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EAN : 9782234070141
160 pages
Stock (17/08/2011)
3.39/5   94 notes
Résumé :
Le récit d’une femme qui cherche à se libérer d’un poids qui l’empêche de vivre depuis dix ans: la condamnation de son père pour corruption, et dans le même temps la mort de sa mère. Elle tente de comprendre le cheminement de ce père qu’elle a adoré étant enfant, et qui lui paraît si lointain aujourd’hui.
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Critiques, Analyses et Avis (30) Voir plus Ajouter une critique
3,39

sur 94 notes
«Lorsque mon père est tombé, ma mère s'est éteinte.»

Laurence Tardieu revient sur un événement qui a bouleversé le cours de sa vie et ses valeurs. le jour où son père, dirigeant de la compagnie Générale des Eaux, est jugé –puis condamné - pour corruption, sa mère découvre qu'elle est atteinte une tumeur au cerveau. Elle succombera quelques mois plus tard. Ces deux événements consécutifs sont comme une bombe implosive lâchée sur cette famille, une bombe qui vient s'écraser avec un son mat, créant un trou béant que l'on colmate, calfeutre, une bombe que l'on enterre le plus profondément possible, une bombe qui mettra plus de 10 ans pour finalement exploser, et déchiqueter les silences et les non-dits.

Dans ce livre, l'auteure rend hommage à sa mère et surtout s'adresse directement à son père, ce père, qu'elle a tant admiré, qu'elle aime, mais qu'elle ne sait plus comment rejoindre. Plus qu'un livre sur sa condamnation, elle cherche à s'arracher aux silences qui l'attache à lui, des silences qui la ronge de l'intérieure, à l'étouffer. Elle tente ainsi de s'extirper du cercle de la honte que les non-dits ont fini par installer, et de se retrouver.

Un livre très intimiste, sans être pour autant voyeuriste, mais qui peut déranger. Écrit avec pudeur et sincérité, l'auteure dissèque ses émotions, fouille, se cherche autant sinon plus qu'elle ne recherche le père disparu de son enfance, et essaye d'aller à la rencontre de celui d'après la chute. Elle imagine les réponses de son père, se met à sa place, s'interroge et l'interroge. Il y a certes quelques redondances - procédé narratif? - mais après tout, nous sommes dans la confusion des peines.

"[...] de livre en livre je suis chaque fois un peu plus libre, je brise les chaines qui me retiennent à ce que je n'ai pas choisi, ce qui me fige, je largue les amarres, je me rapproche un peu plus de moi."

Malgré l'amour qu'elle témoigne à son père tout au long du livre, malgré son désir de se rapprocher de lui, c'est d'abord elle qu'elle s'échine à trouver. Une quête intérieure qui passe par la nécessité de comprendre son père et plus encore de se comprendre elle-même. Mais en publiant ce livre, alors qu'il lui a expressément interdit de l'écrire de son vivant, c'est à mon avis un uppercut qu'elle lui adresse, enveloppé dans un gant de velours certes, mais un uppercut quand même. Comme si sa renaissance (naissance?) en passait obligatoirement par le KO de son père. Un texte qui n'en demeure pas moins poignant et sincère, qui ne tombe à aucun moment dans la rancoeur, un texte qui nous livre ses doutes et ses questionnements vers le chemin de la délivrance.

"Ce livre, Laurence, tu l'écriras quand je serais mort. Voila ce que tu m'avais dit. [...] alors celle que tu vois là, devant toi, qui a des larmes dans les yeux mais qui te tiens tête, qui ne te sourit pas, qui pour une fois prend la parole en écrivant ce livre, ce livre que tu lui as interdit, ce livre qui te fait frémir, toi mon père si attaché à la discrétion, au sens de la mesure, à la sauvegarde des apparences, cette fille-là, vois-tu, c'est moi, c'est ton enfant que tu découvres enfin, c'est ton enfant qui sort du silence."

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Voici un texte poignant sur l'amour filial, une écriture sincère qui vous transperce, un livre à la fois pudique et brutal, un livre qui vous secoue, qui vous remue, mais tout est dit avec tact, humilité et douceur, dans le but de mettre à jour des faits et des sentiments.
Il s'agit du livre d'une fille à son père ou quand la chute du héros tant admiré meurtrît une famille!
Laurence Tardieu brise le silence:" le livre, Laurence, tu l'écriras quand je serai mort", lui avait demandé son père, elle n'a pas obéi.
Cri de révolte, lettre d'amour à Jean- Pierre Tardieu, polytechnicien, condamné pour corruption à 24 mois de prison dont 6 ferme.
En même temps,Laurence perd sa mère,emportée par un cancer du cerveau fulgurant...
"Lorsque mon père est tombé, ma mère s'est éteinte", disparus les amis, effacée la belle image, "on continue à sourire", elle se heurte à un mur....
Un double deuil donc, mais elle écrit pour comprendre, accepter, dépasser,elle couche sur le papier ses ressentis, ses déceptions, ses hontes:
"Nous sommes rentrés avec toi dans le cercle parfait et infernal de la honte, avec toi, nous avons caché, avec toi, nous avons tu ,peu à peu, ce que nous avons caché a ressemblé à un monstre menaçant, difforme, peu à peu nous nous sommes effrayés de ce que nous cachions, le monstre grandissait, débordant de toutes parts, nous ne pouvions plus parler, nous étions pris au piège........."
Laurence Tardieu ne se plaint pas, son récit ne comporte ni complaisance, ni rancoeur...elle nous raconte son combat contre l'absence et les non- dits:"Dans une autre famille, il y aurait eu des mots, on aurait parlé, prononcé des paroles vives, troué le silence à coups de mots, chez nous des mots, il n'y en a pas eu,il fallait taire ce qui était monstrueux....."
Cela ressemble à un exercice de résilience et d'émancipation...en l'espace de l'écriture de ce livre,une lettre d'amour à son père, en 140 pages,cette fille prend son indépendance, elle se libére, elle s'émancipe,elle s'affirme , elle prend son envol , elle devient femme, par la magie de l'écriture, libératrice,un livre superbe! Un livre sobre, un livre juste, un livre qui nous parle....une écriture qui nous émeut !
"En écrivant ce livre, j'ai franchi le gué, je suis passée de l'autre côté, je suis passée en zone libre....j'ai retrouvé mon corps,je m'en vais vivre maintenant.
Je vais aimer, ce livre, je te le donne, je l'ai enfin écrit, je suis sortie du silence,je suis devenue une femme."
L'auteur a réussi à sortir du silence et du non- dit qui la liait depuis toujours à ce père si lointain et si proche, pour Exister , enfin?







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L'année 2000 est une année noire dans la vie de la narratrice. Cette année voit la mort de sa mère et l'incarcération de son père, dirigeant de la CGE pour corruption. Une année sur laquelle la chape de plomb du silence pèse dans la famille. Il ne faut surtout pas en parler. Un silence que la narratrice veut briser, et pour elle, écrivain la seule façon de briser le silence puisque personne ne parle, c'est de faire un livre de cette vie marquée par le silence, le non dit . Et pour cela, pour la première fois, elle va désobéir à l'interdit paternel.


"Tu ne veux pas que j'écrive ce livre. Tu me l'as dit. Tu me l'as demandé. Tu y avais pensé toute la soirée, toute la nuit, tu ne voulais pas. Ou, plus précisément, tu ne voulais pas que je l'écrive maintenant. Ce livre, Laurence, tu l'écriras quand je serai mort. Voilà ce que tu m'as dit."


Avant la chute, Laurence voyait son père avec ses yeux de petite fille, elle l'idéalisait, ce père si intelligent, si fort, une force toute en douceur, toute en sourire, mais une force indéniable. Mais déjà dans ses moments heureux de l'enfance, le silence régnait, il ne fallait surtout pas se parler d'amour, surtout pas s'exhiber. C'est ce silence qui décrit le mieux les relations dans cette famille.


"Comme toujours tu ne disais rien. Tu caches. Tu n'exprimes pas. Toujours le sourire, la douceur, l'enveloppement. Pas de problème, il n'y a pas de problème, jamais. Moi aussi avec toi je cache. Je tais. Je ne dis pas. Je formule des phrases , je prononce des paroles, mais pas celles que je voudrais te dire, celles que je porte en moi, qui sont ce que je vis, ce que j'éprouve, qui me définissent. Avec toi je contourne. Je fais semblant. Je passe à côté de moi."


La condamnation du père va intervenir comme un séisme, une déflagration, le monde de Laurence, tout ce en quoi elle croyait va s'écrouler. le père va subir et faire subir à sa famille une double peine, celle de son incarcération avec tout ce que cela comporte comme douleur, et celle du silence qui va l'englober, l'amplifiant, la doublant. Elle ne comprend pas, elle ne comprend plus. Par ce livre, en brisant le silence, c'est de son père tant aimé qu'elle veut se rapprocher. C'est de cet être imparfait qu'elle veut se rapprocher. Et le seul moyen pour elle de le faire c'est l'écriture. C'est par l'écriture de ce livre qu'elle va comprendre ce père, le faire tomber de son piédestal pour l'aimer encore plus.



Ce superbe livre, est une magnifique lettre d'amour d'une fille son père. Un amour adulte, un amour débarrassé de toutes les idéalisations de l'enfance. Par ce livre la petite fille devient une femme, en cassant cette image du père parfait. Un texte porté par le style de Laurence Tardieu. Une écriture vivante, vibrante. L'écriture du coeur, une écriture qui bat, qui palpite qui saigne. Encore une fois vous m'avez bouleversé Laurence.


"Mais moi je n'en veux pas des vraies histoires, elles ne m'intéressent pas les vraies histoires, écrire ça n'est pas raconter des histoires, c'est tenter d'atteindre la lisière de la vie, cette matière-là mouvante, violente, imprévisible, or la vie ce n'est pas une histoire, la vie ça ne se déroule pas, ça ne passe pas, ça se tord, ça hoquette, ça n'a ni début, ni milieu, ni fin, pas de personnages, ce sont des corps qui avancent, qui tombent, qui aiment, qui ne savent pas, on avance tous en titubant, et personne n'en sort indemne, on finit tous par mourir."
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Mais qu'est-ce qui lui a pris à Laurence Tardieu d'écrire ce livre ?
Non, pas de l'écrire, ça, ça lui a à priori fait beaucoup de bien.
Mais plutôt, qu'est-ce qui lui a pris de le publier?
Son père lui avait demandé de ne pas le faire.
Et nous, ça ne nous concerne pas.
Qu'elle l'écrive et le donne à son père, ça aurait suffi.
C'est beaucoup trop intime, trop personnel.
Surtout, ça concerne beaucoup trop son père, donc on devient indiscrets.
Il ne nous a rien demandé cet homme, il n'a pas envie qu'on connaisse sa vie.
Et ça se comprend.
Leur relation est bonne, mais il y a beaucoup de silences entre eux.
Silences qui étouffent Laurence Tardieu.
Seule l'écriture la libèrera, ça, on le comprend bien, d'autant qu'elle maîtrise assez bien l'écriture.
Mais de là à nous prendre pour témoins, franchement, ça me gêne beaucoup, et ce n'est pas ce que j'attends d'un écrivain.
J'ai eu la même impression quand j'ai lu Annie Ernaux. Que le lecteur est pris pour un psy.
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Quelle force, quelle jaillissement de mots pour dire ce qui étouffe,ce qui a été tu,ce qui tue ! Quelle richesse de vocabulaire pour dire le non-dit et laisser sourdre un torrent d'émotions et de reproches enfouies, et tenter d'atteindre la vérité des êtres, au plus près d'eux-mêmes. Pour révoquer les hontes, les refus et tout ce poids de culpabilité et d'échec qu'engendrent les fautes. Pour renouer avec la vie, celle qui ouverture et consentement à ce qui est, à ce qui a été. Beau livre en vérité que ce petit texte, incisif, avec ses phrases qui font mouche crevant l'abcès du mensonge et du refoulement.
A conseiller à tous ceux qui un jour ont eu à souffrir du silence de leurs proches ou qui se sont enfermés eux-mêmes dans un silence mortifère.
Laurence Tardieu nous donne ici une belle leçon de vie, d'espérance et de courage pour affronter les démons du "familialement correct".
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critiques presse (6)
Bibliobs
29 septembre 2011
Avec un calme et une douceur étonnants, qui tranchent avec la violence du propos, Laurence Tardieu ressort le dossier du procès, met son père face à sa responsabilité comme pour mieux l'obliger à tomber le masque et l'enjoindre - lui qui a si peur des mots et des gestes essentiels - de la serrer dans ses bras. En somme, elle le condamne à la peine capitale: répondre enfin à son amour fou.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lexpress
14 septembre 2011
Un père qui se dérobe, une mère emportée par la maladie. Un texte poignant sur l'amour filial.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
09 septembre 2011
La Confusion des peines est un livre à la fois pudique et brutal. Il remue, il secoue. Mais tout est dit avec tact, dans le seul but de mettre au jour une vérité.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeSoir
05 septembre 2011
C'est son histoire que Laurence Tardieu raconte ici, comme une nouvelle naissance. Il s'agit du livre d'une fille à son père, mais combien universel ! Ecrit sans chercher la vérité absolue.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Lexpress
26 août 2011
Quand la chute du héros tant admiré meurtrit une famille. Laurence Tardieu brise la loi du silence.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
19 août 2011
Laurence Tardieu fait entendre ses doutes, ses peurs, sa honte née du silence complice, mais aussi les interrogations qui fondent son écriture.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
(...) mon père me parlait d'ennuis avec la justice mais mon père était avec moi, dans cette pièce, à quelques pas, et n'était ce pas ce qui comptait le plus, pourquoi l'aurais contrarié avec mon inquiétude ? Je n'avais pas baissé les yeux. J'avais répondu, souriant moi aussi pour le rassurer, quelque chose comme : "Ah bon? Non, je ne sais pas, je n'ai entendu parler de rien... Mais je ne m'inquiétai pas, bien sur." Il avait eu un bref hochement de tête et s'était éloigné. J'avais poursuivi ma lecture. Voila: c'est comme ça que le silence envahit des vies. De ce silence nous sommes sans doute tous responsables: mon père, ne disant rien, nous, n'osant rien demander.
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Dans notre famille, on se tait.
De plus en plus, on se tait. On s'enfonce dans le mutisme comme d'autres dans l'alcool. Mes livres n'ont rien changé. Mes livres eux aussi se sont laissé avaler. D'année en année, quelque chose qui ressemble à la honte s'est dessiné autour de moi, comme un sillon que je creuserais de mes propres mains, de mes propres mots, je me demande parfois si ce sillon n'est pas ma tombe, si je ne vais pas finir par y tomber, épuisée, épuisée de chercher, de forer, de tenter de faire entendre ma voix, pour , au final, ne recevoir que votre silence, assourdissant comme la plus cinglante des gifles......


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J'ignore tant de toi.Ce qu'est pour toi l'amour, ce qu'est pour toi la mort.Si tu crois en Dieu, si la vie te paraît brève ou longue.Si tu es heureux. Si tu as peur de mourir. Si, à soixante-neuf ans, tu as encore un très grand rêve. Toutes ces questions importantes que je ne t'ai jamais posées. Est-ce que les autres filles posent ces questions à leur père ? Est-ce qu'elles savent, elles, comment leur père aime, s'il a peur de mourir, s'il est heureux ?Moi, je ne sais rien de tout ça.

(Stock, 2011, p.146)
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J’ai rompu la longe qui me retenait à toi, je suis partie dans les collines. De toutes les histoires que j’ai découvertes dans mon enfance, je n’ai pas oublié celle de la chèvre de monsieur Seguin, qui avait tant envie d’aller dans la montagne bien qu’on lui en ait dit tous les dangers, qui s’est battue toute la nuit et au petit matin a fini par succomber. Je mourrai peut être moi aussi dans les collines, mais là tout y est si beau, si libre, si sauvage. Là le temps n’y est plus le même. Il ne se déroule plus : il se fend, et s’ouvre, vertigineux. Un jour, une nuit, voilà l’éternité. Je ne reviendrai plus dans l’enclos. Je me suis détachée de ma longe, je suis sortie de la chambre vénitienne. Je me suis arrachée à toi.
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(***à la mort de la maman)

(...) c'était la mort et la vie dans la même évidence poignante, alors je te serrais, je pensais que c'était un instant qui nous autorisait ça, se serrer dans les bras.
Tu t'es dégagé, légèrement surpris, mal à l'aise: tu ne voulais pas.Même ce matin- là, il ne fallait pas.Entre nous pas d'effusion.On ne dit pas la douleur.On ne dit pas l'amour.On en vibre, on en défaille, mais on les tait.On les cache.


( p.13)
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