks dépeints dans cette nouvelle apparaissent plus stupides que réellement dangereux. Point n'est question ici de purges, d'arrestations nocturnes et de délations...Il y est en revanche question d'orateurs communistes qui s'expriment en des termes incompréhensibles pour ces mêmes prolétaires qu'ils prétendent défendre (quel ouvrier russe moyen aurait pu comprendre les allusions à la Révolution française faits par ce camarade du Parti?)


On assiste aussi à la naissance d'un écrivain: par rapport aux Récits d'un jeune médecin, d'où tout fantastique était absent et qui demeuraient très autobiographiques, Boulgakov accorde désormais une place accrue à cet imaginaire fantastique qui progressivement deviendra la marque incontournable de son écriture (certaines nouvelles sont de manière évidente des déformations satiriques voire fantastiques de la réalité...).


Un ensemble révélateur d'une symbiose heureuse entre la vie d'un écrivain et la réalité de son temps.
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Drolatique et tragique, à base de micro récits et petites nouvelles, les tracas de la vie quotidienne en URSS dans les années 20, et l'oeil malicieux de Boulgakov pour une narration savoureuse des misères du peuple russe. Ça m'a donné envie de relire le Maître et Marguerite, que j'avais adoré et que j'ai complètement oublié, à part l'humour de Boulgakov
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Boulgakov arrive çà Moscou sans le sou et nous souffre des nouvelles retraçant quelque peu sa trajectoire et l'état d'esprit, le système dans la Russie communiste des années 20.
A u menu lourdeur bureaucratique, ironie mordante et absurdité à bien des étages.
Intéressant, plein d'esprit mais très inégal.
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Entrez dans le Moscou des années 20. Boulgakov avec son rythme, sa fantaisie, son oeil parfait nous entraîne d'immeubles, en places, de gares en réunions politiques. Ce monde bousculé, pris dans la tempête d'un communisme de guerre et de la NEP a le visage d'un peuple qui garde en son coeur son âme russe.
Moscou ivre d'un destin qui lui échappe.
A lire sans aucune modération.

Astrid SHRIQUI GARAIN
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
- Camarades, c'est justement à propos de Mikoula que j’ai l'intention de vous entretenir.
- C'est bien ! Démolis-le, cet alcoolique!
- D'abord, une question s'impose à nous le dit Mikoula, est-il vraiment ivre?
- Oh là là là là là ! Vociféra la masse.
- Bon, d’accord, il est ivre, transigea le président. Chers camarades, il n'y a aucun doute. Mais là, surgit Une question d'une grande importance sociale: pourquoi et en vertu de quelles circonstances, Mikoula ce membre éminent de l'Union, est-il ivre?
- Aujourd'hui, c'est sa fête! répondit la masse.
- Non, gentils citoyens, cela n'a rien à voir. La racine du mal se situe beaucoup plus profond. Notre Mikoula est ivre parce qu'il ... est malade.
La masse fut pétrifiée en statue de sel.
Tout cramoisi, Mikoula tenta d'ouvrir un œil totalement inexpressif pour fixer le représentant avec horreur.
- Hé oui, aimablissimes citoyens, l'alcoolisme n'est rien d'autre qu'une maladie sociale à l'instar de la tuberculose, de la syphilis, de la peste, du choléra, etc. Avant de nous pencher sur le cas Mikoula, réfléchissons donc à l’alcoolisme et ses racines. .. Jadis, chers camarades, l'ancien grand-duc Wladimir, surnommé « Beau Soleil » à cause de son penchant pour les spiritueux, s'est exclamé: « La gaieté est dans la boisson !)
- Là, il a tapé fort !
- Plus fort serait difficile. Nos historiens ont évalué les paroles de l'inoubliable grand-duc à leur juste valeur et se mirent à boire modérément tout en déclarant: « Ivre, mais sage, deux bienfaits en gage. »
- Et le duc, qu'est-il devenu? Interrogea la masse visiblement intéressée par le discours du secrétaire.
- Il est mort, mes petits pigeons. À cause de la vodka, il s'est éteint en un clin d’œil, expliqua, compatissant, le secrétaire omniscient.
- Que Dieu le garde en son paradis ! Piaula une petite vieille. Même s'il a été soviétsique, ça l'empêche pas d'être un saint.
- Hé, tantine, ne pollue pas la réunion avec cet opium de la religion, pria le secrétaire. Ici, pas de royaume céleste. Donc, je continue, camarades. Et après ça, dans la société bourgeoise, tout un chacun sans oublier nourrissons et orphelins -, tous sans exception burent durant neuf cents ans. En son temps, Tourgueniev, le célèbre écrivain de l'époque bourgeoise, s'est exclamé: « Bois, mais comprends ce que dois! ») Par la suite, de nombreux proverbes à la défense de l'alcoolisme sont apparus comme, par exemple: « L'homme ivre n'a peur de rien » « Ce que pense le sobre, l'ivrogne le dit! »; « Ce n'est pas le vin mais le temps qui enivre l’homme) et ainsi de suite. N’est-ce pas vrai?
- « Le thé n'est pas de la vodka, impossible d'en boire beaucoup », compléta la masse passionnée par le sujet.
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Un homme solitaire, assis, s’ennuyait dans le local de la cellule communiste de la station X.
— C’est extrêmement bizarre. La réunion a été fixée à cinq heures et il est déjà huit et demie, les petits gars semblent être en retard.
La porte en laissa entrer un autre.
— Bojour Pétia, dit le nouveau venu, tu reflètes le quorum ? Reflète donc. Vote, Pétro !
— je n’y comprends rien, répliqua le premier. Bankine n’est pas là, Kroujkine non plus.
— Bankine ne viendra pas.
— Pourquoi ?
— Il est saoul.
— Pas possible !
— Kroujkine ne viendra pas non plus.
— Pourquoi ?
— Il est saoul.
— Bon, mais où sont les autres ?
Le silence tomba. Celui qui venait d’entrer donna une pichenette à sa cravate.
— Est-ce possible ?
— Je ne veux pas te cacher l’amere réalité russe, expliqua le second, ils sont tous saouls ! Et Gorochkov, et Sosiskine, et Mouskat, et Kornéevski, et le candidat Gorchanenko. Allez Petia, lève la séance !
Ils éteignirent la lampe et sortirent dans le noir.
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Un homme solitaire, assis, s’ennuyait dans le local de la cellule communiste de la station X.
— C’est extrêmement bizarre. La réunion a été fixée à cinq heures et il est déjà huit et demie, les petits gars semblent être en retard.
La porte en laissa entrer un autre.
— Bojour Pétia, dit le nouveau venu, tu reflètes le quorum ? Reflète donc. Vote, Pétro !
— je n’y comprends rien, répliqua le premier. Bankine n’est pas là, Kroujkine non plus.
— Bankine ne viendra pas.
— Pourquoi ?
— Il est saoul.
— Pas possible !
— Kroujkine ne viendra pas non plus.
— Pourquoi ?
— Il est saoul.
— Bon, mais où sont les autres ?
Le silence tomba. Celui qui venait d’entrer donna une pichenette à sa cravate.
— Est-ce possible ?
— Je ne veux pas te cacher l’amere réalité russe, expliqua le second, ils sont tous saouls ! Et Gorochkov, et Sosiskine, et Mouskat, et Kornéevski, et le candidat Gorchanenko. Allez Petia, lève la séance !
Ils éteignirent la lampe et sortirent dans le noir.
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L'impôt sur le revenu. Un bonhomme a été imposé de dix milliards à régler le 10 du mois au plus tard, avant seize heures.
Le 9 au matin, il apporta l'argent sans protester ni déposer de réclamation et paya sans mot dire.
"-Nous l'avons pas imposé assez!" Réfléchit l'inspecteur du fisc.
Et il lui signifia une imposition supplémentaire de cent milliards. Date limite: le 15 du mois, avant seize heures.
Le 14, à 10 heures du matin, le type apporta l'argent.
"-Oh là là!" s'écria l'inspecteur.
Alors, on l'imposa d'un trillon. Pour le 20 du mois, à seize heures.
Le 20, à seize heures, le bonhomme apporta une presse sur un gros diable;
"-Voilà, imprimez-les vous-mêmes", proposa t-il, l'air dépassé.
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Mettons-nous d’accord une bonne fois : le logement est la pierre angulaire de la vie humaine. Prenons pour axiome que l’être humain ne peut exister sans logement. À présent, pour étayer cette affirmation, je l’annonce à tous les habitants de Berlin, Paris, Londres et d’ailleurs : il n’y a pas d’appartements à Moscou.
Mais alors comment y vit-on ?
Et bien, on vit comme ça.
Sans appartements.
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Vidéo de Mikhaïl Boulgakov
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Que faire quand on n'est plus libre de s'exprimer ? Quand des chefs politiques, tout en se déchirant pour le pouvoir, embrigadent, surveillent, intimident, déportent ou exécutent qui bon leur semble ? Réponse dans un roman sublime, un monument de la littérature russe.
« le Maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov, dans une nouvelle traduction d'André Marcowicz et Françoise Morvan, c'est aux éditions Inculte.
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