Là-haut

Certaines lectures doivent se mériter : il faut alors accepter d'aller plus lentement, de se laisser mener on ne sais où, de s'accrocher à un texte parfois confus ou difficile. Là-haut est de celles-là.
La narratrice tente de faire le portrait d'un homme disparu. Par témoignages successifs, elle éclaire différente facettes d'une personnalité unique et complexe, et ce n'est que dans la seconde moitié du roman que la lumière se fait. Il y a un peu d'impressionnisme dans cette approche du mystère humain. Paru en 1981, le style du livre est aussi fortement marqué par les années 70 ; homme de cinéma, Schoendoerffer nous propose des plans successifs très visuels, qui nous renvoient immanquablement à certains films de cette époque.
La guerre d'Indochine, puis celle du Vietnam, servent de cadre à ce beau roman dans lequel l'auteur interroge son thème favori : la persistance de l'individu et du libre-arbitre dans un contexte de guerre où le soldat semble pourtant devoir s'effacer au nom du collectif.

Pas facile à lire, il faut s'accrocher à l'enquête car le personnage principal n'apparaît que grâce à des témoignages parlés ou écrits. Sur fond de guerre d'Indochine, on va aussi faire un tour du côté du village natal du héros, à Saint-Guénolé en Bretagne, où l'on découvre la dureté de la vie de marin. Comme dans tout roman policier historique agrémenté d'espionnage et de psychologie, on a parfois du mal à suivre. Certains des témoignages sont cependant poignants et éclairent d'une lumière particulière la difficulté de se battre, de vivre, et parfois d'aimer et de mourir dans cette lointaine Asie et sa nature dévorante.

Le thème : le metteur en scène Henri Lanvern est en tournage au Vietnam avec les comédiens et toute l'équipe. Un jour deux personnes viennent le voir, il part avec eux, et il ne revient pas : il "plante" toute son équipe en plein tournage. L'auteur consacre tout le roman à chercher ce qui a pu se passer. Cette enquête – ou plutôt cette quête – l'amène à des amis et des relations de Lanvern qui lui racontent des épisodes de vie dans une section de l'armée peu avant la bataille de Dien Bien Phu, la bataille elle-même, les relations avec un peuple des montagnes – les Hmongs –, les relations avec quelques Vietnamiens du peuple et quelques militaires vietnamiens de haut niveau.

J'ai apprécié : C'est superbement écrit. C'est la vie d'un homme dans des périodes compliquées, dans des lieux compliqués. On vit un conflit majeur par les yeux des personnes qui en sont des acteurs de la base, on voit ce qui a amené chacun là, comment se tissent leurs relations et parfois leurs drames. C'est étonnant qu'il y ait sur Babelio aussi peu de lecteurs pour ce grand roman. Merci à Jean-Gabriel et Caroline de m'avoir donné ce roman : quand des amis renouvellent leur bibliothèque, on fait parfois de belles découvertes.

J'ai moins apprécié : aucune déception.