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EAN : 9782919117116
96 pages
Livres du monde (13/10/2012)
4.25/5   4 notes
Résumé :
Peut-on faire de la marche sa démarche de vie ? Le voyage à pied peut-il s’apparenter à un mode philosophique d’être, de penser et de voyager ? Le mouvement des pieds librement rythmé éveille-t-il l’esprit, nourrit-il l’âme et stimule-t-il la raison ? Sans négliger la passion. Une pensée florale, champêtre donc, idéale pour butiner. Une pensée surtout libre comme l’air qui puise ses idées à la mesure de nos pas et à l’aune de nos rencontres.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Notre ami Frank MICHEL, anthropologue dont la vie se partage entre la France et l'Indonésie, nous invite à réfléchir sur « La marche du monde », titre de son dernier essai. Cet ouvrage concis porte un regard pertinent et lucide, souvent sans illusion, sur « des routes et des tours » qui sont autant de facettes des différentes formes du voyage pratiquées par nos contemporains en ce début du XXIe siècle.

C'est par un tour complet des multiples formes que peut prendre notre moyen de locomotion le plus naturel, que l'auteur réveille à notre esprit toute la richesse de la marche à pied. Plus qu'un simple moyen de parcourir le monde par les chemins de traverses, elle peut s'apparenter à un mode philosophique d'être. Tour à tour curieuse, joyeuse, rêveuse, méditative, la marche peut devenir mystique, militante, combattante et accompagner nos humeurs dans le labyrinthe de nos quêtes individuelles ou collectives. Résultant d'une rupture d'équilibre, le pas en avant nous permet de rester debout, et la verticalité rime alors avec dignité.
Partir à la rencontre d'une humanité en marche, à petits pas, en donnant du temps au temps et en s'ouvrant aux autres, conduit à réconcilier l'aventure avec un militantisme en faveur de « mondes ouverts ».
Bien sûr, redonner au voyage des semelles de vents, implique de s'alléger ! Déjà se délester de toutes les approches galvaudées et illusoires qui ont aboutit au fil du temps à faire des voyages de vulgaires produits de consommation.
Pour redécouvrir les saveurs du monde il faut ne pas se laisser abuser par les étiquettes trompeuses et les faux emballages : ne pas prendre pour du voyage ce qui n'est qu'un déplacement, ne pas confondre l'Aventure avec un énième exploit sportif, résister à l'orgueil de vouloir « faire » le tour d'un continent ou de plusieurs, sur quinze jours de vacances d'été, résister à faire un cliché d'un folklore artificiel.

Oui les chemins de la découverte sont pavés d'ornières et bordés de fossés, mais l'honnête voyageur peut devenir un artiste en créant sa propre odyssée et ne pas revenir de tout sans jamais y être allé !
P.G.
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« […] Nous n'avons que faire d'aventures. Ce ne sont que de vilaines choses, des sources d'ennui et de désagrément. Elles vous mettent en retard pour le dîner ! Je ne vois vraiment pas le plaisir que l'on peut y trouver, dit notre hobbit. » Bilbo le hobbit, J.R.R Tolkien.

Cette prise de position péremptoire du hobbit légendaire ne l'empêchera pas de partir pour un très long et très périlleux voyage au cours duquel, associé à des nains, il mettra de nombreuses fois sa vie en jeu face à des orques, des trolls, des loups géants et autres monstres cruels et sanguinaires.
Fiction, dira-t-on ! Il n'empêche qu'on peut tout de même conclure deux choses de ces quelques lignes. Voyager c'est se mettre en danger. En tout pantouflard un aventurier sommeille.
Franck Michel nous montre dans ses deux derniers livres (*) le danger qu'il y a… à voyager sans danger, et que, même si voyager peut rimer avec pantoufle aux pieds, il reste encore de vastes perspectives pour devenir des « hommes aux semelles de vent. » Dans La Marche du monde, il fait d'abord quelques constats.
Depuis Rousseau, le consumérisme a peu à peu supplanté le romantisme ; la compétition a remplacé le jeu ; on ne marche plus : on « trèque » ; le voyage a été récupéré par les voyagistes et autres marchands d'illusions ; le voyage prétendument humanitaire et culturel est devenu la bonne conscience du voyageur ; on assiste à un retournement de la hiérarchie entre le moyen (l'argent) et la finalité (la découverte). Franck Michel fait, entre autres, deux constats assez alarmants : « La mythologie du paradis est sans cesse convoquée sous des formes variées, les deux extrêmes étant la publicité touristique et la littérature voyageuse. » « le tourisme comme industrie du plaisir n'est pas réformable […] Toute entreprise touristique n'a aucunement de vocation philanthropique, ce n'est qu'une banale entreprise commerciale dont le but est de gagner de l'argent. »
L'adepte du voyage organisé vit une aventure confortable sans le moindre risque et on comprend vite qu'il s'agit là d'un voyage en toc, un succédané d'aventure. Avant de se lancer sur les routes du monde, il vaut mieux, nous dit l'auteur, préférer aux guides classiques, la lecture des « romans, des essais, ou des récits qui traitent des cultures ou des destinations qui intéressent les voyageurs ».
La marche « à visage humain » est une démarche de vie qui permet de s'oublier pour mieux se retrouver et rencontrer l'ailleurs et l'autre. Franck Michel indique pourquoi et comment tous les marcheurs et tous les voyageurs ne peuvent que mettre leurs pas dans les pas de l'Autre. Quand Rimbaud nous dit qu'il est « un piéton, rien de plus », il nous dit que la marche est poésie et qu'être poète c'est découvrir le monde. Marcher dans le monde c'est marcher au rythme du monde, c'est accepter de marcher dans ses dangers pour avoir une chance d'accéder à sa vérité. Ce qui ne veut pas dire qu'on marche (ou voyage) toujours en plein accord avec le monde. On peut acquiescer à la vie en disant non au monde ! L'auteur montre, exemples à l'appui, que les plus belles marches sont les marches libertaires. (Kropotkine ; Thoreau ; la grève de Jules Adler ; Germinal ; Tagore ; Brassens : « non les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux. »)
On peut considérer trois approches différentes dans le voyage. L'aventurier se lance en terre inconnue sans repère, ni repaire, ni guide ; le voyageur veut sortir des chemins balisés ; le touriste se soumet aux règles et normes du voyage organisé. Pourtant, il ne faut pas céder à la tentation du manichéisme ; il y a une grande porosité entre aventure, voyage et tourisme. Il peut y avoir un esprit d'exploration dans le tourisme et un esprit de routine dans l'aventure. « Être aventurier ne signifie pas être pionnier. On est toujours le second sur les traces de quelqu'un. » (Bruckner - Finkielkraut)
Dans le pire des cas c'est le désir de conquête qui met le sédentaire en mouvement, dans le meilleur c'est le désir de connaissance. Pour donner à tous ceux qui rêvent d'aventures (et de conquêtes) l'illusion de sortir des voyages routiniers, certains opérateurs touristiques initient des projets qu'ils autoproclament extraordinaires : « hors des sentiers battus ! » Hélas, chacun sait que l'extraordinaire planifié rentre vite dans le rang de l'ordinaire le plus banal et le plus médiocre. « Transgressant la norme, on la courtise. »
Franck Michel souligne encore que la marche est la première marche du voyage ! Comme la marche qui l'initie, le voyage est à la fois quête de la poésie : être attentif au monde c'est voir la poésie du monde se révéler ; recherche de la vérité : se confronter à la réalité et dire la vérité sont les objectifs de tout voyageur ; démarche politique : s'immerger dans un pays et dans la vie sociale des gens rencontrés ne peut être qu'un acte politique ; acquisition de la connaissance : après avoir découvert l'ailleurs et les autres, vient toujours le moment où on veut mieux les connaître et mieux les comprendre.
Pour que le voyage vrai se réalise Franck Michel préconise de changer le contenu du package touristique et non de se contenter d'en changer l'emballage ! Il propose quelques pistes pour inverser la tendance, d'où le second livre, Éloge du voyage désorganisé.

(*) La marche du monde (oct. 2012) et Éloge du voyage désorganisé (déc.2012.) parus aux Éditions Livres du monde.

GB
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Qu’on le veuille ou non, la marche est partout et partout on marche : dans les manifestations politiques ou sportives, dans les défilés de mannequins ou de militaires. Avancer les pieds ensablés dans le Hoggar algérien, traverser la jungle urbaine new-yorkaise ou remonter une rivière les pieds dans l’eau en territoire Asmat chez les Papous, l’acte de marcher nourrit nos déplacements kilométriques. Les situations climatiques et géologiques conditionnent les pieds des randonneurs. La marche lente et mûrie de Théodore Monod dans le Sahara, joliment rapportée dans Méharées, contraste avec la marche urbaine, même si le piéton-randonneur peut s’avérer être un flâneur averti. La comparaison ne tient pas la route si l’on peut dire, et les marcheurs d’ici et de là ne marchent par conséquent pas tous de la même façon ! Il y a pourtant bien des similitudes pour des terrains et des publics marcheurs distincts. Randonner, c’est davantage se mettre au pas de l’autre que d’imposer sa cadence. C’est la différence entre le soldat qui défile et le badaud qui flâne, l’un pacifie, assure-t-il, par les armes, et l’autre arbore simplement un comportement pacifique. Car marcher au gré de son envie est d’abord une redécouverte de soi-même, une mise entre parenthèses de la souffrance du monde et du quotidien qui nous mine.
Le chemin de terre est un terrain de solidarité là où la route asphaltée est un appel à la compétition. Le premier est pourvu de sagesse, la seconde d’arrogance. En 1878, Robert-Louis Stevenson parcourt une partie des Cévennes et, rapidement, une forme de recul et de modestie naturellement s’impose : «Après le premier jour, quoique je fusse souvent choqué et hautain dans mes façons, j’avais cessé de m’énerver». N’ôtant rien au spectacle de la nature, au contraire, la lenteur du périple réclame de la patience de la part du pèlerin en vadrouille. Le voyage éveille le sentiment d’humanité pour celle ou celui qui sait en saisir la chance.
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Signe de vie, le fait de marcher va plus loin : il indique un chemin. Une autre voie, un autre monde, bref un monde qui marcherait bien sinon droit et non plus sur la tête. Marcher est un préalable pour que l’impossible devienne possible. On dit «marche ou crève» car c’est l’un ou l’autre, mais on dit également «marche et rêve» car là c’est forcément l’un et l’autre. Une vie sans rêves ça ne marche tout simplement pas. L’imagination au pouvoir est une option vaine si aucun marcheur ne prend la route. Charlatans patentés ou messies assermentés, guidés par une bonne étoile ou de bons sentiments, tous les messagers vont gravir leur montagne à pied, répandre leurs bons ou gros mots à travers monts et vaux. Car c’est à pied que la parole et la rencontre, parfois le dialogue, s’ébauchent ; c’est encore à pied que l’histoire se façonne et que les idées se répandent, s’échangent puis changent. La marche du Monde est ainsi à l’image de l’évolution de l’Homme. En perpétuelle mutation. L’aventure véritable est celle dont la démarche consiste à ne jamais cesser de se mettre en marche.
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Marcher c’est avancer debout, s’aventurer c’est braver l’univers, l’aventure à pied n’est pas une énième terre d’aventure à visiter mais plutôt la volonté de partir découvrir de nouveaux champs des possibles, de s’émanciper des chaînes de la consom­mation, d’agrandir l’horizon des savoirs et d’améliorer la qualité des rencontres. Dans le simple acte de marcher, on prouve à chaque instant qui passe et à chaque pas mis devant l’autre qu’on est en vie. Marcher c’est vivre. Pour s’en convaincre, il suffit de traîner ses guêtres devant un centre de rééducation pour estropiés de la guerre et des mines, au Cambodge ou au Liberia, ou ailleurs, dans une maison de retraite bien de chez nous, par exemple, où lorsqu’on ne parvient plus à bouger, et donc à marcher, la fin est généralement proche. La mort n’a que faire du mouvement, elle marque un arrêt définitif. Elle atteste de la fin du « grand » voyage.
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