La « vie privée » n'est rien d'autre que cette zone d'espace, de temps, où je ne suis pas une image, un objet. C'est mon droit politique d'être un sujet qu'il me faut défendre.
Cette phrase courte de
Roland Barthes extraite de la Chambre claire, donne la tonalité de l'ouvrage de
Mazarine Pingeot,
la Dictature de la transparence, qui fait partie de la collection « Nouvel
les Mythologies », de Robert Laffont.
Le thème de la transparence tient particulièrement à coeur à l'auteure, la fille de François Mitterand, dont l'existence est restée totalement cachée jusqu'en 1994. « Ecrire sur la transparence quand on a vécu dans le secret, puis dans l'exposition totale, c'est occuper en même temps la position de sujet et d'objet d'une réflexion. Ce qui peut nuire au raisonnement – comment rester objectif ? – mais donne aussi un socle à cette réflexion – l'expérience – ce qui oriente certainement l'angle sous lequel on aborde les concepts – mais qui échappe aux biais ? - et dans tous les cas témoigne d'une pensée incarnée ». Dès l'introduction de l'ouvrage
Mazarine Pingeot revient sur la définition du terme de transparence, et souhaite l'analyser en tant que "mythe". Que recouvre le terme de transparence ? L'exigence de transparence que l'on retrouve aussi bien dans la presse à scandales, dans la vie politique, dans les réseaux sociaux n'est-elle pas le plus grand des leurres ? Ne faudrait-il pas se méfier d'une exigence de transparence qui pourrait se confondre avec une forme de totalitarisme ?
La lecture de
la Dictature de la transparence m'a beaucoup intéressée. J'avoue que ce n'est pas une lecture facile, rapide, vite terminée, et vite oubliée. Mes études de philosophie sont bien lointaines, et si j'ai toujours aimé réfléchir sur des textes philosophiques, la difficulté, liée au vocabulaire, à l'analyse des concepts, reste la même… J'ai trouvé le texte particulièrement bien écrit et de grande qualité ; la réflexion est étayée par des exemples clairs : Les nouvelles technologies, les réseaux sociaux sont aussi bien l'objet de l'étude que les philosophes classiques. Les pistes de réflexion sont nombreuses : il ne s'agit pas d'une pensée qui "tourne en rond", mais d'une réflexion qui débouche sur d'autres problématiques, toutes aussi riches les unes que les autres.
Lire un tel ouvrage une seule fois ne me suffit pas – je vais donc le reprendre, relire encore et encore certains passages qui m'ont le plus intéressée, en particulier la troisième partie intitulée « Voir avec ses yeux, voir avec son esprit ». le rôle des médias, le poids des images… Alors que notre société se dévoile totalement, il faut donner à voir, montrer elle n'a jamais été aussi opaque….
J'aimerais terminer par cette phrase extraite de la conclusion de l'ouvrage : "Où se situera le désir dans un monde de transparence ? Où se situeront les oeuvres dans un monde de transparence ? Où se situeront les relations humaines, qui doivent échapper à l'antinomie manichéenne opposant le mensonge à la transparence ? Dans toute antinomie, nulle place pour la symbolisation, la création, la séduction, ces trois voies qui font le sel de notre humanité».
Je tiens à remercier Masse Critique de Babelio, et les Editions Robert Laffont de m'avoir permis de lire et de critiquer cet ouvrage, et de découvrir son auteure.