La balade silencieuse de Jackson C. Frank est un livre que j'aurai aimé apprécié. J'aurai aimé apprécié ce livre parce qu'il évoque Jackson C. Frank, parce que c'est le premier livre en langue française à l'évoquer et parce qu'il y a au final peu de livres (quelle que soit la langue) qui l'évoque. Pour autant, ma ballade en compagnie de
Thomas Giraud s'est rapidement arrêtée.
Lui qui a côtoyé Paul Simon, lui dont les fans se transmettent les standards de folk loin des sirènes du marketing et des tambours de la hype, lui qui voulait rivaliser avec
Bob Dylan (au moins, Jackson C. Frank était dans l'originalité) pourrait être résumé par la formule « Sa vie, son oeuvre » ou mieux « Sa vie, son unique oeuvre ».
Comme d'autres artistes, Jackson C. Frank est en effet l'auteur, compositeur et interprète d'un unique et fabuleux album (de folk en l'occurence). Pour le reste sa vie est un océan de tristesse. À l'âge de 11 ans, Jackson C. Frank est hospitalisé suite à un incendie dans sa classe de musique qui fera une quinzaine de morts et le laissera invalide et traumatisé à vie. Lors de sa convalescence, son professeur de musique lui apporte une guitare acoustique pour s'occuper. À 22 ans, Jackson C. Frank publie son unique album éponyme avec des titres comme « Blues run the game » :
« Catch a boat to England, baby
Maybe to Spain
Wherever I have gone
Wherever I've been and gone
Wherever I have gone
The blues are all the same
Send out for whisky, baby
Send out for gin
Me and room service, honey
Me and room service, babe
Me and room service
Well, we're living a life of sin
When I'm not drinking, baby
You are on my mind
When I'm not sleeping, honey
When I ain't sleeping, mama
When I'm not sleeping
You know you'll find me crying
Try another city, baby
Another town
Wherever I have gone
Wherever I've been and gone
Wherever I have gone
The blues come following down «
ou « My name is carnival » :
« I've seen your face in every place that I'll be goin'
I read your words like black hungry birds read every sowin'
Rise and fall, spin and call, and my name is Carnival
Sad music in the night sings a scream of light out of chorus
And voices you might hear appear and disappear in the forest
Short and tall throw the ball, and my name is Carnival
Strings of yellow tears drip from black-wired fears in the meadow
And their white halos spin with an anger that is thin and turns to sorrow
King of all, hear me call, hear my name: Carnival
Here there is no law but the arcade's penny claw, hanging empty
The painted laughing smile and the turning of the style do not envy
And the small can steal the ball, to touch the face of Carnival
The fat woman frowns at screaming frightened clowns that move enchanted
And the shadow lie and waits outside your iron gates with one wish granted
Colors fall, throw the ball, play the game of Carnival
Without a thought of size, you come to hypnotize the danger
The world that comes apart has no single heart when life is stranger
Wheel and call, clawed dreams all, in the name of Carnival
Wheel and call, clawed dreams all, in my name of Carnival »
Jackson C. Frank n'arrivera jamais à publier un deuxième album et le reste de sa vie sera faite d'errance, d'échecs, de déconvenues - entre autres péripéties, il sera victime collatérale d'un tir de pistolet dans un asile dans lequel il perdra un oeil, son fils mourra prématurément d'une fibrose kystique, …
Un fan, Jim Abbott, le découvrira dans les années 1960 alors que Jackson C. Frank vit une vie de vagabond, lui trouvera un logement, lui obtiendra des droits d'auteur pour son album et l'aidera pour le reste de sa vie - elle s'arrêtera définitivement avec l'arrêt de son coeur en 1999.
Dans La balade silencieuse de Jackson C. Frank,
Thomas Giraud retrace quelques éléments de la vie de l'artiste - ce n'est pas une biographie - dans une écriture qui a tendance à se regarder ou s'écouter et assez loin de la poésie des textes de Jackson C. Frank. Au surplus,
Thomas Giraud a trop tendance à faire de l'incendie initial (et, dans une moindre mesure, la maladie mentale de Jackson C. Frank) dont Jackson C. Frank a été victime la cause principale de son incapacité à ne pas être l'homme d'une seule oeuvre.
Pour le même prix et le même temps de lecture, celle du livre - davantage biographique que le livre de
Thomas Giraud - de Jim Abbott, Jackson C. Frank: The Clear, Hard Light of Genius, est nettement plus intéressante et plus près de la vie de Jackson C. Frank ; le mieux reste évidemment et largement d'acquérir le superbe album de Jackson C. Frank et d'en écouter la poésie.