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EAN : 9782220095691
200 pages
Desclée de Brouwer (20/02/2019)
2.75/5   2 notes
Résumé :
Nous sommes plus près d'une guerre nucléaire que nous ne l'avons jamais été pendant la Guerre froide, mais la plupart des gens sont aveugles à ce danger. Ils ont appris que les armes nucléaires ne servent qu'à une chose : empêcher que les autres les emploient. C'est ce qu'on appelle la dissuasion. Ils pensent aussi que ces armes sont trop destructrices pour qu'on soit tenté de les utiliser. Telles sont les illusions qui leur permettent de dormir tranquilles.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Que dire de cet essai ? Soit, je n'ai pas vraiment compris le propos, soit la démonstration de l'auteur est incompréhensible pour le plus grand nombre (je reviendrai sur la conséquence pratique de ce dilemme).

Partons de la conclusion, les deux dernières phrases : « Oui il est possible de donner des fondements rationnels à l'efficacité de la dissuasion nucléaire. Et cette conclusion est épouvantable ». Voilà un jugement définitif, sauf que le fondement en question est le « théorème » suivant : « Ce qui fait que la dissuasion nucléaire a marché, et peut encore marcher, est l'indétermination de l'avenir dans une conception du temps qui fait de l'avenir un avenir nécessaire ». Pour le paraphraser sur la base de ma compréhension, je dirai l'avenir est écrit, mais nous est pas révélé. Me voilà bien avancé.

Je suis partagé sur ce livre, il apporte énormément d'information historique et théorique sur l'histoire des « dissuasions nucléaires ». La première partie est facile à lire et d'une certaine manière jubilatoire : enfin des paroles sensées sur un sujet essentiel qui a disparu des préoccupations presque quotidienne de ma génération (X) après la chute du mur du Berlin. Comme si la chute de « l'ennemi idéologique » de « mon camp » avait effacé les gigantesques stocks d'armes même réduit de moitié après les miraculeux accords des années 80 et 90.

De cette première moitié, j'ai conclue qu'il faut lire Ellsberg (non traduit en français) (1). Il faut comprendre que pour justifier l'impensable il fallait rationaliser l'irrationnel, et en même temps, pour crédibiliser la dissuasion il fallait irrationaliser le rationnel. C'est là tout le paradoxe de l'équilibre de la terreur.

Le troisième quart est plus ardue, mais donne encore une mine d'information et d'explication sur la justification, ou non, des différentes formes de dissuasions nucléaires.

Le dernier quart est à la fois extrêmement ardue et spéculatif. Sur la base d'une démonstration métaphysique, qui m'a rappelé un peu l'interprétation transactionnelle de la mécanique quantique (2), l'auteur pose plusieurs hypothèses ad-hoc sur la nature de la réalité et du temps. Bien que le propos est globalement compréhensible, la démonstration est complexe, l'ensemble forme une théorie peu accessible et finalement peu opérante, jusqu'à la conclusion finale énoncée plus haut.

Un exemple de cette théorie, il semble exister qu'une seule ligne temporelle qui lie la cause et l'effet dans les deux sens : en gros l'un « défini » l'autre de manière nécessaire en fixant « un point fixe » (x=f(x)). Cette formulation qui a pris un sens et un formalisme mathématique dans l'ouvrage ne m'est pas inconnue. Et j'ai pu décelé là un point faible dans son raisonnement : l'existence d'un point fixe ne signifie pas que le système converge vers lui, elle peut même mener au chaos (cf. suite logistique (3)). Bref, je n'étais plus certains que l'auteur maîtrisait son sujet, pour ma part je ne maîtrise pas le sien.

Je n'affirme pas que la théorie fumeuse, j'avoue seulement mon incompétence. L'ensemble n'est pas claire et mal vulgarisé. Ce qui m'amène au point dur, sa théorie est inopérante : si je suis, moi le quidam, incapable de comprendre sa démonstration et sa conclusion, que dire de ceux qui justement planifient la dissuasion nucléaire. Je ne suis pas sûr les généraux, les ingénieurs de l'armement, les politiques en charges soient tous verser dans la métaphysique pour en tirer une leçon.

Le livre n'est pas vain, mais il semble passer à coté de deux concepts peut-être plus opérant. le premier est vaguement évoqué dans la conclusion : le concept MAD (acronyme anglais de destruction mutuelle assurée – qui veut dire aussi « fou ») est désormais un mème : une idée autonome et irréfutable qui hantera les esprits même s'il n'y a plus d'armes nucléaires. le second n'est pas traité même si le mot « religion » est prononcé une fois en introduction de la quatrième partie. Il ne semble pas possible de démontrer l'efficacité de la dissuasion (même si l'auteur conclue l'inverse) sur des bases rationnelles : c'est une question de foi. Il faut croire à la dissuasion pour être « soulagé » de ses maux moraux.

La doctrine de la dissuasion, rationaliser l'irrationnel & irrationaliser le rationnel, est la même que le fondement de la plupart, sinon de toutes, les religions. Elle permet de faire cohabiter des affirmations incohérentes entre elles (les fameux mystères de la religion), et promet une récompense au bout : le paradis pour les justes et les dévots, la paix éternelle pour les nations nucléaires. La foi n'engage que ceux qui y croient.

L'argument massue, a posteriori, des croyants de la dissuasion est que nous sommes en paix depuis 1945. Ils oublient à la fois toutes les intentions « d'en finir » - y compris Bertrand Russel (4) -qui ont émaillées la guerre froide, et les quasi-accidents qui ont faillies mener à la catastrophe. Sauf qu'il y a peut-être une autre explication à cette longue période de paix.

Ce n'est pas la première fois que le monde a vécu presque un siècle (presque) sans guerre (dans le monde occidental) : il y a un précédant, le long XIXème siècle (1815-1914). Au cours de cette époque le monde préférait le commerce et la mondialisation des échanges. La paix c'est mieux pour faire du commerce. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de violence, mais c'était « à l'extérieur » dans ce vaste mouvement de colonisation et d'expansion des terres – dans un modèle économique encore très agraire, où la richesse était au premier ordre une fonction de la surface et de la population. C'est lorsque la quantité de terre colonisable tendait vers zéro, et lorsque l'industrie montante demandait une nouvelle forme d'économie – basée sur l'énergie et les ressources minières – que le mouvement de mondialisation c'est arrêté. le monde entrait en crise dans une gigantesque guerre de 30 ans : 1914-1945. Depuis, las bases énergétiques étant fixées (pétrole) ont est entré dans une phase de la mondialisation avec son corollaire la paix.

D'aucun disent que cette phase de mondialisation est en train de se terminer : aura t'on une nouvelle poussé de fièvre guerrière ? Cette hypothèse est en effet épouvantable avec l'arme nucléaire.

P.S. : pour les geek, outre le célèbre docteur Folamour, deux films éclairant sur la dissuasion nucléaire
- Wargames (1983) sur les représailles sur alerte (https://fr.wikipedia.org/wiki/Wargames_(film)), une scène savoureuse où un planificateur utilise les principes de la dissuasion pour dissuader le général de lancer les missiles
- By Dawn's Early Light (1990), sur la dévolution - (https://en.wikipedia.org/wiki/By_Dawn%27s_Early_Light) film difficile à trouver

(1) https://www.babelio.com/livres/Ellsberg-The-Doomsday-Machine/1029584
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Interpr%C3%A9tation_transactionnelle_de_la_m%C3%A9canique_quantique
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Suite_logistique
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Bertrand_Russell
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critiques presse (1)
NonFiction
29 mars 2019
Jean-Pierre Dupuy revient sur l’actualité de la menace nucléaire dans le droit fil de ses travaux sur le « catastrophisme éclairé ».
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
La bombe atomique n’est aucunement une arme de non-emploi, comme la théorie de la dissuasion le voudrait, mais une arme dont on annonce qu’on est sur le point de l’utiliser si l’autre vous menace ou pour imposer la satisfaction de ses intérêts. Dans le débat classique sur le choix entre préemption et dissuasion, la première l’a toujours emporté, nous dit [Ellsberg], et il n’y a pas de raison de penser qu’elle ne triomphera pas à l’avenir. Le monde est donc beaucoup plus dangereux que nous le pensions, rassurés à bon compte que nous étions par le caractère auto-réfutant de la menace nucléaire. (p.63)
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[En citant David Lewis] Ce ne sont pas les intentions, c’est la puissance qui dissuade […] Nous planifions la guerre par le simple fait de notre puissance, même lorsque qu’elle ne fait pas partie de nos intentions. (p.134)
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Vidéo de Jean-Pierre Dupuy
Colloque de rentrée 2013 : Science et démocratie Conférence du jeudi 17 octobre 2013 : Science et démocratie : discussion
Intervenant(s) : Jean-Pierre Dupuy, Philosophe, Professeur à l'Université de Stanford
Retrouvez la présentation et les vidéos du colloque : https://www.college-de-france.fr/site/colloque-2013
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