AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
La trilogie Tedj Benlazar tome 3 sur 3
EAN : 9791095718734
343 pages
Agullo (05/03/2020)
4.25/5   240 notes
Résumé :
« Cette nuit, il y aura des affrontements, il y aura des blessés et des morts. Il y aura la volonté farouche d’un peuple de mettre à bas ses dirigeants. »


Janvier 2011 : le peuple tunisien se soulève et « dégage » Ben Ali. C’est le début des printemps arabes. Vanessa Benlazar grand reporter, pressent que ces révolutions risquent d’être noyautées par les islamistes. Bientôt, la chute de Khadafi, la guerre en Syrie et le chaos qui s’installe lui... >Voir plus
Que lire après La Fabrique de la terreurVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (44) Voir plus Ajouter une critique
4,25

sur 240 notes
5
22 avis
4
17 avis
3
3 avis
2
1 avis
1
0 avis
« La Fabrique de la terreur » est un roman habilement construit malgré la multitude des lieux et des personnages qui sont cités. le fait que le cadre géopolitique corresponde à la triste réalité de ces années 2010/2015 facilite la compréhension. Certains protagonistes de ce roman (Merah, Kouachi, Colibaly, Abdeslam, Ben Ali, Kadhafi, el-Assad, Hollande, Sarkozy) sont évidemment connus des lecteurs, comme les termes DCRI, DGSE, Ennhdha ou CNT. Et si, par hasard, vous avez quelques lacunes, un glossaire et une chronologie de ces « anni horribiles » placés en fin de livre, vous aideront grandement. le livre reflète les débats qui enflammèrent l'opinion publique au sujet du terrorisme, rappelle les liaisons dangereuses entre certains despotes du Sud et nos dirigeants français et revient sur les erreurs des services de renseignements occidentaux. Les autres personnages du roman sont fictifs, même si l'on se doute que certains sont inspirés par de « vraies » personnes. Ces personnages contribuent à porter un éclairage sur les ressorts intimes qui amènent à rejoindre le djihad ou au contraire à lutter contre lui, mais aussi sur la façon dont les événements historiques influent sur nos vies.
Frédéric Paulin sait parfaitement décrire les événements et développer des intrigues. Les cinquante dernières pages offrent un exemple assez frappant de symbiose réussie entre fiction et reportage. J'ai apprécié ce livre et pourtant, je suis un peu frustré… Il est habituellement convenu de regretter que certains livres soient des pavés, sous-entendu, des livres trop longs. Et bien, dans le cas de cette « Fabrique de la terreur », j'ai le sentiment inverse, j'aurais volontiers signé pour 800 au lieu de 400 pages. La concision de certains passages sur des événements tels que la chute de Ben Ali ou celle de Khadafi donnait un côté trop « Que sais-je ?» au récit. Dans la même veine, si j'ai trouvé l'évolution des rapports dans la famille Benlazar suffisamment étayée, j'ai, en revanche, trouvé que les engagements de Simon et ses échanges souffraient de la comparaison avec le livre de Karine Tuil «La décision».
J'ai quelques remords à émettre un avis tempéré lorsque l'auteur est indéniablement talentueux et surtout lorsqu'il est aisé de l'imaginer passant des milliers d'heures à accumuler une documentation précise sur une thématique aussi sensible. Mais les pages sombres qui sont décrites dans le roman ont eu une telle importance dans nos vies personnelles ou nos parcours professionnels que je permets cette forme d'indélicatesse.
C'est donc avec sincérité et malgré les réserves émises, que j'espère que vous vous plongerez dans « La fabrique de la terreur » qui mérite mieux que les quelques centaines de lecteurs sur Babélio. Croyez-bien, que je serais ravi que vous me fassiez part de votre légitime réprobation pour ma sévérité.
Commenter  J’apprécie          272
Tout le talent de Frédéric Paulin semble être, lorsque l'on considère cette trilogie, de se fondre dans son sujet. L'écriture de la guerre est une ruse n'est pas la même que celle de Prémices de la chute, et toutes les deux diffèrent encore de la façon dont est organisé et écrit ce troisième opus, La fabrique de la terreur. Peut-être est-ce, au moins en partie, lié au fait que l'on est de plus en plus proches des événements, puisque ce dernier tome couvre la période allant de 2010 à 2015, avec les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher, en janvier, et ceux du Stade de France, des terrasses et du Bataclan en novembre. Et cette plus grande proximité rend probablement plus difficile la prise de recul.

Dans la chronique de la guerre est une ruse, j'évoquais une description clinique de la situation. Ici, on n'est plus dans le clinique : on est davantage dans l'émotion. Et là où, dans la première partie, c'est au travers des personnages et de leur évolution que Frédéric Paulin créait l'émotion, ici on a le sentiment que nos épidermes sont encore tellement à vif…

Et si je devais décrire en un mot ce livre, je dirai que je l'ai reçu comme le roman du désarroi. Désarroi des hommes et des femmes : de Tedj, en retraite forcé, obsédé par des cauchemars qu'il ne maîtrise plus ; de Laureline, qui se sent écartée, vieille, dépassée ; de Réif, séparé de Vanessa, devenu professeur à Lunel, où il est confronté à l'opposition de plus en plus forte des communautés ; mais aussi, au fur et à mesure du livre, de plusieurs personnages partis vivre leur foi musulmane et qui découvrent une réalité qui les heurte.

Mais le désarroi est aussi celui des institutions. La DCRI, créée par Nicolas Sarkozy de la fusion des Renseignements généraux et de la DST, montre ses insuffisances, mais aussi comment sa création, mal préparée, a surtout provoqué une perte de « mémoire ». le service Action de la DGSE également, représenté dans le livre par le capitaine Pantani, mesure sur le terrain tout le décalage entre les discours politiques et la réalité du terrain. La citation initiale, dans laquelle Pantani annonce le lâchage des Kurdes par les Occidentaux, montre bien comment ces hommes étaient en porte-à-faux.

Désarroi, enfin, des sociétés. En Europe, dans les banlieues, des jeunes désoeuvrés, désabusés, découragés, à qui des groupes islamistes proposent un chemin ; de l'autre côté de la Méditerranée, des pays qui, après avoir subi le joug des colonisateurs, ont été saignés à blanc par des autocrates. Tout cela a fabriqué cette terreur, que chacun ressent mais dont personne ne sait comment sortir. Alors les vieux réflexes reviennent, la peur engendre la violence, quand on n'a plus rien à perdre…

On n'imaginait pas une fin heureuse. Frédéric Paulin ne nous la joue pas à la Disney, c'est le moins que l'on puisse dire. Chacun avance vers l'inexorable destin qui nous attend tous…

J'ignore d'où l'auteur tire ses informations, notamment sur l'état des services, le moral des troupes, la vision désenchantée incarnée par Pantani. Mais, dans tous les cas, mention spéciale doit être faite sur la précision des situations, des sources : probablement un gros travail de recherche !
Lien : https://ogrimoire.com/2020/1..
Commenter  J’apprécie          292
Le dernier roman de Frédéric Paulin fait figure d'événement tant les deux précédents ouvrages ont marqué les esprits en nous dressant un portrait à la fois éclairé et pertinent de la constellation des mouvances terroristes djihadistes dont l'impact marque désormais durablement le monde. Annoncé comme un triptyque, cet examen débutait avec La Guerre Est Une Ruse nous permettant de découvrir un épisode méconnu de la guerre civile en Algérie dans les années 90 et l'exportation du conflit sur le territoire français tout en faisant la connaissance de Tedj Benlazar, agent de la DGSE. Point de bascule de l'univers du terrorisme, Prémices de la Chute dépeignait les origines d'Al-Qaïda, au gré de l'émergence de mouvances du côté de Roubaix puis des brigades islamistes combattant en ex Yougoslavie et en Afghanistan avec comme focus les événements du 11 septembre 2001. Avec La Fabrique de la Terreur, on connaît déjà la fin de l'histoire puisque c'est à partir des attentats du 13 novembre 2015 à Paris que Frédéric Paulin avait pris le parti de répondre à cette fameuse question de savoir comment on en était arrivé à de telles extrémités en rédigeant cette trilogie dantesque où les faits d'actualité s'imbriquent parfaitement dans le cours d'une intrigue où l'on prend plaisir à retrouver Tedj Benlazar et sa compagne Laureline Fell qui a pris du galon au sein des services du renseignement français. du Printemps Arabe aux tueries de Toulouse et de Montauban, puis de la guerre civile en Libye aux attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher, c'est également l'occasion de prendre conscience de ce phénomène de radicalisation poussant de jeunes gens à s'engager dans l'armée de Daech pour combattre en Syrie.



En janvier 2011, Vanessa Benlazar, grand reporter indépendante, se rend en Tunisie pour rapporter les événements de cette révolte du peuple tunisien qui marque le début du printemps arabe. Autour de cette révolution, la jeune journaliste distingue des groupes islamistes tentant de prendre le contrôle du pouvoir que ce soit en Libye avec la chute de Kadhafi puis en Syrie qui sombre dans le chaos tandis qu'une nouvelle organisation prônant la haine de l'occident voit le jour tout en mettant en place des méthodes de recrutement insidieuses pour inciter les jeunes à s'engager dans le djihad. Mutée à Toulouse en tant que responsable de l'antenne régionale de la DCRI, la commissaire Laureline Fell s'interroge de son côté sur les liens de certains individus inquiétants avec des mouvances terroristes à l'instar d'un certain Merah qui a séjourné dans plusieurs pays du Proche-Orient comme l'Irak et l'Afghanistan ainsi qu'au Pakistan. Mais au gré des réformes des services de renseignement français, il n'est guère aisé d'affronter un ennemi qui s'est adapté aux nouvelles technologies afin de retourner la fange d'une jeunesse désemparée qui trouve désormais ses idéaux dans une radicalisation extrême. Reif, le compagnon de Vanessa, désormais professeur au lycée de Lunel en sait quelque chose lui qui observe le comportement hostile de plusieurs de ses élèves ne trouvant plus de sens dans l'enseignement qui leur est dispensé. Une bombe à retardement sociale qu'il va falloir désamorcer coûte que coûte. Mais n'est-il pas déjà trop tard ?



On poursuit donc cette exploration de la terreur en s'intéressant plus particulièrement au climat social qui conduit de nombreux jeunes à se radicaliser pour se rendre en Syrie afin d'intégrer l'armée de Daech. Avec La Fabrique de la Terreur, Frédéric Paulin décortique ce processus de radicalisation en suivant plus particulièrement les parcours de Simon, habitant de Lunel et celui de Wassin qui a vécu l'effervescence de cette révolte du peuple tunisien. On perçoit ainsi le dénominateur commun de l'exclusion sociale qui conduit ces deux jeunes hommes à s'engager dans des causes extrêmes dans lesquelles ils trouveraient enfin une certaine reconnaissance sans vraiment prendre pleinement conscience de s'engouffrer vers un point de non-retour qui n'a rien à voir avec la propagande islamiste présentant cette guerre comme une espèce de jeu vidéo. le choix de la ville de Lunel, dans laquelle évolue plusieurs protagonistes comme Reif, le professeur décontenancé par l'attitude hostile de certains de ses élèves, n'a rien anodin puisque la cité, classée en zone de sécurité prioritaire, a abrité une filière djihadiste permettant à une vingtaine de jeune de rejoindre les rangs des combattants de Daech. C'est autour de ce phénomène que Frédéric Paulin bâti son intrigue en restituant ce climat délétère qui règne au sein d'une communauté désemparée par le manque de perspectives en étant plus particulièrement plombée par un chômage endémique.



Comme on l'a déjà souligné à la lecture des ouvrages précédents, il faut saluer cette capacité saisissante de Frédéric Paulin à synthétiser une documentation foisonnante sur ce sujet sensible du terrorisme islamiste afin de l'intégrer au fil d'un récit qui se cale parfaitement sur les événements qui ont marqué cette thématique, même s'il faut parfois souligner un concours de circonstances assez exceptionnelle afin que les protagonistes se retrouvent impliqués dans le théâtre des attentats qui ponctuent le roman. Que ce soit les tueries de Montauban et de Toulouse, les attentats de Charlie Hebdo, de l'Hyper Casher ainsi que ceux du 13 novembre 2015 à Paris, Frédéric Paulin a eu le bon goût de ne pas s'attarder sur le déroulement des événements pour mieux se focaliser sur leurs conséquences ainsi que sur les enchaînements qu'observent des journalistes comme l'impétueuse Vanessa Benlazar ou des membres du renseignement français comme Lauréline Fell dont on peut mesurer tout le désarroi à l'aune d'une réorganisation chaotique des différents services qui peinent encore à collaborer. On retrouve donc avec plaisir l'ensemble des personnages qui ont traversé ce triptyque afin d'observer leurs évolutions respectives en nous offrant ainsi une nouvelle dynamique extrêmement bien construite notamment pour tout ce qui a trait aux rapports entre Tedj Benlazar et sa fille Vanessa dont les retrouvailles donnent lieu à un épilogue d'une belle charge émotionnelle qui s'accorde parfaitement avec la trame du récit.



Ainsi La Fabrique de la Terreur conclut avec maestria ce vertigineux et ambitieux portrait de l'univers du terrorisme qui a marqué le monde, et plus particulièrement la France, durant ces trois dernières décennies au gré d'une intrigue au souffle romanesque puissant. Précis et brillant.



Frédéric Paulin : La Fabrique de la Terreur. Editions Agullo 2020.



A lire en écoutant : Et Si En Plus Y'a Personne d'Alain Souchon. Album : La Vie de Théodore. 2005 – Parlophone Music.
Lien : http://monromannoiretbienser..
Commenter  J’apprécie          140
La fabrique de la terreur de Frédéric Paulin
Bien que n'ayant pas lu les deux précédents livres de Frédéric Paulin, La guerre est une ruse et Prémices de la chute, j'ai tout de suite été attirée par ce livre découvert dans le rayonnage de ma bibliothèque de campagne, avant cette nouvelle période de confinement, intrigué par cette couverture rouge et cette phrase mise entre guillemets en quatrième page de couverture «  Cette nuit, il y aura des affrontements, des blessés et des morts. Il y aura la volonté farouche d'un peuple de mettre à bas ses dirigeants. »
En 2010, Mohamed a reçu une gifle de trop. Son vrai nom est Tarek et il vit avec sa mère , son beau-père et ses sis frères et soeurs à Sidi Bouzid. Il a quitté le lycée en terminale et s'est mis à la recherche d'un travail pour subvenir aux besoins de sa famille. Comme la plupart des jeunes chômeurs , il est devenu marchand ambulant de fruits et légumes. Chaque jour il reçoit des gifles, car il ne peut payer les bakchichs pour obtenir l'autorisation de vendre sa marchandise. Chaque jour les flics se servent dans sa caisse et lui volent des fruits ou des légumes. C'est comme cela. Aujourd'hui une jeune policière lui a ordonné de déguerpir et a voulu lui prendre sa charrette. Il croit bien qu'elle l'a giflé. de désespoiren désespoir Mohamed Bouazizi a décidé de refuser définitivement de recevoir des gifles.   Un jeune homme s'est immolé à Sidi Bouzid et se trouve entre la vie et la mort. Aucun journal ne parle de son sacrifice. Les journaux ne répêtent que les mots du pouvoir, mais tout se sait dans la rue et son geste ne doit rester le geste d'un désespéré. La haine gronde est devient immense. le peuple hurle contre son président Ben Ali. Partout en Tunisie le slogan «  Ben Ali dégage ! » est scandé. Lors des manifestations des coups de feu claquent, le peuple trop longtemps opprimés, se révolte. Des noms des personnes tuées par la police de Ben Ali circulent. La révolution est en marche.
Quittant la Tunisie, Frédéric Paulin, nous amène à Lunel . Nous y rencontrons pour la première fois Simon qui s'étant converti à l'Islam, ne serre plus les mains, ne veut plus avoir de relations avec des filles ni avec les Européens qui sont « Kouffar » et Wassin qui a vécu la révolte du peuple tunisien, en décortiquant le processus de radicalisation.
Nous pénétrons dans une mouvance islamiste surveillée par le brigadier Ihsane Chaoui est le lieutenant Bout de l'An qui voit arriver en 2011 dans la cité du Mirail,les deux frères Merah. Ce livre résonne alors différemment à mes oreilles et je ne vais plus le quitter avant de l'avoir terminé.
A Toulouse, la commissaire Laureline Fell dirige la DCRI. Organisme créé par Nicolas Sarkozy en réunissant la DST et les Renseignements Généraux. «  Certes l'ancienne DST et les RG posaient des problèmes de coordination, de guerres de services, mais la nouvelle DCRI ne donne rien d'efficace. » le travail de Fell s'en voit compliqué et elle se rappelle «  de la difficulté qu'ils ont eu pour stopper la cavale meurtrière de Khaled Kelkal . » Nous suivrons alors les parcours au combien difficiles de Laureline Fell, commandante à la DCRI, compagne de Tedj Benlazar ( commissaire mis à la retraite d'office ) et la fille de celui-ci, Vanessa grand reporter free-lance qui se rendant en Tunisie pour couvrir les événements, veut relater la déception des jeunes Tunisiens qui à cause de la tiédeur du parti islamiste « Ennahdha » vont rejoindre les troupes d' Al-Quaïda en Libye.
De là, comme un reporter au coeur de l'action terroriste, nous allons à la rencontre des terroristes de Daech faisant des allers-retours entre la Syrie et l'Europe, sans qu'aucune force policière Européenne ne les arrêtent. Puis nous serons dans le désert avec nos Forces Spéciales qui prennent des initiatives ou répondent aux ordres de l'Élysée via leur service de la Caserne Mortier, aux demandes d'opérations spéciales, notamment d'élimination physique.
Et l'on suit Mohamed Merah et les atermoiements des services qui nous donnent une autre lecture des événements terroristes lors des attaques de Montauban et de Toulouse, de Charlie Hebdo de Bruxelles et du Bataclan. L'on s'insurge à posteriori devant l'incapacité des services secrets à agir, face à la détermination de quelques individus ou groupuscules organisées pour semer la terreur, ou des non réponses politiques face aux Pays soutenant le terrorisme.
L'on vit aussi avec ces jeunes Européens et Arabes, sous la coupe d'islamistes , l'horreur de leurs attaques et l'on partage l'angoisse de mourir  là-bas  avec ceux et qui ne savent pas comment revenir et comprenne que ce n'est pas du tout ce qu'on leur avait promis en les enrôlant . le pire n'était pas à venir, il était là présent, chaque jour pour eux, mais aussi pour leur femme et leurs enfants, soumis au même régime.
Frédéric Paulin, par son récit précis, détaillé extrêmement bien documenté ( il suffit de se référer au glossaire pour resituer les dates les lieux et les personnes rencontrées au fil des pages de ce roman ) réussi l'exploit de synthétiser une masse d'information sur le terrorisme islamiste et de l'intégrer aux événements toujours en mémoire les tueries de Montauban et de Toulouse, les attentats de  Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher et de ceux du 13 novembre 2015. »
C'est un roman dont je ne me suis pas parvenu à me passer et qui me donne l'envie de revenir très bientôt sur les deux tomes précédents de Frédéric Paulin à savoir : La guerre est une ruse et Prémices de la chute. Bien à vous .
Commenter  J’apprécie          30
Ce dernier tome de la trilogie Benlazar nous mène en Tunisie et Lybie lors des évènements qu'on a appelé Printemps Arabe en 2011. Dégager le "clan Ben Ali", corrompu, détournant les richesses du pays, et développer la démocratie. En Tunisie, c'était sans compter sur les islamistes d' Ennahdha qui veut surfer sur ce "dégagisme" et tirer les marrons du feu. Ils y parviendront mais cela ne satisfait pas les plus radicaux d'al Qaïda. Alors, que le salafisme développe sa vision du Maghreb et de la Charia par l'intermédiaire des mosquées, les jeunes désoeuvrés se radicalisent. Ils vont devenir les combattants du futur Daech.
Entre temps l'Egypte s'est débarrassée de Moubarak avec les émeutes liées à l'augmentation du prix du pain.
La Libye s'enflamme à son tour, et dans chaos s'affrontent les Islamistes, les forces occidentales et l'armée de Khadafi.
Puis c'est la Syrie qui s'embrase, et ce conflit va bouleverser le monde entier : Bachar El Assad veut garder le pouvoir aidé par l'Iran et la Russie, l'Occident arme l' Armée Syrienne libre (avec l'aide d'islamistes d'al Qaïda), l'Etat Islamique veut y créer son califat et les Kurdes revendiquent une partie de ce territoire (les YPG combattent les islamistes de l'État Islamique), la Turquie combat les kurdes et est une passoire pour qui veut s'engager avec l'EI. Voilà le topo : c'est le bourbier.
En France, Mohamed Merah, petit voyou en quête d'Islam va assassiner des militaires a Toulouse. Des cellules de recrutement islamistes à Lunel, à Paris, à Molenbeek en Belgique vont dresser les jeunes partir faire le djihad et à tuer.
Vanessa, la fille de Benlazar, devenue journaliste, va s'intéresser à ces jeunes radicalisés, à leur recrutement, et voyager à Tunis, en Syrie pour comprendre le mécanisme du chaos. On croise de personnages bien réels qui feront le une des journaux de 2015 : les frères Kouachi, A. Coulibaly, A. Abaaoud l'organisateur des attentats de Paris (stade de France, Bataclan, terrasses des 10 et 11 ème arrondissements, celui du musée juif de Bruxelles, en Belgique), les frères Abdeslam.
Reif, ex journaliste et marié à Vanessa, s'est reconverti en enseignant et se coltine la radicalisation islamiste des élèves à Lunel.
Laurine Fell, est passée de la DRCI (de Sarkozy) La DGSI (de Hollande) après le fiasco de l'arrestation de Merah.
Les services de renseignements et sécurité intérieurs, en restructuration constante, perdent les traces des Fichés S qu'ils surveillent. Et c'est ainsi qu' Abaaoud se balade et prépare ses méfaits en Europe.
Benlazar, rangé, a encore des connaissances à la DGSE. Il s'en servira pour sauver encore la vie de sa fille.
Ce roman nous parle de l'exportation du conflit Occident- État Islamique en Europe (après les attentats de 2001 aux U.S, voir "prémices de la chute"). Il met en exergue la difficulté de lutter contre la radicalisation d'une jeunesse désoeuvrée, désespérée, parfois révoltée et manipulée par Daech dans les pays cités. Bien documenté, Frédéric Paulin nous écrit des personnages déterminés, mais qui doutent aussi, en Syrie, face à la violence des conflits et celle de Daech. Malgré les puissantes armées et forces de police, malgré les enquêtes des services secrets, c'est l'apparition de "loups solitaires" et leur terrorisme "low cost" que craignent les dirigeants politiques. Et cette terreur ne finit jamais, l'ennemi vengeur de l'Etat Islamique décapité sur son embryon de territoire à Raqqa, est devenu invisible, et potentiellement partout présent. C'est ce qu'on ressent à la lecture de ce très bon roman : une infinie crainte de l'attentat. Évidemment, écrit en 2020, ce roman retrace le parcours des terroristes avec du recul, mais le schéma "pauvreté révolte-guerre civile" alimenté par la corruption, les nationalismes et les radicalisations religieuses terroristes - lui - est toujours d'actualité... C'est le thème de cette excellente trilogie historique, que je recommande. Frédéric Paulin nous aide à comprendre sur quoi se bâtit le monstre. Il est bon de s'en souvenir !
Commenter  J’apprécie          50


critiques presse (1)
Culturebox
29 juillet 2020
Frédéric Paulin essaye de comprendre, par les moyens du roman, comment des hommes, grandis en France, finissent par tirer sur des gens attablés joyeusement à la terrasse d’un café.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Une gifle.
Mohamed a reçu une gifle de trop.
Son vrai nom c’est Tarek. Sa famille et ses amis l’appellent Mohamed parce qu’il a un homonyme dans le voisinage. La famille, c’est le plus important. Il vit à Sidi Bouzid, avec sa mère, son beau-père et ses six frères et sœurs. Ils habitent une petite maison dans le quartier pauvre d’Ennour Gharbi. Mohamed a tout sacrifié à sa famille : il a quitté le lycée en terminale et s’est mis à la recherche d’un travail pour subvenir aux besoins des siens. N’en trouvant pas, il a fait comme la plupart des jeunes chômeurs ici : il est devenu marchand ambulant de fruits et légumes.
Des gifles, il en a reçu. Il en reçoit chaque jour. Puisqu’il n’a pas les moyens de payer les bakchichs pour obtenir l’autorisation de vendre sa marchandise, les flics se servent dans sa caisse, lui volent des fruits ou des légumes. C’est comme ça : il paye et doit quand même déplacer son étal.
Aujourd’hui, il a refusé d’obtempérer. Une colère aveugle l’a submergé. La jeune policière qui lui a ordonné de déguerpir a voulu saisir sa petite charrette. Il croit bien qu’elle l’a giflé – ça, Mohamed n’en est plus certain tant la rage l’étouffait. Il se souvient seulement qu’il l’a repoussée, qu’il a essayé de lui arracher les épaulettes de son uniforme.
Les flics lui ont pris la charrette, son seul moyen de subsistance. Il s’est rendu au siège du gouvernorat pour savoir pourquoi on lui avait retiré son outil de travail. Il a crié aux fonctionnaires de service qu’ici, le pauvre n’avait même pas le droit de vivre ! Les gardes l’ont expulsé brutalement par-delà l’épaisse grille noire du portail d’entrée. Une gifle encore, des gifles toujours.
La colère a laissé place à un désespoir sans fond. La certitude de ne jamais pouvoir vivre décemment l’a anéanti. Sa dignité a reçu trop de gifles, il n’en reste rien.
Il fixe quelques instants l’imposant bâtiment du gouvernorat d’où rien de bon ne sortira jamais. Le président Ben Ali et ses sbires qui vivent comme des nababs dans leur palais de Carthage n’ont de cesse d’humilier les Tunisiens. Cela dure depuis tant d’années que rien ne changera plus. Pas pour lui, pas pour les Tunisiens qui subsistent d’expédients, craignent le lendemain et ne voient plus aucun avenir dans leur pays, ni pour eux ni pour leurs enfants ou les enfants de leurs enfants.
Là-haut, sur le toit, la monumentale sculpture du croissant arabe se détache sur le ciel bleu azur, le temps est très agréable pour cette fin décembre. Le sirocco apporte les parfums des plantations. Les amandes, les pistaches, Mohamed a toujours aimé ces odeurs. Il a même l’impression de sentir l’odeur acre du jasmin. Le jasmin, c’est beau le jasmin…
Mais c’est l’odeur de la térébenthine qui lui pique le nez, le liquide inflammable lui irrite les yeux et tous les pores de la peau.
Il jette au loin la bouteille vide et craque une allumette.
Mohamed Bouazizi a décidé de refuser les gifles.
Commenter  J’apprécie          10
... Arnaud Loewe, directeur de la division de lutte contre le financement du terrorisme de Tracfin, n'y est pas allé par quatre chemins : son fatalisme n'est pas de façade. Selon les données des Américains, les attentats du 11 septembre 2001 avaient coûté entre 400000 et 500 000 dollars qu'Al-Qaida avait fait transiter par un montage financier opaque et pointu. Selon Loewe, on est aujourd'hui entré dans l'ère du terrorisme low-cost : les attentats de Charlie Hebdo n'ont nécessité qu'un peu plus de 20 000 euros.
-D'où viennent ces sommes ? L'Arabie Saoudite, le Qatar?
-Non, les monarchies du Golfe, ou plus exacte- ment des individus proches du pouvoir, financent les grandes organisations, l'État islamique ou Al-Qaida. Les frères Kouachi se sont presque autofinancés. Plus les sommes nécessaires sont faibles, plus la surveillance est compliquée.
Commenter  J’apprécie          40
Depuis octobre, la coalition des kouffar américains et de leurs alliés arabes bombarde Raqqa sans relâche : il y a eu plus de deux mille attaques. La tension monte en ville, la chasse aux mauvais croyants s'intensifie. La police isla- mique, chargée de punir ceux et celles qui ne respectent pas les lois de Daech, hante les rues tels des fantômes noirs armés de Kalachnikov. Pour une femme qui ose dévoiler ses yeux : cent coups de bâton; un taxi qui prend à son bord une femme seule : trente coups de fouet. Sur les places, une odeur putride s'élève des cadavres mutilés abandonnés là où ils sont tombés, sur le « rond-point de l'enfer », il y a des têtes plantées sur des piques pour servir d'exemple.
Commenter  J’apprécie          20
Derrière [les attentats] il y a les Saoudiens et les Qataris. D'un côté, ils financent le terrorisme, de l'autre ils sont propriétaires du PSG. Alors on fait quoi, nous dans ce merdier ?
(p. 228)
Commenter  J’apprécie          60
Un instant de flottement, les minutes paraissent des heures, perdues. Pantani rappelle Paris : C’est la merde, les mecs du CNL ne veulent pas s’engager dans une poursuite ! Ces types n’ont pas le niveau ! s’emporte-t-il. Il raccroche, ses hommes sont fébriles, ils n’ont pas son expérience du combat. Le colis va se barrer, grogne Martinez. (…) Pantani ne fait pas de politique, mais il sait que l’Histoire retiendra que les rebelles libyens se sont débarrassés d’un dictateur qui opprimait son peuple depuis plus de quarante années. L’Histoire se souviendra que les Égyptiens ont fait de même avec Moubarak, les Tunisiens avec Ben Ali, les Syriens, bientôt, avec El-Assad.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Frédéric Paulin (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frédéric Paulin
Après l'Algérie des années 90 dans la trilogie Benlazar, Frédéric Paulin revient dans La Nuit tombée sur nos âmes sur les événements qui ont accompagné le sommet du G8 à Gênes en 2001. Plus de 500 000 manifestants s'étaient réunis contre la mondialisation sauvage. Malheureusement, les violences policières firent aussi un mort, blessant et torturant de nombreux participants. Frédéric Paulin nous offre un roman noir, comme une leçon d'Histoire, au coeur d'un événement fondateur.
autres livres classés : romans policiers et polarsVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (542) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2864 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..