Qui se souvient aujourd'hui que de 1946 à 1967, la Sécurité sociale était gérée par les travailleur·euses eux-mêmes ? Mis à part certains milieux militants, il faut reconnaître que cette idée apparaît au reste de la société, comme une utopie plutôt qu'un événement crucial de la mémoire ouvrière.
Nicolas Da Silva l'affirme lui-même : «
la bataille de la Sécu est aujourd'hui une bataille pour la connaissance de l'histoire». C'est dans ce sens, qu'il a rédigé cet essai historique brillant et riche d'informations sur l'évolution du système de santé français, de la Révolution de 1789 à la pandémie de Covid19, en passant bien évidemment par l'expérimentation de la Sociale.
L'auteur rappelle qu'il existe deux formes historiques de protection sociale en France : celle de la Sociale (accès aux soins universel, extension de la production publique de soins, contrôle par les professionnel·les de la santé de leur outil de travail, politiques de santé définies par les citoyen·nes), et celle défendue par l'État Social (protection sociale orientée principalement pour les plus malades et les plus pauvres, maîtrise de la production publique de soins, contrôle et définition du travail du personnel soignant, organise la solvabilisation du capital).
A partir de 1946, date du début de l'expérimentation de la Sociale, l'État mènera une lutte acharnée pour laminer le pouvoir ouvrier et reprendre le contrôle de la Sécurité Sociale. Si la nationalisation de la Sécu survient en 1967, la mainmise de l'État sera totale en 1996 avec l'adoption du plan de réforme d'
Alain Juppé qui acte la dépossession des travailleur·euses de leur régime général. Ayant ainsi les mains libres, l'État social favorisera l'expansion du capital dans le système de soin entraînant un appauvrissement du secteur public au profit du privé.
Le problème analyse
Nicolas Da Silva, c'est qu'à droite comme à gauche, «dans le débat public et militant, le seul horizon souhaitable de la protection sociale publique est celui de l'État social» alors même qu'il solvabilise l'existence du capital. Aujourd'hui, le mouvement social en est à réclamer des miettes pour une augmentation de salaire, où demander des augmentations de budget pour tel ou tel autre service public. Mais sans la conquête du pouvoir par les travailleu·euses, ces revendications resteront vaines. Il est donc urgent de réveiller la lutte anticapitaliste et antiétatique «pour embrasser de nouveau l'idéal de la Sociale», et cet essai de
Nicolas Da Silva en est un premier jalon.