C'était la dernière séquence,
C'était la dernière séance
Et le rideau sur l'écran est tombé.
Un roman empreint de nostalgie pour l'âge d'or d'Hollywood, constellé de noms qui raisonnent encore dans ma mémoire avec le timbre d'Eddy Mitchell, charmant dans son émission du mardi soir, des ouvreuses de cinéma dont les yeux brillaient.
il n'y avait pas d'école le mercredi et j'essayais de négocier le droit d'enchaîner avec les
Tex Avery qui suivaient ces vieux films....
La distribution est prestigieuse :
Raoul Walsh, Michael Curtiz, Humphrey Bogart, Orson Welles, Clark Gable, Rita Hayworth,
Olivia de Havilland, Gary Cooper, Lana Turner et bien entendu
Errol Flynn.
Alias Robin des bois, Capitaine Blood ou Gentleman Jim,
Errol Flynn, vagabond des mers né en 1909, aurait 110 ans aujourd'hui. Il s'est arrêté à mi-chemin, héros trop beau pour vieillir.
François Ceresa offre ici une biographie romancée de cet artiste flamboyant, sobre tous les 29 février, noceur infatigable, bagarreur émérite, collectionnant les conquêtes et les séparations.
Avant de devenir l'incarnation de Robin des Bois, Flynn avait déjà fait de son existence le scénario d'un film d'aventures.
Jules Verne aurait eu du mal à le suivre tant il eut la bougeotte. Parti de son Australie natale, il s'improvisa chercheur d'or en Afrique, il guerroya en Chine, attrapa toutes sortes de maladies tropicales plus ou moins avouables et quelques mauvais coups.
Sa gueule d'ange, son physique de nageur et son éternel sourire forcèrent les coeurs et les portes d'Hollywood. Néanmoins, personne ne parvint jamais à dompter ce fauve qui passa sa vie à s'échapper de sa cage.
L'auteur se rend coupable ici d'un heureux détournement de biographie, balançant la chronologie dès le décollage pour embarquer dans son récit un passager clandestin,
Patrick Lombardo, inconditionnel pathologique dont l'existence n'est qu'une succession de références à son acteur fétiche.
Dans un élan de panache dont il était coutumier, l'acteur offre en 1957, sa montre de luxe, une « Reverso » de chez Jaeger-Lecoultre, à la mère du jeune Patrick qui lui avait demandé l'heure sur le port de Juan-les-Pins.
Patrick, après avoir découvert Robin des Bois au cinéma avec son père, apprît la mort du héros le lendemain à la radio. Il devint alors bien plus qu'un fan prépubère, il se mua en doublure imaginaire, calquant sa vie sur celle de l'acteur flamboyant.
Au fil des années, la réalité et la fiction se mélangent. Patrick crochète les portes du temps et rejoint son héros dans des fêtes mémorables ou sur des plateaux de tournage dès qu'il passe la montre à son poignet.
Devenu journaliste, Patrick perd pied à force de mettre ses pas dans ceux de l'acteur.
Il n'est pas seul. Comme Errol, il dispose de sa propre bande de copains qu'il surnomme Frère Tuck, Petit Jean, Will l'écarlate et il fait de sa fiancée Marie-Vic sa Marianne officielle. La réalité s'entête à résister à son scénario mais Patrick interprète chaque signe du destin comme un signe de l'acteur.
La vie débridée d'Errol Flynn, cet « ange du diable », menteur invétéré, héros dans ses films et parfois méchant dans la réalité, méritait un récit aussi décalé qu'arrangeant avec la vérité. Les biographes académiques y perdront leurs sous-titres, tout comme ceux qui considèrent que le cinéma date de la Guerre des Etoiles.
En revanche, les nostalgiques de ces films des années 30-40 qui n'ont pas pris une ride, sans botox, apprécieront cette plongée dans le siècle dernier, mitoyen pour beaucoup, bien aidé par le style reconnaissable de
François Ceresa, friand de belles formules et de dialogues percutants.
Une plongée sans oxygène avec des bouteilles de vodka et de whisky dans cette Masse Critique. Merci à Babélio et aux éditions Ecriture pour ce roman qui m'est parvenu avec deux mois de retard. Certainement un hommage à
Errol Flynn, qui ne fut jamais très ponctuel, faute de montre...