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EAN : 9782264078414
456 pages
10-18 (18/03/2021)
2.94/5   294 notes
Résumé :
Le 16 juillet 1994 dans la région de Manchester, Julie Rouane, dix-sept ans, prétexte un rendez-vous avec une copine pour s’absenter du domicile familial… et disparaît pendant plus de vingt ans.

Longtemps après l’abandon de l’enquête par la police, faute d’indices concrets — Raymond Rouane, persuadé que sa fille est toujours vivante, continue à explorer seul toutes les pistes possibles. En vain. La mère de Julie et sa sœur cadette, Selena, tentent ell... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (84) Voir plus Ajouter une critique
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sur 294 notes
C'est avec la disparition brutale d'une adolescente de dix sept ans que débute le roman. Julie s'est littéralement volatilisée, et malgré les recherches intensives , aucune trace de la jeune fille. La famille est effondrée le père poursuivra beaucoup plus longtemps que la police son enquête personnelle, y compris sur les pistes les plus excentriques, telles que les extra-terrestres. Et dix ans plus tard, Selena sa soeur, est contactée par une femme qui prétend être Julie et qui lui raconte une bien curieuse histoire …

L'intrigue éveiller la curiosité, et on finit par se laisser prendre au jeu des théories un peu abracadabrantesques qui émergent.

Un certain nombre de questions autour de l'identité, des liens familiaux, de la disparition sans corps pour Faure le deuil, et sans doute beaucoup d'autres, mais , et c'est la limite de ce roman, fort long, car entrelardé de nombreux éléments ayant un rapport plus ou moins net avec l'intrigue. On finit par s'y perdre, et perdre l'intérêt de voir se résoudre l'énigme.

Cent pages de moins et une enquête plus focalisée, auraient permis de soutenir l'intérêt du lecteur, qui en l'occurence, a trouvé que les pages ne défilaient pas bien vite.

Merci à Netgalley et aux éditions 10 x 18
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Julie Rouane quitte la maison en claironnant qu'elle va chez une copine et on ne la revoit plus. Meurtre, fugue ? la police a fini par arrêter d'enquêter.

Cette disparition a, comme il se doit, fait exploser la famille, le père, Raymond refusant cela, se met à chercher sa fille, parcourant des centaines de km pour suivre toutes les pistes imaginables, ce qui lui coûtera son emploi et le rendra fragile sur le plan mental et il finira par y laisser la vie, le coeur brisé. Son couple pourtant très soudé volera en éclats, sa femme préférant se faire une raison. Quant à la jeune soeur de Julie, Selena, elle aura du mal à trouver sa place.

Évidemment, Julie refait surface, une vingtaine d'années plus tard, reprenant contact avec Selena… et à partir de là, on part dans des invraisemblances, des délires sans fin. On comprend très vite le sens du titre : fracture, faille spatio-temporelle, ou fracture de la famille ?

Le récit s'étire, entrecoupé de coupures de journaux ou d'enquêtes sur les extraterrestres ou autres ou de choses qui n'ont rien à voir avec l'intrigue, telle Stephen Dent, et son poisson orange qui est harcelé et finit par suicider…

Je l'ai terminé par curiosité, pour savoir comment cela pouvait finir et le moins qu'on puisse dire c'est que cela ne finit pas (ou presque), j'étais tellement déstabilisée par le récit que j'ai eu l'impression de tourne en rond, en me demandant si c'était moi qui débloquais ou l'auteure, et pourtant j'ai l'esprit très ouvert, j'étais une assidue de la série « X Files » à l'époque.

J'ai cédé à la tentation car on me promettait, entre autres, un récit perturbant et brillant (Le Figaro) et d'autre part, les critiques que j'avais lues, çà et là, étaient très partagées ; il semblerait que, soit on adore, soit on apprécie peu…

Quant à l'écriture, je ne retiens que la confusion, les répétitions, les détails superflus, la numérotation bizarre des pages mais c'est peut-être dû au livre électronique…

Côté perturbant j'ai été servie, tant cette intrigue est capillotractée, mais réjouissant ou brillant, non, d'où une frustration intense … je lis rarement des dystopies, ou des livres étiquetés « Science-Fiction » ou « fantastique » et cette expérience ne va me pousser à m'y aventurer ; la curiosité joue parfois des tours.

C'est le premier livre de Nina Allan que je lis et je n'ai pas du tout envie de continuer. Comme je le dis toujours, la lecture doit toujours être un plaisir, quand cela devient un pensum, il vaut mieux s'abstenir.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions 10/18 qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteure…

#LaFracture #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Je ne m'attendais absolument pas à ce genre de roman lorsque je l'ai pris à ma médiathèque. Je ne suis pas une fan de fantastique mais je m'aperçois qu'à plusieurs reprises je me suis laissé emporter avec plaisir dans cet univers hors du commun. Mais ici, je suis très peu enthousiaste, l'écriture est alambiquée, à mon avis inutilement, les pensées alternent avec des faits, des paroles, on ne sait donc jamais ce qui est véritablement dit.
Écrire sur la façon très différente dont chacun s'arrange pour faire face à une disparition est toujours très intéressant, mais ici l'aspect fantastique dessert le roman. Je suis sans doute sévère mais c'est aussi parce que je suis allée jusqu'au bout en espérant que la fin vienne rattraper le côté "brouillon" et cela n'a pas été le cas. Je regrette que le dernier livre de mes vacances ait un goût de déception :-(
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C'est une journée banale, ordinaire. Un samedi de juillet, pour tout dire.
Mais ce samedi va virer au cauchemar pour Selena, quatorze ans, lorsque sa soeur aînée, Julie alors âgée de dix-sept ans, reste introuvable.
Vingt ans plus tard, Selena, devenue employée dans une boutique de bijoux, reçoit un appel qui va tout remettre en question. À l'autre bout du fil, sa soeur disparue revenue d'entre les morts : Julie.
Bouleversée, Selena accepte finalement de rencontrer Julie pour lui poser cette question qui la hante depuis des années : Que s'est-il vraiment passé ?
Il est délicat, à ce stade, d'aller plus loin. Nina Allan, autrice britannique déjà remarquée en France pour son recueil de nouvelles Complications couronnée par le Grand Prix de L'imaginaire en 2014, s'engouffre dans une faille inattendue quelque part entre la littérature blanche, le roman policier et le récit de science-fiction.
La Fracture, unanimement salué par la critique, n'est pas un roman facile, bien au contraire. On pourrait même dire, si on l'ose encore, qu'il se mérite.
Employons-nous maintenant à expliquer pourquoi vous devez aller au bout des 430 pages de ce roman inclassable…

Remonter la piste
Pour comprendre la profondeur et la roublardise de la Fracture, essayons-nous au jeu des comparaisons en disant que le labyrinthe narratif construit par Nina Allan ressemble à un hybride sournois de la Chose en soi d'Adam Roberts et Une Douce Lueur de Malveillance de Dan Chaon.
Pourtant, comment mieux décrire ce récit qu'en employant le terme d'OLNI pour Objet Littéraire Non Identifié. Pendant un temps, La Fracture ressemble à un roman policier lambda. Une disparition, une famille brisée, une enquête.
On retrouve instantanément le goût de l'incertitude qu'affectionne particulièrement l'autrice, cette façon d'aborder des choses ordinaires et à priori parfaitement connues pour en faire quelque chose d'inquiétant, d'étrange, de nouveau. de l'histoire de Julie et Selena, et plus largement de la famille Rouane, Nina Allan va tirer à la fois un drame intime bouleversant et un récit de doubles et d'échos que n'aurait pas renié un certain Christopher Priest ! Curieusement, l'histoire ne débute pas par la disparition elle-même, ni même par les retrouvailles entre Julie et Séléna, mais par une banale histoire d'amitié entre Séléna et Stephen Dent, un amoureux des livres et des carpes japonaises au destin tragique. Pourquoi cette digression ? Pourquoi cette entrée en matière ? Certainement parce que Nina Allan aime les chemins de traverses et a construit son récit comme une pyramide finement ciselée dont les fondations cachent d'étonnants secrets.
Viennent ensuite les choses sérieuses, celles pour lesquelles Nina Allan nous a attiré ici. Une disparition, une réapparition, une enquête. Une énigme.
Mais au contraire de ces innombrables récits policiers censés résoudre le mystère du meurtre, La Fracture, elle, va nous emmener en terrain inconnu, là où l'on ne s'attend absolument pas à aller…

Choisir son réel
La Fracture, avec sa révélation centrale, prend un tournant inattendu, un tournant science-fictif. Abrupt, celui-ci a de quoi désarçonner le lecteur jusqu'ici embarquer dans une version réaliste de l'histoire de Julie. Mais petit à petit, les jointures de l'histoire montrent des failles. Cette histoire, Nina Allan ne la veut pas définitive, elle veut vous la laisser, elle veut l'offrir au lecteur, comme un cadeau empoisonné et le mettre dans la même position que Séléna qui apprend l'incroyable. Julie dit-elle la vérité ? Existe-t-il seulement une seule vérité ?
En pensant son récit comme les conséquences d'un évènement traumatiques, la disparition de Julie, et en y ajoutant une révélation fracassante et brutale, l'autrice britannique fracture bel et bien sa narration.
Elle utilise tous les mediums, de l'article de journal à la lettre en passant par la liste d'objets trouvés, pour creuser son intrigue et fournir du matériel à l'enquêteur-lecteur qui doit, comme Julie, assembler la version en laquelle il choisit de croire. La Fracture est un roman de l'incertain, un roman du doute. Il porte en lui quelque chose de sinistre et de terrifiant : l'impossibilité de saisir le réel, si le réel est une chose certaine, s'il l'a jamais été.
Nina Allan époustoufle dans la façon qu'elle a de penser son récit, d'agencer ses éléments et de semer des miettes qui seront ou non repérées par le lecteur.
Pour les plus attentifs et les plus méticuleux, La Fracture est un chef d'oeuvre aux interprétations multiples où l'on relève toutes les mentions, aussi anodines semblent-elles être, à des films, à des affaires, à des mythes.
Car le roman de Nina Allan est traversé par tout ça de bout en bout, par la possibilité d'un ailleurs et d'un autrement. D'où viennent les légendes urbaines, des poissons-chats capables de vous briser un os aux serial-killers qui rodent près de chez vous dans une camionnette blanche trop banale pour être honnête ? N'existe-t-il pas, en réalité, quelque chose de fondamentalement vrai là-dessous ? Une vérité que même la science, parfois, ne peut pas expliquer. le fameux cas sur des milliards. Les 2% d'erreur dans l'identification d'ossements retrouvés par hasard ? le trou noir qui pourrait vous happer ? le satellite d'origine inconnue que personne n'a jamais formellement identifié ?
La Fracture, c'est le roman du « Et si ? »

Au-delà de la perte
Il serait cependant faux de croire que Nina Allan n'est là que pour échafauder hypothèses fumeuses sur hypothèses fumeuses. Elle habite aussi ses personnages avec une élégance et une grâce qui force le respect. Les deux soeurs, Julie et Séléna, constitue un exemple brillant de cette finesse descriptive, ou comment le passage du temps finit par rendre les gens distants, presque étranger. Malgré tout, il reste toujours quelque chose d'intime, d'indescriptible, un lien qui dit ce que le reste, le rationnel n'est pas capable de dire. C'est le drame aussi qui est au coeur de ce roman-monstre, le drame de la perte et comment ceux qui survivent choisissent de faire face.
Pour le père de Julie, c'est en refusant d'abandonner et en plongeant dans l'UFOlogie et autres théories farfelues jusqu'à ce que mort s'ensuive. Pour la mère, ce sera le renoncement, se faire à l'idée de la fin et s'y tenir, jusqu'au bout pour poursuivre. Et pour Séléna… l'histoire est plus compliquée, forcément, elle devra composer non seulement avec l'avant, mais aussi avec l'après, et ce que Julie lui soumet comme question : « Es-tu capable de me croire envers et contre tout ? ». La Fracture, c'est un roman de femmes, fortes et indépendantes de préférence, qui se font leur place après la tempête et qui combattent. de femmes qui n'ont pas besoin d'hommes bruyants pour exister. C'est l'histoire finalement du miracle d'être.
Dans ce cocon intimiste, joué sur plusieurs plans et sur plusieurs dimensions, Nina Allan dissémine ses références et joue avec le lecteur. Les deux soeurs aiment X-Files et s'amusent à dénicher les aliens cachés autour d'elles, Anastasia et Pique-nique à Hanging Rock oscille entre réalité et fiction et l'on cite même l'épilogue du film d'horreur The Descent comme une épiphanie pour l'enquêteur-lecteur qui y voit la fracture du réel face à l'intolérable désespoir de la situation.
Au fond, La Fracture parle de l'effet d'un évènement traumatique sur notre perception du réel et comment, d'une façon insidieuse et quasi-inexplicable, la réalité peut se casser en deux pour emprunter deux chemins parallèles capable de cohabiter ensemble.

Le monstre dans le placard
Il reste une dernière chose à préciser sur cet extraordinaire roman écrit par Nina Allan, c'est non seulement qu'il est tout sauf reposant, mais qu'il est aussi, au fond, tout à fait terrifiant. Mais pas de cette horreur frontale et gore dans laquelle des jeunes femmes trucident des hominidés albinos au fin fond d'une grotte encore non cartographiée. Non.
C'est avec le sentiment discret et insistant, comme à l'orée de votre champ de vision, comme une bougie qui s'éteint lentement pour laisser place aux ténèbres, que des choses inconcevables qui bouleversent notre sens du réel sont capables de survenir à tout moment. Que votre vie peut basculer dans l'inexplicable et que vous puissiez rester seul sur votre propre planète.
Le jeu de miroir opéré avec L'Invasion des Profanateurs de Sépultures n'a, à ce titre, rien d'innocent. Il synthétise toute l'angoisse existentielle de ne pas voir que quelque chose a changé en face de nous, de ne pouvoir comprendre l'étrange qu'en fixant notre attention sur des détails à priori insignifiants.
Dès lors, Amsterdam pourrait même vous sembler venir d'ailleurs. Sans parler de votre propre soeur…ou de vous-même.
La Fracture ne se limite donc pas au récit policier et au drame intimiste, il distille une terreur cosmique, presque métaphysique, la sensation que demain, un trou noir peut s'ouvrir au-dessus de votre tête et qu'en regardant de trop près l'être aimé, il pourrait ne plus être le même.
D'ailleurs, est-on la même personne en tournant l'ultime page de ce roman que celle qui l'a entamé d'un air innocent et détendu quelques heures auparavant ?

Peu de choses sont certaines dans l'univers connu, mais s'il faut s'accorder sur le talent de Nina Allan en tant qu'autrice, alors La Fracture vous offre tout ce que vous devez savoir à ce sujet.
Un chef d'oeuvre de fiction dérangeante et obsédante qui veut faire douter et qui finalement laissera l'univers à sa place, dans le champ des possibles. Tous les possibles. Voire au-delà.
Lien : https://justaword.fr/la-frac..
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16 juillet 1994… une date qui marquera à tout jamais la famille Rouane. Leur fille, Julie, disparait. Elle devait aller voir une copine mais cette dernière ne l'a jamais vue. Que s'est-il donc passé ? Fugue, enlèvement, pire ? Solène, sa soeur, aimerait le savoir. D'autant plus que tout ceci a fait mourir son père à petit feu. 2014… coup de théâtre, Julie réapparait ! Est-ce bien elle ? N'est-ce pas un de ces nombreux canulars auxquels la famille doit faire face depuis deux décennies ?

Je suis mitigée concernant mon avis sur ce roman. J'ai tourné frénétiquement les pages pour savoir si la disparue de retour au bercail était bien Julie, savoir ce qui lui était arrivé. On peut dire que Nina Allan ménage bien le suspense ! Mais ça, c'était jusqu'à la moitié du livre environ. Lorsque la romancière a commencé à introduire des textes sur une planète imaginaire, j'ai commencé à être sceptique. Même chose sur les fiches techniques de différents poissons… Ou alors, elles jouaient un rôle que je n'ai pas su déterminer. le dénouement me laisse plutôt sur ma faim. C'est dommage, la première partie était prometteuse ! Ou peut-être est-ce moi qui n'ai pas compris ? Quoi qu'il en soit, j'ai un petit goût d'inachevé.
Lien : https://promenadesculturelle..
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critiques presse (5)
Bibliobs
04 décembre 2019
Roman d’une rare densité, « la Fracture » emprunte, dans un style propre à l’auteur, aux rêveries topographiques de Tolkien (les descriptions de Tristane), mais ses visions démentes et fantastiques forment le décor – c’est toute la force du livre – d’une envoûtante peinture de la vie d’aujourd’hui.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
03 décembre 2019
L’auteur anglaise imagine le retour d’une adolescente disparue depuis vingt ans. Un roman brillant emprunt de philosophie et de science-fiction.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Liberation
14 octobre 2019
Le titre du roman désigne à la fois ces failles que creuse l’absence d’êtres chers, surtout lorsqu’elle est inexpliquée, et l’interstice spatio-temporel dans lequel n’importe qui peut se glisser. La romancière joue avec brio sur la perception du réel, sur les blessures familiales, et rend troublant le vertige émotionnel de ses personnages.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeMonde
10 septembre 2019
Avec La Fracture, prix British Science Fiction 2017, Nina Allan ­livre un fascinant récit alternatif, combinant plusieurs régimes d’écriture afin de fusionner réalisme et fantastique.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeSoir
02 septembre 2019
Avec « La fracture », Nina Allan explore l’altération de la réalité et de la mémoire. Un roman mystérieux, subtil et captivant.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Selena se lia d’amitié avec Stephen Dent l’été d’avant l’été où Julie disparut. Stephen Dent habitait sur Sandy Lane, à quatre ou cinq maisons de là où habitaient Selena, Julie et leurs parents. Il enseignait les mathématiques dans un lycée catholique, Carmel College, mais Selena ne le sut que plus tard. La première fois qu’elle vit Stephen, il descendait d’un bus. Elle le remarqua à cause de ce qu’il portait : un seau en plastique transparent avec un gros poisson orange qui nageait dedans. Selena regarda l’homme entrer dans sa maison, puis elle entra chez elle. Deux jours plus tard, elle le revit ; il achetait un paquet de nouilles chinoises précuites dans la supérette Spar en bas de Pepper Street. Selena s’y trouvait avec sa sœur Julie. Julie achetait un rouge à lèvres brillant et Selena un magazine de mode pour adolescentes, mais elles cherchaient surtout un prétexte pour sortir de la maison. L’été de Stephen Dent fut aussi l’été où les parents de Selena faillirent se séparer. Julie et Selena n’étaient pas censées le savoir, mais ce n’était pas difficile à deviner, pas tellement à cause des éclats de voix, mais surtout à cause des silences qui retombaient quand les scènes de ménage étaient terminées. Les deux sœurs supposaient que c’était leur père qui avait une liaison. Tout au long de l’hiver et du printemps, elles avaient eu de longues discussions sur l’identité de la personne avec qui il découchait, sans parvenir à la moindre conclusion définitive, et ce n’est que bien des mois plus tard qu’elles découvrirent que ce n’était pas Raymond Rouane qui était sorti du droit chemin, mais Margery.
Pour Selena, la chose la plus mémorable de cette période fut qu’elle et Julie furent à nouveau proches, presque aussi proches qu’elles l’avaient été quand elles étaient plus jeunes – elles gloussaient et chuchotaient dans les coins et trouvaient tous les prétextes imaginables pour être seules l’une avec l’autre. Selena était ravie de cette évolution, presque au point de remercier secrètement la catastrophe qui l’avait suscitée. Elle avait ressenti l’éloignement de Julie non seulement comme une perte, mais aussi comme une punition. Le retour d’affection de sa sœur était comme un miracle.
Encore que cela ne dura pas. Mais pendant la première moitié de ce dernier été elles restèrent collées comme deux sangsues, unies comme larrons en foire, comme deux conspiratrices. Les souvenirs coulaient encore à flots dans l’esprit de Selena : les odeurs du macadam cuit et des pelouses craquelées, le calme particulier de ces soirées, les lambeaux mauves de crépuscule qui se rassemblaient à l’embouchure des ruelles et au seuil des magasins lorsque la nuit commençait à tomber, les relents charbonneux des barbecues des voisins. Ni leur père, ni leur mère ne semblaient se préoccuper de l’heure à laquelle elles rentraient la nuit, ni même s’apercevoir qu’elles étaient sorties avant qu’elles soient revenues.
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« Allô ? » dit Selena. Elle pressa l’écouteur contre son oreille et guetta le sifflement familier qui confirmerait que l’appel était traité par un standard automatisé. Laurie lui avait une fois qu’elle raccrochait toujours brutalement quand elle entendait cette tonalité, qu’elle n’attendait même pas qu’on lui parle, mais Selena qui avait pitié de la personne à l’autre bout du fil, ne pouvait jamais s’y résoudre. Elle se demandait combien de fois par jour les employées du centre d’appel se faisaient insulter, en moyenne. Laurie avait déjà travaillé dans un centre d’appel. Selena aurait cru que ça la rendrait plus compatissante, mais apparemment ce n’était pas le cas.
« Selena ? »
Cette voix ! Le cœur de Selena s’emballa, comme si elle avait été surprise en train d’espionner une conversation.
L’interlocutrice n’était pas Vanja – elle le comprit immédiatement -, mais elle la reconnut tout de même, ou du moins elle le pensa. Cette voix, elle la connaissait. La voix de quelqu’un qui revient de loin, se dit-elle. Un écho montant à travers les brumes du temps, un souvenir qu’on n’arrive pas tout à fait à saisir, mais qui tourne en rond dans votre tête comme un fantôme captif. Elle.
Les vapeurs de la bière se dissipèrent presque instantanément et s’envolèrent à tire-d’aile comme une troupe d’étourneaux, laissant la surface de son esprit vulnérable et exposée, rose et à vif, telle la peau tendre, nouvellement formée, qu’on trouve sous une croûte.
Qui était-ce ? Selena savait très bien qui c’était, mais sans le savoir. Comme lorsqu’on tombe par hasard sur une connaissance en dehors d’un contexte familier et qu’on n’arrive pas – mais vraiment pas – à mettre un nom sur son visage.
Or l’interlocutrice connaissait son prénom, elle l’avait prononcé. Selena hésita. Elle appuya sa tête contre le mur près du téléphone. Elle songea à dire « faux numéro » et à raccrocher le combiné. L’idée était tentante mais, en dernière analyse, sans intérêt : cette personne – peu importe qui elle était – rappellerait, tout simplement. « Allô » répéta-t-elle. Elle espérait que la demandeuse dise autre chose, lui donne un indice.
« Selena, c’est Julie. »
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Laquelle était la vraie Julie ? La leur, ou la sienne ?
Peut-être que le besoin de tout savoir avec certitude était un besoin égoïste. Selena songea aux gens qu'on voyait sur les plateaux de télévision, ces maris et épouses angoissés qui avaient fait les poches de leur conjoint, avaient lu leurs courriels et leurs relevés de carte de crédit et l'avaient regretté.
Si vous ne voulez pas savoir la réponse, alors ne posez pas la question.
(p. 72)
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Les montres et les bijoux exposés étaient tous dépourvus d'étiquette, et Selena se rappela ce que sa tante Miriam lui avait dit un jour : si tu as besoin de demander le prix, c'est probablement trop cher pour toi.
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Mon père disait souvent que les livres sont leurs propres censeurs, et qu'un enfant ne comprendra que lorsqu'il sera en mesure de le faire. Tout le reste lui échappera, comme un méli-mélo de mots.
Je me revois, à douze ans, en train de réclamer Dracula, comme si c'était pour moi une question de vie ou de mort, et je me rappelle ma déception et ma gêne quand j'ai découvert que je pouvais à peine en comprendre le texte au-delà de la première page.
Et puis je l'ai relu à dix-sept ans et je l'ai trouvé magique.
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9 mai 2023 #booktube #bookrecommendations #sf This week sees the publication of Nina Allan's most accessible, commercial and readable novel yet, 'Conquest', which in its use of detective fiction and SF conceits expertly expands the possibilities of the 21st century novel. Steve reviews the book in interview with Nina, their conversation veering into conspiracy theory, other books and writers and David Bowie...
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