Challenge Lectures de guerre
Petit tour par l'Italie, qui combat les Austro-hongrois aux côtés de la France à partir de 1915. L'auteur a rédigé 9 nouvelles autour de cette guerre, qui eu lieu essentiellement dans les Dolomites (Alpes italiennes), au-dessus de 2000 mètres d'altitude (essayez de creuser une tranchée dans le granit...) Ici, les éditions Cambourakis en présente 2 sur les 9.
La peur : relève d'une sentinelle au bout d'une tranchée ; le passage est peu protégé mais les soldats cantonnés avaient mis en place une trêve, presque une fraternisation. Mais les soldats de Bohème sont remplacés par des Hongrois... La relève de la garde doit pourtant être faite... Pour la première fois, les troupes italiennes vont être confrontées à la peur et à l'absurdité des ordres.
Le voeu ultime : Hiver. Les troupes sont descendus en altitude, pour se protéger des rigueurs des sommets. Ils sont dans l'attente de nouvelles de la 5è compagnie, envoyée au front avant la descente. le dégel permettra de dégager le corps du capitaine. Et à l'heureux officier qui lui a offert une sépulture décente, de rencontrer sa veuve. Créature pour le moins étrange...
Si la première nouvelle est presque antimilitariste, en tout cas pacifiste en mettant l'accent sur le côté sacrifice inutile et absurdité de l'obéissance aux ordres, la seconde exalte l'amour de la patrie, l'honneur et l'héroïsme. Cela dit, tout cela ne garanti ni une vie heureuse ni une fin décente...
La postface nous apprend également que l'auteur ne fut ni mobilisé ni engagé volontaire du fait de son âge. Pourtant, les descriptions de lieux, de l'état d'esprit, du parlé de la troupe sont si vrais que si cette partie du recueil n'est pas lue, le lecteur ne s'en doute pas. Un vrai talent de reconstitution, de psychologie et d'écriture animent ces deux nouvelles.
Commenter  J’apprécie         160
Tant que la menace est floue, qu'elle vient de l'éclatement d'un obus qu'on ne voit pas arriver, d'une rafale de mitrailleuse ou d'une fusillade inattendue, qui peuvent ou non frapper, le courage est encore facile ; mais si la mort est là, tapie, vigilante, prête à fondre et à empoigner, s'il faut aller au devant d'elle en la regardant au fond des yeux, alors les cheveux se dressent, la gorge s'étrangle, les yeux se voilent,les jambes ploient, les veines se vident, toutes les fibres tremblent, la vie entière s'enfuit ; alors le courage consiste en un effort surhumain pour vaincre sa peur ; alors la volonté doit se roidir, se tendre comme une corde, comme la corde du boucher qui traîne sa victime à l'abattoir.
Des légendes couraient sur lui et ses soldats de la 5è compagnie : la découverte inattendue du disparu, la réapparition du mort, sa protection mystérieuse par la neige, une récupération laborieuse au milieu des balles, le récit passé de bouche en bouche avait produit une impression profonde.Le talus derrière le baraquement était du matin au soir l'objet d'un pèlerinage. Tous les combattants avaient intériorisé le spectacle de ces boucheries, la vision de tous ses morts aimés et regrettés, mais aucun ne nourrissait autant la réflexion que celui-ci. Les plus simples d'esprit restaient là, comme s'ils attendaient autre chose, miracle plus grand, peut-être - qui sais ? - une résurrection.