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EAN : 9782352874591
360 pages
Archipoche (15/05/2013)
3.69/5   56 notes
Résumé :
Anna Estcourt, vingt-cinq ans, emménage dans une petite propriété du Nord de l'Allemagne dont elle hérite à la mort de son oncle. Jolie, intelligente mais sans fortune, elle a grandi jusque-là avec son frère, sous la coupe de la femme de celui-ci, Susie.
Désormais en possession d'un revenu confortable, elle contrevient aux convenances de l'époque en ne se mariant pas, afin de conserver son indépendance. Mieux, elle propose généreusement un toit aux dames en d... >Voir plus
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Miss Anna Estcourt est une jeune anglaise qui vit en parente pauvre chez son frère et sa riche belle-soeur. Elle a déjà vingt-cinq ans et un chagrin d'amour sur le coeur. Elle sent de plus qu'elle ne renoncera pas à son indépendance pour la domination d'un mari et elle ne croit plus vraiment en l'amour, chat échaudé craint l'eau froide.

C'est pourquoi, alors que son destin prend un virage à 180° quand son oncle allemand meurt en lui léguant une confortable rente et un domaine, décide-t-elle de quitter l'Angleterre pour s'installer sur le continent, malgré son allemand balbutiant. Elle découvre une autre culture, d'autres us, d'autres traditions et elle a une brusque révélation : il lui faut redonner tout son éclat au manoir qui est désormais sien pour y accueillir une douzaine de "dames de bonne famille ayant été éprouvées par la vie et n'ayant pas de foyer". Commence alors une aventure avant-gardiste qui est loin de faire l'unanimité dans son entourage. Régisseur, pasteur, domestiques, femme de charges, gentlemen-farmers du voisinage, et... les pensionnaires elles-mêmes !

Je ne connaissais pas l'oeuvre d'Elizabeth von Arnim mais elle piquait ma curiosité depuis un moment, au même titre que toutes les femmes de lettres du XIXème siècle. La plume est belle, conforme à l'académisme de l'époque. La structure du roman n'est pas sans rappeler les soeurs Brontë ou encore Thomas Hardy. Mais, surtout, ce qui est remarquable avec "La bienfaitrice" publié en 1901 en feuilleton, c'est la modernité du sujet.

A cette époque - pas si lointaine -, une jeune femme de vingt-cinq ans sans fortune et qui n'est pas mariée est pour ainsi dire mise au banc de la société mondaine, et catégorisée parmi les vieilles filles. Or, l'auteure se propose de faire d'Anna une figure indépendante, qui agit avec décision et autonomie, recherchant la compagnie des femmes, non celle des hommes. Certes, pas dans un but charnel mais pour secourir celles qu'elle nomme ses "soeurs" car elle voit en elles la détresse à laquelle elle a échappé en héritant ; en les sauvant, c'est elle-même qu'elle sauve par procuration. de même, bien qu'elle soit dotée de beaucoup de dons dont la beauté, Anna Estcourt n'est pas une âme romantique qui s'amourache du premier venu. Par bien des aspects, elle m'a rappelée Bathsheba Everdene, l'inoubliable héroïne de "Loin de la foule déchaînée". J'ai vraiment aimé cette héroïne.

L'idée de créer une communauté laïque offrant refuge et asile à la façon phalanstère avec l'espoir de construire un cadre de vie harmonieux témoigne à mon sens d'une évolution des mentalités en cette Belle-Epoque charnière pour la condition des femmes. Alors, même si Elizabeth von Arnim n'était pas une suffragette, j'ai apprécié cet angle narratif, d'autant plus que le roman a été écrit alors que son mari et elle venaient de s'établir en Poméranie - où se déroule "La bienfaitrice" - au domaine familial. J'ai goûté cette note d'inspiration autobiographique dans le contexte.


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Encore un petit bijou !

Elizabeth von Arnim est une romancière qui m'intriguait depuis un bon moment déjà, je n'avais donc plus qu'une seule chose à faire : lire l'un de ses livres ! J'ai choisi La Bienfaitrice, car l'histoire m'a tout de suite plu : celle d'une jeune femme âgée de vingt-cinq ans, Anna Estcourt, vivant chez son frère Peter et sa belle-soeur Susie à Londres. Une vie d'indépendance lui manque donc. Cependant, quelques temps après, elle apprend que son oncle Joachim - qui avait perçu le caractère de la jeune femme - lui a laissé en héritage une belle propriété en Allemagne. L'avenir devient soudain plus prometteur…Anna décide alors de consacrer son temps et sa propriété à douze femmes issues d'un milieu aisé, mais ayant connu un évènementterrible (comme la mort d'un proche, l'endettement, la solitude) les empêchant de vivre une vie heureuse. Malheureusement, lorsque le projet semble enfin se réaliser, Anna découvre que ce qu'elle avait prévu était utopique, et devra affronter bien des difficultés avant de connaître le vrai bonheur…

Les personnages m'ont vraiment ravie, à commencer par Anna : en effet, indépendante d'esprit, celle-ci incarne la modernité en décidant de ne jamais se marier afin de faire ses propres choix sans une autorité pour la guider. A travers le personnage d'Anna, on devine Elizabeth von Arnim elle-même, l'une des rares femmes émancipées de son époque. Par ailleurs, je suis tombée sous le charme d'Axel von Lohm, le voisin d'Anna, un jeune homme terriblement attachant, qui, par amitié pour l'oncle Joachim, protège Anna, et finira par en tomber amoureux. C'est le seul personnage masculin qui m'a touchée dans ce roman ! Pour finir, Letty, la Princesse et les Manske m'ont aussi plu. Au contraire, d'autres personnages ont déclenché mon antipathie, tant par leur égoïsme que par leur avarice, comme Susie, Frau von Treumann, la Baronne ou les Dellwig.

J'ai donc eu un coup de coeur pour La Bienfaitrice, car la plume de l'auteure, magique, a su me toucher et m'a également permis de m'interroger sur des thèmes « phares » de l'existence, comme l'argent ou le bonheur.

A lire !
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Bien que fort jolie, Anna n'a guère l'insouciance habituelle de son âge pour profiter de la vie. La fortune familiale n'est qu'un vague souvenir, ne demeure que le nom, témoin unique de sa bonne naissance. Elle vit chez son frère, à ses dépens, enfin plus précisément aux dépens de sa belle-soeur Susie qui détient la fortune du ménage.
Anna songe à son indépendance, sa belle-soeur lui serinant amèrement le fait qu'elle lui soit redevable pour tout. Plutôt qu'aspirer au mariage, contrecarrant ainsi tous les efforts concédés par Susie pour lui trouver un bon parti, elle préfèrerait gagner son indépendance en balayant les rues ! Susie appuie avec toute la franchise qui la caractérise sur le coût de ses démarches pour attirer les prétendants. le problème majeur reste qu'elles sont loin d'avoir la même vision du bonheur, Susie se ralliant à celle de l'époque qui veut que toute femme, c'est-à-dire un être faible, doit trouver appui sur un mari et se complaire dans les travaux ménagers du foyer.
Eh bien, ce n'est pas du tout le sens qu'Anna veut donner à son existence !
Et voilà qu'une merveilleuse lettre vient changer le cours des choses avec l'héritage inespéré d'un domaine en Allemagne. Débordante de bonheur, enfin détentrice d'un revenu, Anna désire le partager avec d'autres femmes de bonne naissance mais malheureuses et complètement désargentées en leur offrant un asile et un avenir heureux.

Cette première découverte d'Elizabeth von Arnim m'a enchantée.
Tout d'abord le cadre, dans ses belles descriptions explicites, m'a tout de suite attirée. Une bâtisse dans un écrin forestier propice au bonheur, comme le pressent Anna. L'intérieur y est pourtant miteux avec une décoration hideuse. Mais Anna aime cette maison perdue, nichée entre le rivage de la mer baltique et cette forêt de pins qui l'apaise. Rien ne peut ternir sa fierté ni n'entamer la magie d'être propriétaire.

L'originalité de son projet fou est charmante même si l'on se doute bien qu'apporter lumière et bonheur à des femmes inconnues mais scrupuleusement sélectionnées ne va pas couler de source. L'élan et la naïveté de cette jeune anglaise de vingt-cinq ans n'avaient point pris en compte la nature humaine. Être de bonne famille n'exclut pas la perfidie, l'hypocrisie, la mesquinerie et le mensonge. Cette entreprise philanthropique plutôt hasardeuse va rapidement ouvrir les yeux de notre héroïne et lui faire reconsidérer sa définition du bonheur.

J'ai particulièrement apprécié l'humour de l'auteure, si naturellement présent, et bien sûr son ironie très subtile mais qui ne dénonce pas moins la considération des femmes à cette époque. Que ce soit en Angleterre ou en Allemagne, leur infériorité est rappelée de différentes façons tout au long du roman. On détestera alors le régisseur du domaine qui, derrière son obséquiosité, cache des intentions conquérantes au niveau de l'exploitation tout en signifiant odieusement : ce n'est qu'une femme « née pour aider et pour servir ».
Bien d'autres personnages de ce roman sont irrésistiblement détestables et heureusement qu'un brave pasteur, dithyrambique et candide, ainsi que le séduisant propriétaire voisin sauvent un peu cette galerie humaine.

Mené avec mordant, délicieusement écrit, ce roman exploite la question du mariage au beau milieu d'une époque où il est bien difficile de passer au delà des considérations sociales bien ancrées. Ce refus de la dépendance, chose excessivement triste et déprimante selon Anna, est loin d'être accepté comme un élan de modernité en ce début de XXe siècle.
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L'avantage des opérations Masse Critique proposées régulièrement pas Babelio est de se retrouver nez à nez avec des ouvrages dont on ne soupçonnait absolument pas l'existence. Avant de voir La Bienfaitrice dans la liste, je n'avais jamais entendu parler de ce titre ni même de son auteure, Elizabeth von Arnim. Un coup d'oeil au résumé et à la date de publication (1902) et il me semblait évident que ce livre était pour moi.
Je ne regrette pas ce choix qui, en plus de m'avoir fait passer un excellent moment de lecture, me donne très envie de fouiller un peu plus dans la vie - extraordinaire - de cette Elizabeth von Arnim et de me pencher un peu plus sur ses oeuvres, dont certaines semblent assez biographiques. Merci donc à Babelio et à Archipoche pour cette découverte qui sonne, je pense, le début d'une nouvelle « obsession » littéraire.

Après lecture de la préface qui revient en quelques pages sur la biographie de l'auteure, j'ai compris que cette Mary Annette Beauchamp dite May (qui finit par épouser le comte allemand Von Arnim à plus de 25 ans et prend le nom de plume d'Elizabeth) avait eu une vie assez passionnante et scandaleuse pour l'époque (elle a notamment été la maîtresse du célèbre H. G. Wells). A l'instar de notre Colette française (qui vécut quelques années plus tard), May semblait être une femme de tête, bien décidé à briser les conventions sociales de son époque et qui, pourtant, tomba sous le joug d'un mari brutal et dominateur.
C'est typiquement le genre de vies qui me parlent et qui, à mon sens, permettent à ses auteures femmes, d'imprégner leurs oeuvres de réflexions et émotions fortes et passionnantes. Attention, d'autres auteures femmes n'ont pas eu besoin de ça pour briller : Jane Austen et les soeurs Brontë ont eu des vies de recluses (ou presque) et ont tout de même réussi à écrire des oeuvres intenses et inoubliables !
Mais, en découvrant, dans la préface, qu'Elizabeth von Arnim avait eu une telle vie et surtout l'habitude d'insérer quelques éléments autobiographiques dans ses oeuvres… j'étais convaincue par ce texte avant de le parcourir !

Avec le thème de l'indépendance féminine à la fin du XIXe siècle et au tournant du XXe pour fil rouge, La Bienfaitrice offre des portraits de personnages savoureux et une ironie qui n'a rien à envier aux romans de Jane Austen. La psychologie des personnages, leur évolution (ou non) durant ces 400 pages… voilà bien ce que je retiens le plus de ma lecture. Elizabeth von Arnim possède ce talent rare et envié de nous brosser, en quelques phrases, les caractéristiques des figures qu'elle met en scène. C'est certes parfois assez exagéré mais n'en reste pas moins tout à fait crédible et surtout, délectable.
Les personnages sont nombreux, gravitent tous autour de notre jeune héroïne anglaise - Anna - (qui m'a plu la plupart du temps, malgré sa naïveté) et rivalisent de bêtises (pour la plupart) ; Elizabeth von Arnim ne les épargne pas ! Je ne les développerai pas tous pour ne pas vous noyer sous une énumération interminable mais vous donnerai juste quelques exemples de portraits marquants, en espérant que cela vous donne envie d'aller lire le roman pour découvrir tous les autres !
Susie, la belle-soeur de l'héroïne, est la première figure marquante du lot. Elle n'apparaît que dans la première partie du texte mais ne passe certainement pas inaperçue ! Hypocondriaque terrifiée par sa femme de chambre, terrorisée par ce qu'elle et sa famille peuvent laisser paraître aux yeux du monde, égoïste et avare derrière son apparente bonté… en bref, particulièrement ridicule et agaçante. Elle m'a souvent fait penser à Mary Elliot, la jeune soeur d'Anne, l'héroïne de Persuasion de Jane Austen. Certaines des scènes où elle apparaît m'ont fait beaucoup rire ; je retiens celle de l'arrivée en Allemagne. Les personnages doivent alors rejoindre la nouvelle demeure d'Anna et pour cela, ils empruntent une voiture dont les sièges ont préalablement été nourris avec de la graisse de poisson, pour justement faire plaisir aux arrivants ! Dire que Susie est incommodée par l'odeur serait en dessous de la vérité !
Le deuxième personnage qui a attiré mon attention est le jeune vicaire Klutz. du haut de ses vingt ans, il tombe fou amoureux de la jeune anglaise qui vient habiter dans la région. Oubliés tous ses devoirs, dorénavant, ne comptent plus que les poèmes enfiévrés (et particulièrement ridicules) qu'il lui dédie. Anna est de plus haute naissance que lui, certes, mais il est un homme donc forcément supérieur à la plus grande des reines… Il sera à l'origine d'un quiproquo étonnant et particulièrement amusant s'il n'avait pas des conséquences assez dramatiques. Imaginez Mr Collins (dans Orgueil et préjugés de Jane Austen), enlevez-lui quelques années et ajoutez-lui une tendance au romantisme risible… et vous avez une idée du personnage.
N'oublions pas les trois femmes recueillies par Anna, toutes les trois versées dans l'art du mensonge et de l'hypocrisie. L'une souhaite oublier son affiliation scandaleuse, l'autre cherche à tout prix à refaire sa fortune (et sa bienfaitrice pourrait bien l'y aider, même contre son gré, peu importe après tout !) et la dernière, peut-être la moins affreuse des trois, tente de trouver sa place malgré sa « basse extraction » (extraction évidemment « secrète »)…
Je ne sais pas quelles est la part de vérité dans ces peintures, mais si toutes les femmes de l'époque étaient aussi sottes, imbues de leur personne, obsédées par l'image qu'elles avaient en société et chasseuses de beaux mariages… Elizabeth von Arnim ne nous brosse pas un portrait très glorieux de la gent féminine ! Entre les anglaises hautaines et les allemandes soumises à leurs époux… heureusement, quelques figures sortent du lot. Letty - la jeune nièce d'Anna - malgré la bêtise et la gaucherie liées à son jeune âge, semble plutôt prometteuse (même si son physique ingrat fait honte à Susie, sa mère). La nouvelle dame de compagnie de notre héroïne, bien qu'aux idées très arrêtées, est une femme respectable et qui se révèle être d'une grande aide. Quant aux hommes de l'histoire, seul Axel von Lohm, le voisin le plus proche, semble mériter notre intérêt. Un vrai gentleman qui tente de protéger au mieux sa nouvelle voisine des ruses des époux Delvig - les régisseurs fourbes -, de l'adoration maladroite du pasteur Manske et des trois résidentes chaleureusement accueillies, qui se transforment vite en sangsues.
Je m'arrête là, mais il y aurait encore beaucoup à dire de toute cette palette de personnages qui n'ont pas gagné des portraits très flatteurs ; mais offrent des scènes dans lesquelles Elizabeth von Arnim peut développer toute l'ironie qu'elle maîtrise à merveille.

Anna souhaitait accueillir et chouchouter des femmes malheureuses pour les rendre heureuses en leur offrant les choses simples de la vie, mais ces trois-là vont lui mettre des bâtons dans les roues. Tout va se compliquer et notre héroïne, si enthousiaste et heureuse au début de l'aventure, va vite déchanter… A cette quête d'indépendance semée d'embûches se greffe une romance qui arrive assez tardivement. Elle ne sera pas inoubliable mais elle m'a satisfaite sur bien des points, je n'en demande pas plus. Bien sûr, ici point de batailles enfiévrées et d'actions à toutes les pages… malgré tout, des choses, il s'en passe et les paragraphes défilent à toute vitesse.
Alors oui, qui dit littérature plus « classique » dit littérature plus exigeante. Malgré tout, ne prenez pas peur, je trouve que la plume d'Elizabeth von Arnim est très fluide et très agréable à parcourir. Les phrases sont construites avec talent et comme je le disais juste au dessus, l'ironie est de mise. Bien que certains sujets et certaines scènes soient graves, l'auteure n'hésite pas à alléger le tout avec quelques mots bien sentis. Et si j'ai pris plaisir à découvrir les dialogues, j'ai encore plus apprécié les descriptions, bien dosées. Les portraits des personnages sont vraiment LA chose à retenir de cette lecture.

Si elle ne détrône pas Jane Austen dans mon coeur, Elizabeth von Arnim a marqué de nombreux points avec sa Bienfaitrice qui, un peu à l'image de la première auteure citée, offre des portraits de personnages savoureux et une ironie parfaitement maîtrisée. Inconnue il y a encore quelques semaines, j'envisage aujourd'hui de me renseigner sur la vie bouillonnante de cette auteure et j'espère surtout avoir l'occasion de lire ses autres oeuvres !
Lien : http://bazardelalitterature...
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Un grand merci à Babelio et aux éditions de l'Archipel pour cet excellent roman découvert à l'occasion de Masse critique. Cela faisait plusieurs années que je songeais à découvrir cet écrivain, et puis son nom a fini par grossir ma LAL et je dois bien avouer que je l'ai un peu oubliée, la pauvre.

Comme son nom ne l'indique pas, Elizabeth von Arnim était une Anglaise, née en Australie et mariée à un comte Prussien, homme coléreux et violent, qui lu a inspiré bon nombre de personnages. La vie de von Arnim m'a beaucoup intéressée : cette cousine de Katherine Mansfield côtoya des écrivains, fut la maitresse de H.G. Wells, et parvint à gagner son indépendance. L'indépendance féminine justement, est le thème principal de son roman.

Se marier ou ne pas se marier ? telle est la question...

...que se pose notre jeune héroïne, Anna Estcourt, qui va goûter les joies et les désagréments de la liberté à la fin du XIXème siècle.

Orpheline, à la charge de Suzie, sa belle-soeur, Anna est lasse de sa vie mondaine sans intérêt qui se déroule à Londres. Jusqu'au jour où un vieil oncle allemand a la bonne idée de lui léguer un petit domaine dans le nord de son pays, en Poméranie. Et voilà notre belle jeune femme de 25 ans, toujours résolument célibataire, décidée à s'installer dans sa nouvelle demeure avec une idée fort généreuse : faire de sa nouvelle maison un hâvre de paix pour femmes malheureuses et désargentées.

On se doute bien que son parcours sera semé d'embûches et que les rencontres ne seront pas toutes plaisantes. Elizabeth von Arnim brosse les portraits d'une galerie de personnages tantôt farfelus tantôt méprisables. de l'ambitieux et odieux intendant Dellwig, au vicaire Manke, passablement intolérant, en passant par des coureurs de dot et un jeune illuminé, on ne saurait dire lequel de ces messieurs il conviendrait de fuir en premier !

Heureusement, le séduisant voisin d'Anna, Axel von Lohm, incarne le gentleman parfait et pour tout dire l'homme idéal. Un héros dans la lignée de ceux de Jane Austen ou Elizabeth Gaskell.

Anna a beau vivre dans un cadre enchanteur, son coin de nature paisible et sauvage, elle passe le plus clair de son temps à repousser des demandes en mariage, à s'opposer à des idées et suggestions que d'aucuns voudraient lui imposer et à subir les remarques perfides des autres femmes, épouses soumises et solides travailleuses.

C'est qu'en Poméranie, le destin de la femme est tout tracé : épouse et tais-toi !

Malgré ce constat amer, la gente féminine n'est guère épargnée et je ne peux m'empêcher de penser qu'Elizabeth von Arnim ne devait pas avoir une haute opinion de ses contemporaines. Toutes celles croisées dans le roman, la femme du vicaire, celle de l'intendant, les trois protégées d'Anna, la soeur d'Alex, Suzie et bien d'autres se montrent mesquines, paresseuses, superficielles, et même méchantes. Fraulein Kuhrauber, Frau von Treumann, la baronne Elmreich, aucune n'est digne d'intérêt et encore moins, de compassion.

Rares sont celles qui échappent à cette peinture au vitriol ! : la Princesse Ludwig, la nièce d'Anna, Letty et Miss Leech sa gouvernante.

Rien ne manque à ce très bon roman : une peinture très ironique de l'époque, un face à face savoureux et souvent drôle entre les mentalités anglaises et allemandes, une idylle romantique - et quelques drames pour ajouter un peu de piment, et une saine réflexion sur le statut de la femme et les différences sociales. Une excellente découverte qui me pousse à ajouter quelques autres titres de Miss von Arnim sur ma liste de bouquins prioritaires.
Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Visiblement, Susie avait un motif de plainte valable. Elle avait été inquiète pendant la nuit, après le départ de Hilton, incapable de dormir, et affolée à l’idée qu’elles étaient de pauvres femmes sans défense dans cet endroit perdu. A ce moment-là, elle avait regretté que Dellwig n’habite pas sur place. Le bruit des rats que l’on entendait courir dans le grenier s’ajoutait encore à ses terreurs. Le vent se déchainait sans discontinuer et secouait les fenêtres de sa chambre. Elle l’avait supporté le plus longtemps possible, ce qui était plus longtemps que ne l’aurait supporté n’importe quelle autre femme, et avait fini par frapper au mur mitoyen de la chambre de Hilton. Mais Hilton, emmitouflée dans ses vêtements de nuit jusqu’au cou – toutes les bougies qu’elle avait pu trouver pour faire un feu n’avaient pas bougé de sa chambre pour sauver sa maitresse -, et Susie, désespérée à l’idée de cette nuit qui n’en finissait pas, avait fait un gros effort, prit son courage à deux mains et était sortie la chercher. Pauvre Susie ! Debout, tremblante et pauvrement vêtue devant la porte fermée de sa femme de chambre, à regarder anxieusement la flamme de sa bougie qui menaçait chaque seconde de s’éteindre, seule en plein courant d’air sur le grand palier, affolée par le son de ses propres appels qui se mêlaient étrangement aux craquements de la maison secouée par la tempête, elle était légitimement un objet digne de pitié.
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Pendant les journées qui précédèrent leur arrivée, Anna planait dans les nuages. Le mot "extase" est trop faible pour décrire son état. Le temps était radieux et voir la nouvelle vie commencer sous le soleil décuplait son bonheur. Elle n'avait jamais le moindre doute concernant leur bonheur futur, lorsqu’elle se promenait dans la forêt traversée par le soleil , devant la beauté de la mer étincelante, dans la tranquillité de la vie à la campagne, si calme que chaque jour semblait être dimanche.Tout cela ne lui suffisait-il pas? Se lasserait-elle un jour de ces pins, de cette étroite bande de ciel d'un bleu légèrement plus clair à la cime des arbres qui ondulait doucement? Le murmure du vent dans la forêt lui donnait un plaisir exquis, l'éclosion d'une fleur nouvelle, la pure fraîcheur de l'air, toutes ces choses étaient pour Anna pleines de délices. Il ne lui venait pas à l'idée qu'il pût en être autrement pour ses pensionnaires. Lorsque les pauvres femmes épuisées, enfin libérées de leur anxiété et de leur peine, seraient revigorées par la musique et les odeurs de la forêt, il y aurait encore le jardin de l'autre côté de la rue, et les marais parsemés de boutons d'or de l'autre côté de la haie, elle-même déjà verte, puis la mer, avec les barques de pêche qui allaient et venaient, les goélands argentés tournant autour des voiles orange, et les aigles tout là-haut, comme des taches dans l'infini du ciel. Il y aurait aussi les promenades le long de la côte nord, où le vent vif semblait plus frais que dans la forêt, et puis chaque soir, cette maison spacieuse, où tout ce qu'on attendait d'elles était qu'elles fussent heureuses.
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La salle à manger était une longue pièce étroite avec une grande fenêtre fermant son extrémité ouest, qui donnait sur une parcelle d'herbe, le fossé et les aigles. C'était une étude en chocolat. Papier peint marron, tapis brun, rideaux de reps et chaises cannées marron. Il y avait deux buffets en bois, face à face, peints en marron, avec une collection d'objets divers : un vinaigrier posé là depuis des années, avec des restes de vinaigre séché au fond, des pots contenant autrefois de la moutarde devenue une mixture étrange et sombre, une petite cloche cassée à force d'avoir appelé des serviteurs morts depuis longtemps, un registre des vins vieux d'un quart de siècle, une bouteille de Worcester se vantant encore de pouvoir relever les viandes les plus ternes, une charmante porcelaine de Dresde ornée d'une bergère et d'un berger inlassablement satisfaits d'eux-mêmes et de leur environnement, malgré les années passées dans le froid à se sourire dans le noir.
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C'est la seule vie possible pour une femme, dit oncle Joachim avec gravité. Ne me parle pas d'indépendance. De tels mots ne sont pas faits pour la bouche d'une jeune fille. C'est la fierté d'une femme de se tenir près d'un bon mari. C'est sa joie d'être entourée et protégée par lui . Hors du cercle proche de son foyer, il n'y a pas de bonheur pour elle. Les femmes qui ne se marient jamais ratent tout cela.
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Anna Estcourt venait d'atteindre vingt-cinq ans, et ses réflexions prenaient un tour pessimiste. Elle commençait à se demander si les agréments contestables de l'existence en peuvent compenser les ennuis trop certains [...].
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