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EAN : 9782847424218
257 pages
PASSAGE (29/08/2019)
4.1/5   26 notes
Résumé :
Rome, janvier 1669. Dans une chambre d'un collège jésuite, un vieillard agonise. Fervent catholique, Leone Allacci fut l'un des plus grands érudits de son temps. Alors que ses dernières forces lui échappent, il revisite un épisode de son existence qui ébranla durablement ses farouches certitudes.
En 1623, il fut chargé d'une incroyable mission : nommé légat du pape Grégoire XV à Heidelberg, il eut pour tâche de s'emparer du trésor de la ville protestante, sa ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Imagine-t-on de nos jours ce que pouvait être la traversée des Alpes pour une caravane à dos de mulets au 17ème siècle quand routes et pistes n'existaient pas, qu'en outre les dangers de la montagne pourtant redoutables étaient loin d'être les seuls à mettre l'entreprise en péril ? Certes non. Hélène Bonafous-Murat nous le fait entrevoir dans ce roman historique aux allures d'épopée.

Rien ne lui sera épargné à cette caravane : intempéries, incendie, trahison, vol, attaques de pillards, rivalités confessionnelles, disette, enlèvement des femmes du convoi à fin de servilité sexuelle, autant d'infortunes qui émailleront son périple conduit par la volonté d'un seul homme : Leone Allacci. Animé d'une foi à toute épreuve, d'une autorité inflexible et opiniâtre, il était tout désigné pour mener à bien la mission divine reçue de la bouche du pape Grégoire XV: extraire du Palatinat du Rhin, contrée autrefois gagnée à l'hérésie et reconquise par la Ligue catholique, et ramener en lieu sûr, à Rome, une bibliothèque connue pour être une des plus riches d'Europe. Elle comportait aux yeux de la papauté des ouvrages d'une valeur inestimable, tant civile que religieuse, dont l'évangéliaire de Lorsch écrit vers 810 à la cour de Charlemagne.

Leone Allacci n'était résolument pas un homme comme les autres. Galvanisé par une foi dévote chevillée à l'âme, un dévouement sans faille à l'Église de Rome, il n'avait de passion que pour les livres. Pourtant lorsque la jeune Lotte, au charme discret mais entêtant, témoigne de l'intérêt pour la lecture et devient son élève, point en son for intérieur une douleur jusque là ignorée de lui. Une douleur qui embrase son corps et obsède son esprit. Tiraillé entre l'appel des sens et la chasteté qu'il s'était imposée en règle de vie, il perçoit ce combat comme une mise à l'épreuve supplémentaire que lui inflige ce dieu qu'il avait choisi en optant pour la foi catholique. L'épreuve tourne à la torture lorsqu'il voit sa protégée s'éprendre du beau capitaine lequel assure la sécurité de leur expédition. La jalousie est un sentiment nouveau dont il peine à s'émanciper.

Gagné à la panique de voir son élève lui échapper et à la crainte de la voir faire de l'ombre au maître qu'il avait été pour elle, Leone Allacci se reprochera cet engouement pour celle qu'il perçoit alors comme l'instrument du démon : "N'avais-je pas cependant commis une erreur, oubliant qu'elle n'était qu'une femme, en conséquence gouvernée, non par la raison, mais par ses sens ?" Et l'auteure d'ouvrir à juste raison l'esprit de son lecteur, en thème corollaire à celui de la sauvegarde de la fameuse bibliothèque, sur le sort trop longtemps réservé à ses congénères du beau sexe en ces temps d'obscurantisme tant religieux que discriminatoire sexiste.

La gageure avec ce genre littéraire est de ne pas faire de l'intrigue prétexte à se glorifier d'une érudition poudre aux yeux. Hélène Bonafous-Murat évite l'écueil. Quand elle fait du narrateur de ce récit un contemporain des faits qu'il rapporte, elle sait lui faire tenir le vocabulaire, les idiomes et les tournures syntaxiques de l'époque et éviter les anachronismes de langage. le style devient alors garant de crédibilité. Les références historiques en tous domaines, dont mythologiques et bibliques dans pareil ouvrage, témoignent aussi de l'imprégnation et de l'érudition de son auteure. Elle nous livre un très bel ouvrage qui établit son éclectisme d'écriture. N'est-elle pas l'auteure de polars contemporains - Avancez masqués, Morsures entre autres, qui m'ont fait faire connaissance avec son écriture - même si ces derniers ne sont pas dénués de références historiques.

Aux portes de la mort, Leone Allacci évoque cet épisode de sa jeunesse qu'il avait gardé en mémoire, en étalon de la souffrance quand d'autres épreuves étaient venues mettre sa vie en difficulté et sa foi à l'épreuve. Avec le souvenir de Lotte en repoussoir des appels du corps qu'il savait dans la main du Malin.

Cette aventure tirée de faits réels, nous dit l'auteure en note finale, assura la postérité d'ouvrages exceptionnels qui existent encore de nos jours. Elle s'inscrit à la gloire de l'érudition quand cette dernière est perspective pour changer la face du monde. Même si l'obscurantisme religieux de l'église catholique de l'époque imaginait en arrière pensée ce changement à son profit, soutenu par un prosélytisme outrancier que lui commandait son monopole sur la direction des consciences, qui plus est lorsque ce monopole était mis à mal par la montée de fois concurrentes.

Superbe ouvrage qui vaut tant par le récit de l'aventure humaine, surhumaine serait-on tenter d'enchérir, que pour l'insertion de celle-ci dans un contexte historico religieux savamment documenté.
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Nous sommes à Rome en 1669. Leone ALLACCI, se meurt. Mais avant de faire le grand saut, il se remémore un moment important de sa vie, la mission dont l'a chargé le pape Grégoire XV : s'emparer de la bibliothèque de la ville protestante d'Heidelberg.

Il va mener tambour battant cette haute mission. Les manuscrits précieux vont être démanteler de leur couverture, afin de pouvoir les transporter plus facilement, ils feront le voyage dans 196 caisses en bois, à dos d'âne.

C'est ce long et tortueux voyage que nous raconte Leone. Bien des péripéties vont venir perturber cette expédition. le mauvais temps, les attaques, les chemins chaotiques.

Mais le plus grand danger, pour Leone, c'est sa rencontre avec Lotte, très jeune fille, orpheline, qui s'est jointe à cette expédition. Leone va la prendre sous sa coupe. Elle mettra à rude épreuve son sacerdoce envers Dieu et bien des questions viendront perturber ses pensées. Il prendra conscience que le savoir n'est rien sans les autres et l'interaction entre les autres.

Résistera-t-il à cette si belle tentation que le diable lui envoie ? Et Lotte, que deviendra-t-elle lorsque Leone aura mené à bien sa mission ?

J'ai pris grand plaisir à me retrouver au 17ème siècle, à suivre les pas de Leone sur les routes alors dangereuses de cette époque, à traverser les montagnes, avec quasiment rien à manger, à frissonner de froid et à avoir peur de mourir en route, à trembler à l'idée de ce que va devenir Lotte, et tous les pauvres gens qui suivent la caravane du pape.

Hélène BONAFOUS-MURAT a réussi à me passionner avec cette histoire. Un grand merci à sa maison d'édition « LE PASSAGE » ainsi qu'à Babelio qui m'ont permis de découvrir cette petite partie de l'histoire que je ne connaissais pas et à sortir Leone ALLACI de l'oubli. Grâce à elle, il retrouve une certaine notoriété.
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La bibliothèque Palatine de Heidelberg était une des plus remarquables de l'Allemagne de la Renaissance.
Suite aux affrontements du début de la guerre de Trente Ans, elle fut dissoute. Richement dotée d'ouvrages de théologie réformée, elle a fait partie du trésor de guerre que le pape Grégoire XV tenait à récupérer pour la bibliothèque vaticane.
Délestés de leurs reliures trop lourdes, les ouvrages chemineront sur chariots et mules en un voyage de plus de 1000 kms, avec une traversée des Alpes.


Hélène Bonafous-Murat redonne vie à un fait historique oublié du début du 17ème siècle, dans les pas de l'envoyé du Saint-Père, Leone Allaci*, parti convoyer avec zèle ce fond de connaissances majeures pour l'époque.
L'auteure ressuscite un homme passionné et humain, souvent imbu de son statut et de son intelligence, mais tourmenté entre ses convictions intellectuelles et spirituelles et ses propres passions humaines. Au soir de sa vie, il se remémore cette mission hors du commun, rendue dangereuse par l'instabilité des terres protestantes et les difficultés pratiques du voyage.

Roman historique fort plaisant, porté par une écriture adaptée au langage du temps, sur l'amour des livres, la transmission du savoir et le désir inépuisable de l'instruction. L'aspect documentaire est passionnant, l'esprit de l'époque pertinent, et la construction du personnage d'Allaci d'une fine subtilité.

Et de m'amuser d'avoir appris que le prépuce de Notre Seigneur s'est métamorphosé dans les cieux en un anneau du Saturne. On n'était pas à un miracle près !

*1586-1669. Théologien, bibliothécaire, historien.
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"La Caravane du Pape" est le cinquième Roman d'un auteur que je suis depuis maintenant quelques temps. Après "Morsures", et "Avancez masqués", dont les intrigues policières rondement menées se déroulaient à notre époque, le dernier cru de la romancière nous emmène au XVII ème siècle, sur les traces de Léone Allacci, légat du Pape Grégoire XV. Sa mission périlleuse et historique consiste en une folle épopée entre Heidelberg, en Allemagne, et Rome. En effet, pendant la guerre de Trente Ans, qui opposa les protestants du Saint-Empire Romain germanique, au camp des Habsbourg, le comte de Tilly s'empara du contenu de la bibliothèque Palatine d'Heidelberg, connue pour être la plus importante collection du nord des Alpes.
le transfert de cet inestimable patrimoine depuis les terres protestantes jusqu'à la bibliothèque du Vatican, fut confié à Leone Allacci.

C'est l'histoire de cette aventure que nous pouvons suivre tout au long de "La Caravane du Pape". Un roman inspiré de faits réels donc. Un gout de Western européen, dans lequel la ruée vers l'or fait place à la ruée vers un idéal, celui de transmettre, conserver et traduire un savoir séculaire. L'action sera donc au rendez vous. Mais au delà de l'intrigue trépidante, nous trouverons une réflexion sur le rapport au temps. Sur la notion de sacrifice.

Sur son chemin, le "Lion de Chios", ainsi nommé parce-que son prénom, Leone, évoque le félin, et qu'il naquit sur l'ile de Chios, en Grèce, sur son chemin, il sera en proie au doute, à la tentation. Tentation incarnée par un magnifique personnage féminin, Lotte, qui lui évoque sa jeune soeur et son passé sur son île de la mer Egée.

Sans rentrer dans le détail, afin de ne rien ôter au plaisir de la découverte, le rapport triangulaire entre ce grand lettré, la jeune nymphe et la dévotion à Dieu, n'est pas sans m'évoquer le mythe de Faust. En effet notre Caravane chemina en 1622, et si l’œuvre la plus célèbre de Goethe est bien postérieure à ce premier tiers du XVII ème siècle, il faut garder à l'esprit que le mythe dont il s'inspire date environ de la fin du XVI ème siècle, et qu'une version de Marlowe fut publiée en 1608. Nous sommes en pleine période de révolution dans le monde Chrétien, puisque la réforme Luthérienne est encore assez récente et ses conséquences toujours violentes, conduiront bientôt à la guerre de Trente Ans. Autant le Docteur Faust, laisse le doute, l'insatisfaction l'envahir et la tentation l'accompagner en la personne de Méphistophélès, autant Léone reste fidèle à sa foi et à sa mission. On perçoit dans les Faust originels, comme dans celui plus tardif de Goethe, la graine d'insoumission protestante qui mènera certain libres penseurs à s'affranchir et à se libérer de l'autorité du pape, qu'ils soient attirés par le syncrétisme, par l'agnosticisme, ou par une autre forme de spiritualité ou de morale.

Léone Allacci, lui ne se laissera pas corrompre par la vanité, ni même par la volupté. Lotte, sa "Marguerite", ne le détournera pas de la noble mission qui est la sienne. le roman d'Hélène Bonafous-Murat, loin de nier le dilemme qui se pose à son personnage, développe son rapport au regret. Ce faisant elle rend son personnage profondément humain, attachant et admirable. Un personnage capable d'aller au bout de ses conviction et de ses sacrifices, à mille lieues des cyniques anti-héros qui peuplent les intrigues branchées et pseudo modernes de tant de fictions anecdotiques. Bien que cela soit possible et parfois brillamment effectué, il y a souvent danger à utiliser l'artifice de l'actualité contemporaine pour forcer l'identification du lecteur. Cet artifice, auquel s'abreuvent si goulument les scénaristes de contenus audiovisuels, et qui les prive de toute chance de toucher à quelque sentiment universel...Le héros de "la Caravane du Pape" est tout le contraire. Un personnage difficile à oublier, dont le courage et le respect du Savoir, du patrimoine et de l'héritage des anciens n'ont d'égal que la bassesse des marchands de bonheur futile qui tricotent des publicités déguisées en œuvre filmique... Je n'avais pas autant apprécié un roman historique depuis Umberto Eco!
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Je n'ai jamais eu un tel coup de coeur lors d'une masse critique !

Dans ce roman, Hélène Bonafous-Murat met en scène Leone Allacci, un intellectuel du XVIIe siècle qui, sur le point de mourir, se remémore l'événement le plus important de sa vie : en 1623, en tant que légat du pape Grégoire XV, il s'est emparé de la Bibliothèque palatine et l'a rapportée à Rome...
La caravane du pape raconte ce véritable périple pour transporter tous ces manuscrits à travers des paysages périlleux et une Europe en pleine Guerre de Trente Ans, ainsi que les hésitations intérieures du personnage, qui ne veut consacrer sa vie qu'à Dieu et au savoir mais tombe malgré lui amoureux de Lotte, une jeune fille, parmi la foule de paysans en fuite qui s'est jointe à leur cortège, à qui il apprend à lire et à écrire...

Le contexte historique est très bien reconstitué, que ce soit cet épisode méconnu de l'Histoire, le contexte de la Guerre de Trente Ans ou la mentalité de l'époque. le héros nous apparaît parfois odieux dans ses réflexions, mais c'est l'époque qui le veut ! L'auteure s'est mise de façon incroyable dans la tête de ce personnage (réel !) et restitue bien sa vie et son caractère. Elle lui fait avoir de nombreuses réflexions philosophiques et le fait se référer à beaucoup d'auteurs antiques - son travail de documentation est vraiment admirable - et, même si cela peut rendre le roman difficile à lire par moments, notamment dans les cinquante premières pages, cela vaut le coup de s'accrocher !
C'est un livre véritablement profond et intelligent, écrit d'une plume magnifique et raffinée, et qui offre "une méditation subtile sur la grandeur et la vanité de la connaissance"... pour une fois je suis parfaitement d'accord avec la quatrième de couverture !

Je n'ai pas assez de mots pour exprimer combien je considère ce livre comme un chef d'oeuvre. Un seul conseil : lisez-le !
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critiques presse (1)
LaCroix
22 octobre 2019
Hélène Monafous-Murat entraîne le lecteur dans un passionnant voyage à travers l’Europe, en pleine Contre-Réforme catholique.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Page 279

C’est un bien étrange texte que vous avez choisi, fit-elle. Je ne l’aime pas beaucoup.
Pourquoi donc ? lui demandai-je, abasourdi.
Jamais encore elle n’avait aussi directement questionné mes choix, encore moins émis de critique.
Les larmes ne sont pas une bonne chose. Et elles ne sont pas toujours le signe d’une faute. Si je pleure, c’est plutôt en raison du tort qu’on m’a causé. Non pas pour expier.
Le Christ nous enseigne le vrai repentir. Sous ses yeux nous devons nous faire humbles car nous sommes pêcheurs. C’est là le sens de ce texte.
C’est absurde ! Car il y a beaucoup de grands pécheurs qui n’ont jamais versé une larme sur leurs forfaits, et qui continuent de les commettre en riant, pire, en en tirant gloire et fierté ! Et tout cela, ils le font au nom de Dieu, et sous son regard bienveillant qui ne les châtie jamais !
La colère était emparée d’elle. Je n’avais jamais vu une chose pareille. Elle se leva, bousculant le tabouret sur lequel elle était assise qui se renversa, et me quitta sans même le relever, en me jetant :
Vous êtes un homme cruel. On voit bien que vous n’avez jamais versé de larmes dans votre vie !

Je demeurai interdit, incapable de comprendre ce qui avait pu susciter en elle un tel émoi. Quelques jours plus tôt, nous lisions encore paisiblement de concert, penchés sur les ouvrages qu’elle déchiffrait avec ardeur l’oeil brillant du savoir que je mettais à sa porté. Aujourd’hui, elle jetait violemment les pieuses instructions de saint Ambroise, qui pourrait l’avait sauvée des griffes de la mort. Fallait-il que les abeilles l’eussent contaminée d’un venin redoutable, et que celui-ci eût empoisonné son âme !
J’alternai toute la nuit entre indignation, désarroi et consternation. Je me sentais démuni. A la lueur de ma chandelle, je me replongeai dans la caisse et en extirpai d’autres écrits de saint Ambroise. J’en trouvai un qui me rasséréna un peu. Il y démontrait que c’était par la femme qu’avait débuté le mal et qu’avait commencé le mensonge. Il citait Paul, pour qui elle avait été l’agent de la faute, conduisant l’homme au péché. Peut-être l’injonction à verser les larmes du sincère repentir avait-elle touché en Lotte la femme originelle, l’Eve qui s’y cachait ? Ambroise poursuivait en empruntant à Philon : il distinguait entre l’intelligence, apanage de l’homme, et la sensibilité, qui caractérisait la femme. La seconde devait se soumettre à la première, comme l’épouse à son mari. Car placée sous l’autorité d’un être plus fort, elle devait se laisser gouverner par ses conseils. De la même façon poursuivait Ambroise, l’Eglise devait se soumettre au Verbe de Dieu. Car tel était Son dessein, et l’ordre qui forgeait la paix et la sainteté sur Terre.

N’était-ce pas ainsi que j’avais dirigé mon enseignement, amenant mon élève vers la lumière de la connaissance ? N’avais-je pas cependant commis une erreur, oubliant qu’elle n’était qu’une femme, en conséquence gouvernée, non par la raison mais par ses sens ? Déjà les auteurs grecs l’avaient compris. « Tu ne peux pas gouverner par raison une chose qui n’a en soi ni raison ni mesure », avais-je lui dans Térence. Et, puisant dans les maximes consignées par dizaines dans le magasin de ma mémoire, d’Ovide à Salomon, d’Hésiode à Aristophane, je me convainquis sans peine que je n’étais point en faute, et que Dieu m’avait seulement confronté à la nature changeante et incontrôlable de la femme.
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Avant de replonger dans les ouvrages sortis des caisses que le charron avait bien voulu ouvrir une fois de plus à ma demande, Lotte me demanda de lui conter la vie de ce saint qui savait apprivoiser les oiseaux. Elle m’écouta avec attention, subjuguée.
– Je voudrais moi aussi parler la langue des oiseaux. Il me semble qu’elle ne connaît pas la méchanceté des hommes.
– Cette grâce n’a été donnée qu’à ce grand saint. Il parlait à toutes les créatures que Dieu a faites, du loup au renard, de l’aigle à l’ours.
– N’est-ce pas là ce qu’on appelle le jardin d’Éden ?
Je dus lui réexpliquer que le paradis terrestre était une réalité fort lointaine, que l’histoire de l’homme avait commencé avec sa chute et son éloignement de Dieu, qu’il devait depuis lors expier. Elle parut déçue.
– Tout de même… Je ne comprends pas que l’on dise des méchants qu’ils se comportent comme des bêtes. Jamais un animal n’aurait fait ce que j’ai vu certains faire.
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Le démon me souffla alors une de ces rêveries abominables dont il avait le secret : ma poitrine, mon dos, mes bras, mes jambes, et jusqu'aux parties les plus inavouables de mon être devenaient ce parchemin sur lequel elle faisait courir sa plume agile, me recouvrant de savantes périodes et de sentences profondes, chatouillant mon épiderme de ses caresses, susurrant les mots à mesure qu'elle les écrivait, enrobant mon âme et mon enveloppe mortelle de toute la douceur et de tout le savoir du monde. Je touchais à la perfection de l'existence . ( p. 298).
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Je contemplai les montagnes de caisses sur les gabares et, au lieu d'en tirer la satisfaction du travail accompli et de la reconnaissance qu'elles me vaudraient, je fus envahi par le doute et le découragement : quand bien même lirais-je tous les livres du monde, quand bien même les apprendrais-je tous par cœur, mon âme resterait ce curieux puits sans fond que rien ne saurait jamais vraiment combler et qui ne connaîtrait jamais la paix.
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Les combats avaient surtout le tort de mettre en péril les trésors du savoir. Combien d’œuvres d’une valeur insigne, qui nous demeureraient à jamais inconnues, avaient disparu dans les guerres du Péloponnèse ? Combien d’ouvrages, ici même, dans l’enceinte du château, avaient servi à alimenter le feu dans la cour où veillaient les soldats ? Combien avaient été mis en pièces pour être glissés entre leur peau et leur gilet quand le froid devenait trop vif ? Combien avaient été abandonnés aux rats qui eux aussi mouraient de faim ?
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Videos de Hélène Bonafous-Murat (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Hélène Bonafous-Murat
Rencontre avec Hélène Bonafous-Murat autour de son ouvrage "la caravane du pape" aux éditions le Passage.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2350078/helene-bonafous-murat-la-caravane-du-pape
Notes de Musique : Youtube Audio Library.
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