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Isabelle Stengers (Collaborateur)
EAN : 9782738103307
223 pages
Odile Jacob (18/02/1996)
4/5   21 notes
Résumé :
« En cette fin de Siècle, la question de l'avenir de la science est Souvent posée. Je crois que nous sommes seulement au début de l'aventure. Nous assistons à l'émergence d'une science qui n'est plus limitée à des situations simplifiées, idéalisées, mais nous met en face de la complexité du monde réel, une science qui permet à la créativité humaine de se vivres comme l'expression singulière d'un trait fondamental de tous les niveaux de la nature. J'ai tenté de prése... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
« Nous vivons un moment privilégié de l'histoire des sciences », nous dit Prigogine à la fin de ce livre. Bon.
Sur Babelio, il y a beaucoup de littéraires que la seule vue du mot science fait sans doute fuir à grands clics de souris, car les souvenirs scolaires qu'ils en ont leurs évoquent plutôt des scènes de torture mentale. Pourtant, je voudrais qu'ils lisent ma critique jusqu'au bout (même en jurant que c'est la dernière fois qu'ils liront un texte ayant un quelconque rapport avec la science !), car, d'une part, je pense qu'il faut se libérer des barrières mentales que nous mettons entre lettres et sciences, et puis, parce que la pensée scientifique a profondément changé, même si le grand public, inondé d'informations techniques, l'ignore souvent.
Et pour ma part, c'est ce que je trouve le plus intéressant en sciences : non seulement elles font progresser nos connaissances, mais elles éclairent aussi notre conception du monde. Car la révolution conceptuelle en sciences est en train de révolutionner aussi la philosophie tirée des sciences.
Ilya Prigogine, qui travaille souvent avec la philosophe Isabelle Stengers, fait partie des scientifiques dont l'évolution des idées en science « pousse » jusqu'à la philosophie, comme le faisait le paléontologue Stephen Jay Gould.
Ilya Prigogine est un physicien, prix Nobel de chimie, qui s'est consacré à l'étude théorique des phénomènes thermodynamiques, notamment des phénomènes irréversibles. Il a été à l'origine d'une véritable révolution dans cette discipline. Ce qu'il exprime dans ce livre, c'est que cette révolution, qui a eu des conséquences en chimie, en biologie moléculaire, et donc en biologie, est une révolution conceptuelle, qui a aussi des conséquences philosophiques sur la manière dont on conçoit la nature, la vie, et l'être humain.
La théorie du chaos avait remis en cause bon nombre de certitudes. Celle du chaos déterministe (dynamiques obéissant à des lois malgré une apparence de développement semblable au hasard) avait elle-même remis en cause ces nouvelles certitudes. Avec la théorie des systèmes dissipatifs, Ilya Prigogine montre qu'il n'y a pas un seul domaine scientifique qui échappe à cette révolution conceptuelle. En effet, en thermodynamique, le « second principe » faisait parti des certitudes les plus ancrées. On considérait jusqu'alors que les états « hors équilibre » pouvaient être négligés, par approximation. Pourtant, Prigogine a montré que les états « hors équilibre », n'obéissent plus à cette loi : l'entropie augmente, mais la perte de qualité de l'ordre, qu'on croyait inévitable, n'est plus réalisée que globalement. Un ordre peut être fondé sur le désordre.
Il n'est pas possible de rentrer dans les détails, mais là encore, on découvre que le monde est plus complexe qu'on ne l'avait imaginé.
Avec ses collaborateurs, Prigogine a appliqué sa théorie à la discussion de quelques problèmes importants de biologie, en particulier l'énergétique du développement de l'embryon.
Les systèmes dissipatifs fournissent une explication simple à l'accroissement de complexité, qu'il s'agisse de l'inanimé, du biologique ou du social. La notion d'instabilité, de chaos, d'amplification, est ainsi aujourd'hui au centre des préoccupations d'un nombre croissant de chercheurs dans des domaines allant des mathématiques... à l'économie. (Par exemple, lors de la crise boursière du 6 mai 2010, les désordres financiers qui se sont produits ce jour-là illustrent bien, en termes économiques, des notions comme celles de chaos, de fluctuation ou d'amplification, auxquels la presse a, à cette occasion, ouvert un chemin vers le grand public).
La science actuelle n'est plus fondée sur des objets fixes, mais sur l'organisation spontanée du désordre d'un grand nombre d'éléments interagissant. La nouvelle philosophie scientifique, dépassant les anciennes dichotomies, reconnaît l'interpénétration entre déterminisme et contingence, entre lois et désordre, entre matière et vide, entre inerte et vivant (le cas du prion est à ce titre intéressant), etc...
Cela signifie peut-être, entre autres, qu'il faut changer la conception selon laquelle le désordre produit du désordre et l'ordre produit de l'ordre...
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La fin des certitudes c'est ici la fin du déterminisme. Les insuffisances de ma culture mathématique ne me permettent pas de goûter les arguments de ce livre de physique mathématique. Prigogine y soutient que l'indéterminisme de la physique quantique est généralisable à la physique macroscopique.
En héritier des travaux de Henri Poincaré sur le problème des trois corps, Ilya Prigogine généralise le statut de la rupture de symétrie temporelle propre à la thermodynamique ( la fameuse flèche du temps). En introduisant les mathématiques de Poincaré (les Grands Systèmes de Poincaré) dans la physique quantique et de la relativité il introduit un temps orienté dans celles-ci; c'est-à-dire un temps pour lequel passé et avenir ne sont plus équivalents.
Ainsi, l'idéal scientifique dont la figure emblématique est représentée par "Le démon de Laplace" laisse la place à une description de la nature comme processus de création; il faudrait renoncer à cette fiction du démon de Laplace capable de reconstruire le passé de l'univers et de prévoir son avenir rien que par la connaissance totale de la position et du moment de chacune des particules qui le composent.
Cette description mathématique ne montre plus un univers tournant comme une horloge dont la mécanique pourrait se remonter à l'identique vers le passé ou l'avenir à la façon d'un film qu'on rembobine, les lois restant mathématiquement semblables selon le sens par lequel on fait défiler le temps (ce modèle de temps). L'univers redevient un processus créateur dans un temps orienté.
Cette analyse mathématique des concepts de la physique (thermodynamique, quantique, Newtonienne et relativiste) rapproche Prigogine - mais par une toute autre voie - d'une vision de l'univers qui ressemble celle du Bergson de l'évolution créatrice.
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Prigogine nous livre une conception de l'univers à la fois proche du sens commun (à l'inverse de celle d'Einstein) et profondément ancrée dans sa propre recherche scientifique. Il refuse le déterminisme classique, mais relève l'existence de déterminismes dans la nature physique, qui alternent avec des "points de bifurcation". Dans le premier cas, les systèmes sont stables, dans le second, ils peuvent évoluer dans plusieurs directions. L'enjeu, pourrait être, selon Prigogine lui même, d'applique ce modèle à l'histoire humaine, qui comporte des points de bifurcation comme la Révolution française ou la chute du mur de Berlin...
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merci
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
« La question du temps et du déterminisme n’est pas limitée aux sciences, elle est au cœur de la pensée occidentale depuis l’origine de ce que nous appelons la rationalité et que nous situons à l’époque pré-socratique. Comment concevoir la créativité humaine, comment penser l’éthique dans un monde déterministe ? [...] La démocratie et les sciences modernes sont toutes deux les héritières de la même histoire, mais cette histoire mènerait à une contradiction si les sciences faisaient triompher une conception déterministe de la nature alors que la démocratie incarne l’idéal d’une société libre. Nous considérer comme étrangers à la nature implique un dualisme étranger à l’aventure des sciences aussi bien qu’à la passion d’intelligibilité propre au monde occidental. Cette passion est selon Richard Tarnas, de "retrouver son unité avec les racines de son être". Nous pensons nous situer aujourd’hui à un point crucial de cette aventure au point de départ d’une nouvelle rationalité qui n’identifie plus science et certitude, probabilité et ignorance. En cette fin de siècle, la question de l'avenir de la science est souvent posée. Pour certains, tel Stephen Hawking dans sa Brève histoire du temps, nous sommes proches de la fin, du moment où nous serons capables de déchiffrer la "pensée de Dieu". Je crois, au contraire que nous sommes seulement au début de l’aventure Nous assistons à l’émergence d’une science qui n’est plus limitée à des situations simplifiées, idéalisées, mais nous met en face de la complexité du monde réel, une science qui permet à la créativité humaine de se vivre comme l’expression singulière d’un trait fondamental commun à tous les niveaux de la nature. »
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« …Les "lois du chaos" associées à une description régulière et prédictive des systèmes chaotiques se situent au niveau statistique. C’est ce que nous entendions lorsque nous parlions à la section précédente d’une "généralisation de la dynamique". Il s’agit d’une formulation de la dynamique au niveau statistique qui n’a pas d’équivalent en termes de trajectoires. Cela nous conduit à une situation nouvelle. Les conditions initiales ne peuvent plus être assimilées à un point dans l’espace des phases, elles correspondent à une région décrite par une distribution de probabilité. Il s’agit donc d’une description non-locale. De plus, comme nous le verrons, la symétrie par rapport au temps est brisée car dans la formulation statistique le passé et le futur jouent des rôles différents. Bien sûr, lorsque l’on considère des systèmes stables, la description statistique se réduit à la description usuelle. On pourrait se demander pourquoi il a fallu tellement de temps pour arriver à une formulation des lois de la nature qui inclue l’irréversibilité et les probabilités. L’une des raisons en est certainement d’ordre idéologique : c’est le désir d’accéder à un point de vue quasi divin sur la nature. Que devient le démon de Laplace dans le monde que décrivent les lois du chaos ? Le chaos déterministe nous apprend qu’il ne pourrait prédire le futur que s’il connaissait l’état du monde avec une précision infinie. Mais on peut désormais aller plus loin car il existe une forme d’instabilité dynamique encore plus forte, telle que les trajectoires sont détruites quelque soit la précision de la description. Ce type d’instabilité est d’une importance fondamentale puisqu'il s’applique, comme nous le verrons, aussi bien à la dynamique classique qu’à la mécanique quantique. ll est central dans tout ce livre. Une fois de plus, notre point de départ est le travail fondamental d’Henri Poincaré à la fin du 20e siècle »
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« A quelque niveau que ce soit, la physique et les autres sciences confirment notre expérience de la réalité : nous vivons dans un univers en évolution. [...] La dernière forteresse qui résistait à cette affirmation vient de céder. Nous sommes maintenant en mesure de déchirer le message de l’évolution tel qu’il prend racine dans les lois fondamentales de la physique. Nous sommes désormais en mesure de déchiffrer sa signification en termes d’instabilité associée au chaos déterministe et à la non-intégrabilité. Le résultat de notre recherche est en effet l’identification de systèmes qui imposent une rupture de l’équivalence entre la description individuelle (trajectoires, fonctions d’onde) et la description statistique d’ensembles. Et c’est au niveau statistique que l’instabilité peut être incorporée dans les lois fondamentales. Les lois de la nature acquièrent alors une signification nouvelle : elle ne traitent plus de certitudes mais de possibilités. Elles affirment le devenir et non plus seulement l’être. Elles décrivent un monde de mouvements irréguliers, chaotiques, un monde plus proche de celui qu’imaginaient les atomiques anciens que des orbites newtoniennes. »
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« Les résultats présentés dans ce livre n'ont mûri que lentement. Il y a maintenant cinquante ans que j'ai publié mon premier article sur la thermodynamique de non-équilibre. Dans ce travail, je soulignais déjà le rôle constructif de l'irréversibilité. A ma connaissance c'était la première publication qui posait le problème de l'auto-organisation associé à l'écart de l'équilibre. Après tant d'années, je me demande souvent pourquoi la question du temps m'a tellement fasciné. Mais aussi pourquoi il m'a fallu tant d'années pour établir le lien entre irréversibilité et dynamique. Ce n'est pas ici le lieu de présenter l'histoire de la thermodynamique et de la mécanique statistique pendant ce demi-siècle. Je voudrais seulement tenter d'expliquer ma motivation et insister sur les difficultés que j’ai rencontrées sur ce chemin. J’ai toujours pensé que la science était un dialogue avec la nature. Comme dans tout dialogue véritable les réponses sont souvent être inattendues. »
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« Le second développement concernant la révision du concept de temps en Physique a été celui des systèmes dynamiques instables. La science classique privilégiait l’ordre, la stabilité, alors qu’à tous les niveaux d’observation nous reconnaissons désormais le rôle primordial des fluctuations et de l’instabilité [...] Mais comme nous le montrerons dans ce livre, les systèmes dynamiques instables conduisent aussi à une extension de la dynamique classique et de la physique quantique, et dès lors à une formulation nouvelle des lois de la physique. Cette formulation brise la symétrie entre passé et futur qu’affirmait la physique traditionnelle, y compris la mécanique quantique et la relativité. [...] Dès que l’instabilité est incorporée, la signification des lois de la nature prend un nouveau sens. Elles expriment désormais des possibilités. »
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