Livre dont les médias mainstream parlent peu. Dommage il est intéressant.
Le journaliste a enquêté sur ce que M. Bourdieu nommait jadis la "noblesse d'état". Plutôt leurs successeurs, fils, filles, petits fils et petites filles de.
Reste la noblesse (héritage via grandes écoles) mais la notion d'état se perd peut être un peu.
M. Todd qualifie par exemple aujourd'hui cette caste de "statofinancière".
Quelle que soit l'appellation, on s'aperçoit au fil des pages de l'incroyable petite minorité incestueuse qui coopte tous les postes à revenus importants de la fonction d'état. En passant allègrement au privé. Puis revenant vers l'état lorsque l'occasion se présente...
"Car, aussi étrange que cela puisse paraître, ce haut fonctionnaire, nommé à la tête d'Aéroports de Paris sur décision du président de la République, siège aussi au conseil d'administration de Scor, groupe totalement privé.
Ce curieux mélange des genres est une spécificité bien française."
Des chiffres sont donnés, aucun jugement moral prononcé.
Même quand la probité des intéressés laisse pantois :
"épinglé par la presse pour avoir menti dans le cadre de l'affaire Duhamel, le conseiller d'État Marc Guillaume est contraint de démissionner de son poste tout-puissant de secrétaire général du gouvernement ; le pouvoir pourrait le faire attendre un peu avant de lui trouver un autre poste, mais l'homme, un ami d'Édouard Philippe, est très influent. le président de la République décide de le faire préfet d'Île-de-France, le sommet de la hiérarchie dans ce corps."
De l'humour dans les titres de chapitre (ex : extension du domaine de la pantoufle) , de l'humour noir à l'intérieur. Dans "La place des femmes" on peut ainsi lire :
"Alors, elle cumule. « Ça a commencé en 2004, avant la loi Copé-Zimmermann, raconte-t-elle, une tasse de thé à la main. J'étais encore présidente de la RATP. Un de mes copains de promo à l'ENA siégeait au conseil de la banque Dexia. du coup, je m'y suis retrouvée moi aussi. » Avec notamment
Augustin de Romanet et
Denis Kessler. Un petit monde. Elle y perçoit, en 2007, 22 000 euros de jetons de présence, en plus des 250 000 euros de salaire de présidente de la SNCF."
Un exemple parmi des centaines, des chiffres bien plus astronomiques, qui font la démonstration d'un véritable monopole oligarchique incompatible avec un fonctionnement correct d'un état moderne.
Le pire de tout cela : la normalité apparente. La plupart des personnes citées ont reçu aimablement le journaliste enquêteur et répondu à ses questions. Celui-ci ne les accable pas d'ailleurs. C'est ce fonctionnement qu'il dénonce. On peut certes sourire au décalage entre la vertu affichée par certains (je pense à nos deux derniers premiers ministres, M. Philippe et M. Castex) et la réalité de leurs petits arrangements entre amis mais aussi nourrir une certaine amertume que tout ceci ne soit pas mis au grand jour afin que cela cesse.
Avec un vrai journalisme indépendant, tel qu'on le voudrait pour les pays qu'on critique (enfin, lorsque ces pays ont des dirigeants qui ne plaisent pas aux nôtres) on pourrait facilement mettre fin à ces pratiques.
Ce ne sera bien sûr pas comme cela que cela finira.