J'espérais beaucoup de ce livre... pourtant, j'ai un avis très mitigé et je vais essayer d'en expliquer en toute objectivité les raisons. Pourquoi objectivité d'ailleurs ? Tout simplement parce que j'ai lu bon nombre d'ouvrages concernant Hildegarde, des essais de spécialistes (Gougenheim, Moulinier, Pernoud, Feldmann, Munier,Breindl...) à la biographie romancée, en passant par ses propres correspondances traduites en français ou en anglais (et pour que je lise en anglais, c'est vraiment que le sujet m'intéresse). Je me suis même déplacée en Allemagne, visitant les ruines du Disibodenberg (et imaginant la vie de la moniale) ou son village natal, Bermersheim (voir les photos sur mon site pour ceux que ça intéresse). Je n'ai donc pas abordé ce livre de la même façon que si le sujet m'avait été inconnu.
Commençons par les aspects négatifs, histoire de terminer ensuite en beauté. Une chose m'a choquée d'entrée de jeu : le fait de ne nommer Hildegarde que par son initiale, H., la déshumanise. Pourquoi ne pas l'avoir appelée tout simplement Hildegarde ? D'autant plus que lorsque je vois H., je pense plutôt à Adèle H, autre femme courageuse, certes. L'agencement de certains événements peut également prêter à confusion. Un exemple : l'auteur
nous explique, page 17, qu'Hildegarde a été donnée au couvent car c'est la dernière de la fratrie (et que c'est la coutume). C'est rigoureusement exact. Cependant, il y avait une autre raison à cela, qui n'apparaît que quelques pages plus tard : enfant, Hildegarde avait déjà des visions (P19). de même, certaines affirmations auraient mérité quelques bémols. Une, notamment, m'a faite bondir : "elle a aimé une femme" (P10 puis P90 et suivantes). Oui, elle était très proche de Richardis, mais peut-on parler d'amour tel que
nous l'entendons ? le monde clos n'est-il pas propice à l'exacerbation des sentiments sans pour autant qu'il y ait transgression (certes, non annoncée explicitement ici mais implicitement...) ? D'ailleurs, en parlant de monde clos, le titre du livre me faisait espérer plus de choses sur l'emmurement de la petite Hildegarde avec Jutta. Certes, on ne peut pas non plus tout dire sur cette vie aussi riche, mais cela a quand même marqué sa vie. Enfin, dernière chose, l'écriture employée : trop de poésie tue la poésie. Et les premières lignes commençant cette biographie romancée sont difficiles à comprendre : "Ce matin-là tiède et pourtant venteux, au bord de pleuvoir, venteux pour H., au bord de pleurer, devant le saule qu'elle ne reverra plus, ni le puits dans la cour, ce matin-là, et quel vent du nord lui bat ainsi les cheveux et la cape, un instant les yeux levés vers le ciel, au moment de franchir le seuil, aperçu la masse sombre des arbres dans la clarté de la lumière -octobre-, et peut-être sont-ils immobiles comme les nuages suspendus qui laissent passer cet éclat soudain de soleil dans ses cheveux, et seul peut-être est-ce le vent de son coeur qui de sa peine lui bat les flancs ?" Mais je pense qu'il doit y avoir là un problème de mots manquants dû non pas à l'auteur mais à la mise en forme pour l'édition.
Allez, laissons là le négatif pour parler de choses plus agréables. Je reprends d'ailleurs cette histoire de poésie : on sent que l'auteur veut rendre hommage à cette femme hors du commun. Pour cela, elle emploie la prose poétique, ce qui est tout à son honneur. Certaines formulations sont d'ailleurs très belles. Comme je le disais, il est dommage que, parfois, la poésie s'imbrique dans la poésie, devienne redondante. D'autre part, réhabiliter sa mémoire sous cette forme ne peut qu'être bénéfique. Si elle est une célébrité en Allemagne, on ne la connaît que trop peu en France. Pourtant, elle est une femme qui aura marqué son époque. "Insoumise", pour reprendre le terme de
Lorette Nobécourt, elle mettra à ses genoux tout le monde, y compris les plus grands qui lui demanderont même des conseils. Ce n'est pas pour rien qu'elle fut nommée récemment Docteur de l'Eglise. Il était temps !
L'auteur s'est imprégnée des textes d'Hildegarde pour en trouver l'essence même, lui insufflant ainsi un brin de vie afin de refaire le cheminement intérieur de la moniale. le titre l'atteste d'ailleurs, il s'agit bien d'une vie et non de LA vie d'Hildegarde. Et voilà bien tout mon dilemme. Car je l'admets, j'attendais beaucoup, trop même de ce texte et je dois dire que la quatrième de couverture n'aide pas non plus à relativiser. La sincérité de l'auteur étant bien plus importante, à mon avis, que ces quelques points de détail, nul doute que je persévérerai en lisant un autre de ses livres qui m'a été conseillé : "
En nous la vie des morts". Là, au moins, j'aurai un regard beaucoup moins sévère, c'est certain.
Encore une fois, tout ceci n'est qu'un simple avis. Si vous ne connaissez pas
Hildegarde de Bingen, ce livre est un bon moyen d'aller à sa rencontre.
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