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Pays perdu tome 2 sur 2
EAN : 9782070142156
208 pages
Gallimard (05/09/2013)
3.55/5   87 notes
Résumé :


"Dans ces terres reculées, dans ces pays perdus, on vit toujours plus ou moins dans une légende, dans l'image d'un chapiteau roman historié de scènes naïves et cruelles..." Pierre Jourde revient sur des événements qui en 2005 ont défrayé la chronique. Lors de la parution d'un de ses livres, Pays perdu, une partie des habitants du village d'Auvergne dont il était question dans le récit s'est livrée à une tentative de lynchage de l'auteur et de sa fami... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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En 2003, Pierre Jourde publiait « Pays Perdu », un récit où il parlait d'un petit village du Cantal, dont sa famille est originaire. Jourde souhaitait faire l'éloge de son village et montrer son attachement, pourtant le livre a fortement déplu aux habitants de ce village, car certains s'étaient reconnus sous des termes qu'ils estimaient peu flatteurs, voire humiliants. Aussi, l'année suivante, alors qu'il y retournait, Pierre Jourde et sa famille sont victimes de menaces et d'une violente agression par des habitants qui veulent en découdre car ils s'estiment calomniés par le récit et victimes de trahisons gratuites, alors que certains n'ont même pas lu le livre. S'ensuit, en 2007, un procès retentissant, car très médiatisé, où les agresseurs sont condamnés, mais Pierre Jourde est mis au ban de son village.

La Première Pierre, écrit dix ans après la publication du texte qui sema la discorde, revient sur cet épisode de la vie de Pierre Jourde, revenant sur les faits à partir du moment de l'agression jusqu'au procès. L'auteur propose un récit minutieux de l'escalade de violence au village, ainsi qu'une réflexion sur les éléments qui l'ont poussé à écrire « Pays perdu », qui était à l'origine « globalement, un éloge du pays » mais qui a en fait eu le tort de « raviver les souffrances ».

Les années ont passé, mais au village, rien ne sera plus comme avant. Pierre Joudre analyse sans complaisance les causes de la violence ; il a été coupable de maladresses, qui ont transformé de vieux amis en adversaires résolus à le blesser lui et sa famille alors qu'il se réclamait des leurs. « Tu n'es même pas un inconnu, tu es un fantôme, une non-présence. »

S'en est suivi un débat sur la liberté de l'écrivain et le pouvoir de la littérature. Peut-on parler absolument de tout et se dégager des conséquences de ses écrits (ou de ses dessins, ou caricatures…) ?

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N°708 - Décembre 2013.
LA PREMIERE PIERREPierre Jourde – Gallimard.[2013]
C'est bien la première fois que je lis un livre qui est le compte rendu et le commentaire d'un autre livre que je n'ai pas lu. de qui s'agit-il donc ?
L'auteur, Pierre Jourde, romancier, critique littéraire et universitaire est originaire de Lusseaud, un petit village d'Auvergne où il revient chaque année passer ses vacances dans la maison de famille. Il a, en 2003, publié un livre, « Pays perdu » qui, selon ses dires, se voulait être un hommage à ce terroir et à ses habitants, des individus ainsi devenus des personnages de roman dont les noms avait été, bien entendu, transformés. Dans ce premier livre il parlait de la rudesse de la vie montagnarde, de la solidarité qui cimente les gens, tout cela à l'occasion de la mort de la fille d'un voisin. Il se demande d'ailleurs comment « un livre publié chez un petit éditeur par un auteur peu connu »avait bien pu parvenir chez des gens qui pourtant lisent peu. le paradoxe fut sans doute que parmi ses nombreux détracteurs, peu avaient effectivement lu ce récit et que d'autres parmi eux l'avaient trouvé peut-être naïf mais pas méchant. L'ennui c'est qu'une partie de ces derniers qui y avaient pourtant vu au départ « un beau livre » y ont lu une attaque personnelle inacceptable, une incursion dans leurs vies et cette fiction les a « rendu fous de rage ». L'auteur fit donc l'objet de critiques qui nourrirent une polémique et son retour estival a rapidement dégénéré en une lapidation, un véritable lynchage, quelques allusions précises à un adultère ancien de sa grand-mère, la filiation douteuse de l'auteur et des remarques acerbes sur sa vie privée personnelle. Un peu comme si de longues années de jalousie et de haine éclataient enfin en cette journée estivale, sous les yeux de sa famille, un peu comme si Hugo était rossé par les les Thénardier, comme si Zola était bastonné par les Rougon-Macquart ! Tout cela se termine en bataille rangée, un contre tous, mais l'auteur qui pratique la boxe ose se défendre ce qui, dans l'esprit des autochtones aggrave son cas. Sa mère lui avait pourtant conseillé de ne pas répondre si on l'agressait.
Bien entendu, il y a dépôts de plainte de part et d'autre, procès-verbaux de police parfois laborieux, instructions contradictoires, mauvaise foi ordinaire, négations des faits pourtant patents et finalement audience devant le tribunal d'Aurillac avec constitution d'avocats, effets de manches et finalement verdict condamnant tout le monde à des amendes et à de la prison avec sursis. Mais puisque l'auteur est un écrivain, la presse locale et nationale s'en mêle, prend partie, tout comme les réseaux sociaux de sorte que ce qui aurait pu être un épiphénomène devient rapidement une affaire où s'opposent deux conceptions. D'une part un type de la ville, universitaire et écrivain qui, sous couvert de ragots dont il s'est fait l'écho, a violé une communauté paysanne à laquelle il ne comprend rien, montrant l'arrogance des citadins et surtout des intellectuels face aux vrais valeurs de la France rurale incarnées par des paysans désarmés, autant dire une notion pétainiste de la terre « qui ne peut mentir ». D'autre part ceux qui ont aimé ce livre et qui insistent sur l'illustration de la beauté des campagnes et de la vie paysanne, prônent la liberté d'écrire et la sacralisation de la littérature face à des analphabètes. La polémique était donc totale et chacun y allait de son commentaire.
Le problème se posait donc à l'auteur qui, dans la rédaction de « La première pierre » s'interpelle lui-même sous le vocable de « Petit bonhomme ». Il prend conscience, à la lumière de ces faits que la littérature a au moins une fonction, celle de « tenter d'opposer, à toutes les fictions rudimentaire, la complexité du réel » mais ce n'est pas suffisant, il sent qu'il doit s'expliquer plus avant, dégonfler cette baudruche qu'il a contribué naïvement peut-être à créer et que d'autres se sont chargés de gonfler. C'est qu'il a écrit ce livre avec son coeur, surpris par la polémique qui a suivi, nourrie par exploitation partisane de passages sortis volontairement de leur contexte ou mal interprétés dans le seul but de choquer, un peu comme si ce livre ressemblait malgré lui à un os offert à ronger, une sorte d'occasion donnée aux autres de se venger de celui qui certes était d'ici mais qui avait réussi, habitait la ville, écrivait des livres, ne grattait plus la terre et donc ne leur ressemblait plus ! On aurait sans doute voulu qu'il fût, s'autocensurant, moins lui-même, plus consensuel et coopératif avec ceux qui étaient ses personnages, qu'il restât dans les limites « correctes » de la littérature. de ce qui n'était à l'origine qu'une nouvelle relatant les obsèques d'une enfant il a voulu faire un livre où il parlait des gens, de leur histoire, de ce terroir qu'il n'avait pas assez idéalisé, donnant des détails qui ne tissaient pas forcement « une bonne image » de l'Auvergne. Ce faisant, il avait touché aux morts et cela devenait « dégoûtant ». Il fallait donc le lui faire payer. Alors on lui avait renvoyé au visage l'opprobre d'une bâtardise qu'il n'ignorait cependant pas. Et tout est ressorti à partir de là, la faiblesse de ce père tardivement reconnu par le mari de cette mère infidèle et bafoué par elle, l'héritage qui avait fait de lui un riche propriétaire dont des générations de pauvres fermiers trouvaient ainsi, par delà le temps, l'occasion de se venger. Pour eux, les riches dont Jourde fait partie ne pouvaient qu'être mauvais et ce livre était une occasion à ne pas manquer de le dire, malgré les verres entrechoqués, les fêtes données au village, les messes entendues et les coups de main donnés par l'auteur lui-même, pour les travaux des champs. Il était accepté bien qu'il soit définitivement « un étranger ». Ainsi Pierre Jourde se sentait investi d'une mission, celle de rendre à son père sa fierté et c'est avec ce livre qu'il entendait le faire de sorte que « la mort du père menait à l'écriture du livre, ce tombeau ».
Quant aux révélations qu'il fait sur les habitants, le « petit bonhomme » les assume puisque, même si elles sont tragiques, elles n'ont rien de mystérieux, sont connues de tous mais doivent rester secrètes. Pierre Jourde ne se destinait pas à écrire sur ce pays, seul les obsèques de cette jeune fille ont été le déclencheur et dans son livre il évoque le village, l'histoire clandestine de sa famille et « l'incapacité à dire » de l'auteur « avait produit le livre » parce que dans un village tout se sait, même si des choses restent secrètes au sein même d'une famille. Maintenant, après tout cela, quand il revient à Lussaud on l'ignore , il est une non-présence, sauf peut-être quelques-uns que cela ne concerne pas. Il éprouve pour lui ce qu'est le non-pardon mais qui s'étend aussi à tous ceux qui l'ont soutenu, même à ceux qui depuis ont acquis une maison au village et même à leurs enfants ! Pour faire bonne mesure il y a eu une pétition, des menaces, des intimidations, des petites bassesses qui signifiaient à l'auteur que même dix ans après il n'était plus chez lui.

J'ai lu ce livre passionné et passionnant par le problème qu'il soulève mais aussi par la manière lumineuse dont il est écrit. Je l'ai lu comme une autre manière de se libérer, d'exorciser cette haine, malgré le risque de rallumer les querelles à cause des noms cités [« En même temps il faut bien que les choses soient dites »]. Je l'ai lu comme un plaidoyer en faveur de l'écriture qui est une catharsis. Elle est un droit et même un devoir pour l'écrivain parce que qu'il porte en lui doit être exprimer, la sanie qui coule de sa blessure doit être épongée même s'il doit pour cela convoquer des fantômes. L'écrivain n'a pas forcément quelque chose à vendre, il porte en lui un message qu'il doit exprimer avec des mots, quoiqu'il lui en coûte, même s'il bouscule un peu sa famille. Et le « petit bonhomme » doute «  Mais qu'est ce que tu dis là, tu dis ce qu'on ne dit jamais... tu sais que le silence est plus digne...tu installes la honte dans ta maison. La littérature est une honte » mais il s'exprime en voulant surtout ne faire de mal à personne. Il règle des comptes, il aggrave son cas en quelque sorte avec ce deuxième livre, mais il a gardé cette maison au village et je trouve cela plutôt bien, une manière de dire à tous qu'il a fait ce qu'il avait à faire !
©Hervé GAUTIER – Décembre 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com
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Dans Pays perdu, paru en 2003, Pierre Jourde décrivait le petit village du fin fond des montagnes du Cantal dont est originaire sa famille (depuis Louis XIV !), où il a passé des vacances étant gamin (bagarres, s'étaler dans le purin, cuites, travaux champêtres, vêlage, etc...) et est revenu chaque été avec sa famille.

Après parution du récit, certains villageois l'ont lu (ou du moins une partie), n'ont pas apprécié, il y a eu des courriers, surtout l'auteur s'est fendu d'une lettre explicative.

En 2005 le voilà donc revenant avec famille complète et bagages pour un nouveau séjour. Plusieurs villageois foncent dans sa cour. Injures (certaines racistes à l'égard de ses gamins), coups échangés, blessures, jets de pierre (dont l'une atteindra son petit de 15 mois), voiture caillassée, bref, c'est la fuite obligée.
Ensuite en 2007 un procès.

Depuis, fêlures, cassures, on ne se salue pas, ceux qui ont témoigné pour lui sont quelque peu ostracisés, même les nouveaux arrivés au village, des gens de l'extérieur, ont pris fait et cause.

"Tu as été amputé de toi-même. D'un lieu qui est toi-même. Tu ignorais que c'est un livre qui effectuerait cette douloureuse opération. Pas tout le lieu, mais une grande partie de lui, à présent, te rejette. La littérature sépare, comme le scalpel, c'est là son premier effet. Elle sépare, et puis elle recompose aussi."

Un récit écrit non avec je (Pays perdu utilisait le je et le nous), mais le tu . "Et tu comprends brusquement, pauvre naïf petit bonhomme..."

Le procès a eu lieu, donc loin de moi l'idée ou la possibilité de prendre parti. D'ailleurs Jourde ne semble pas vouloir régler ses comptes avec ce livre, et j'ai senti qu'il craignait encore de l'incompréhension. A l'époque, les journalistes se sont déplacés, on en a même parlé à l'étranger. Pas dans mon coin, et finalement je me demande si la clameur n'était pas déjà bien retombée. Sauf les traces au village.

Jourde se défend de certaines accusations, son objectif était de montrer "la royauté dans l'alcool, la noblesse dans la solitude, la grandeur dans la merde." "Au début, ça n'avait pas été un livre, mais une simple nouvelle, qui se cantonnait à la narration des obsèques de la fille de François et Marie-Claude. Une fois la nouvelle publiée, tu lui avais donné les dimensions d'un livre, simplement en décrivant les vivants qui viennent voir la morte, à la veillée, et les morts qui ne pourront pas venir, mais qui sont là quand même. (...) Il n'y avait pas un "eux", ni un "je", mais le plus souvent un "nous" qui t'englobait, toi, ta famille et les autres familles dans une collectivité rassemblée autour du deuil. Qui vous associait dans tout ce que tu évoquais, puisque tu t'étais vautré tout petit dans la fosse à purin, vautré jeune homme dans la neige, perdu d'alcool, puisque ton père, tu le racontais, était issu d'une union adultérine et consanguine. Qui vous associait aussi dans les saisons et les travaux."

Il essaie de comprendre comment ses écrits ont choqué ou été mal compris.
"Aussi t'en veulent-ils, non pas de ce qu'ils croient que tu n'aimes pas, mais bien plutôt de ce qu'ils n'aiment pas en eux-mêmes."
"Dire le handicap, c'est désigner celui qui en est affecté. le désigner, c'est le dénoncer. Il n'y a pas de neutralité de la parole envisagée ainsi. Elles est positive ou négative, elle choisit le bien ou le mal. Par conséquent, dire une chose qui n'est pas belle, ou pas tout à fait normale, vouloir que cela se fixe dans l'écrit, c'est la vouloir en tant qu'elle est mauvaise, c'est vouloir le mal; T. se voyait dénoncé."

Voilà aussi un point important : il reconnaît n'avoir pas réalisé qu'un secret peut être connu de tout un village, mais pas des principaux concernés. L'histoire de son père était connue, mais lui ne l'a apprise que tardivement. de même dans son livre il évoque un secret de ce genre -bien connu- mais la révélation a choqué."Ce dont tu ne t'es pas douté, disait-il, c'est que ces histoires que tu as rapportées, des histoires intimes, il y en a que ne les savaient pas dans la famille."

Il a brisé le "culte du silence qui se transmet de génération en génération dans ces hameaux. Parler de ce qui se passe dans une autre maison, c'est un peu comme y pénétrer. Cela ne peut se réaliser qu'au prix de grandes précautions. L'espace de la maison, avec tout ce qu'il peut contenir d'intimité, a quelque chose de sacré: il est celui de la maîtrise, de la propriété, du quant-à-soi. On reste un moment sur le seuil, on n'entre pas plus loin sans demandes réitérées, on ne s'assoit pas sans le même jeu d'invites et de refus. Une fois assis devant le verre, on ne parle pas de soi, bien sûr, et jamais de ses sentiments, de ses chagrins."

Un récit plutôt plein d'amertume, oui, de tristesse. Heureusement les derniers chapitres nous élèvent au dessus du village, avec le récit d'une des dernières estives, "au cul des vaches" comme on dit par chez moi. "Herbe, vaches, eau, ciel et vent sont les cinq ingrédients uniques qui composent ce monde. Un compromis entre l'Asie centrale et le Far West : le Far Centre."

Pour finir par clamer qu'une fois mort, il demeurera "toujours là, malgré eux, chez soi".
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Suite à la parution de "Pays perdu", où il se livre à un portrait du très reculé village auvergnat de son enfance, l'auteur s'est vu lynché par les familles du village, qui ont très mal reçu ce témoignage, qui se voulait pourtant lyrique et laudatif. La mise au jour de certains secrets de famille autant que la description de leur misère ont été très mal vécues par les habitants qui ont jeté l'opprobre sur Jourde et les siens. "La Première Pierre" raconte les suites de cette affaire, le procès, les conséquences plusieurs années après....L'auteur se livre à une poignante explication de texte, en mettant l'accent une nouvelle fois sur ce "pays perdu" qui malgré sa boue, son absence de modernité, ses vices et ses travers, demeure pour lui un éden pur et simple auquel il revient toujours et qu'il a voulu louer et sublimer par une oeuvre littéraire. Un très beau récit, porté par une plume somptueuse.
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La première pierre c'est la première des pierres qui ont blessé les enfants de l'auteur, Pierre Jourde, lorsqu'ils reviennent le 31 juillet 2005 passer les vacances d'été dans la maison familiale au coeur d'un hameau du Cantal. Les lanceurs de pierre sont les habitants du village qui ont voulu donner une leçon à l'auteur pour les avoir dépeints et avoir révélé des secrets de famille dans un roman publié en 2003 dans la maison d'édition du médiatique Eric Naulleau, " L'esprit des péninsules ". Les pierres avaient été accompagnées de propos racistes à l'égard des enfants et de noms d'oiseaux contre le père, il s'en était suivi une rixe, un procès avait eu lieu, qui avait défrayé en son temps le microcosme littéraire. Bien que les passions ne soient pas totalement apaisées, avec " La première pierre " Pierre Jourde tente d'expliquer comment se construit un livre d'auto-fiction, comment naissent les personnages, en retraçant l'affaire, il veut se justifier, essayer de démontrer que " Pays perdu " était pavé de bonnes intentions, il fait tout pour réduire le fossé qui s'était créé entre les paysans (dont il est issu) et " l'intellectuel " qu'il est devenu. Pour prendre de la distance, au lieu du " je " classique du roman autobiographique Pierre Jourde s'adresse à l'enfant qu'il était, au " petit bonhomme " et emploie le " tu ". le livre débute sur la rixe qui a eu lieu en 2005, elle est décrite un peu comme une bagarre dans les dessins de Dubout, mais rapidement le lecteur sent que c'est une affaire sérieuse. Il se poursuit sur les échanges de secrets de famille, sur les non-dits des villages de la France profonde. Puis, l'auteur décortique l'impact du livre sur des gens qui se sont sentis offensés sans l'avoir vraiment lu, qui n'y ont pas trouvé ce que l'auteur avait voulu y mettre. Il explore l'écart entre les mots des auteurs et ceux que reçoivent les lecteurs. Il se termine sur une magnifique description du pays, notamment de l'estive, le voyage des animaux vers la montagne au printemps, où vers la vallée à l'automne. Comme si l'auteur leur dit, " Voilà ce que je voulais montrer de votre pays ". Dans pays perdu, Pierre Jourde a décrit un monde paysan tel qu'il voulait qu'il reste, c'est à dire celui de son enfance, alors que les paysans, eux, sont persuadés qu'il a changé et ne veulent plus de cette image. C'est l'histoire d'une incompréhension. L'auteur le dit lui-même c'est un " livre incertain " c'est à la fois, un roman, un récit, un pamphlet, un essai sur la littérature. C'est un livre pour solde de tout compte. Pour poursuivre, sur le mot de l'auteur " le Far-Centre ", je dirais que c'est " Règlement de compte à OK Cantal " tel le western de John Sturges en 1957. Lecteur, passionné par le milieu littéraire, "La première pierre", ne pouvaient pas mieux combler ma passion. Un livre sur la naissance et la vie d'un livre publié par une petite maison d'édition, qui a entraîné des réactions passionnées, une agression envers l'auteur, un procès sur la liberté d'écrire, des prises de positions partagées de la part des critiques. C'est très intéressant.

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critiques presse (2)
Lexpress
18 octobre 2013
La Première Pierre, par Pierre Jourde, est un livre douloureux qui rappelle que l'écrivain restitue la complexité du réel.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Bibliobs
13 septembre 2013
Grand livre.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Au début, ça n'avait pas été un livre, mais une simple nouvelle, qui se cantonnait à la narration des obsèques de la fille de François et Marie-Claude. Une fois la nouvelle publiée, tu lui avais donné les dimensions d'un livre, simplement en décrivant les vivants qui viennent voir la morte, à la veillée, et les morts qui ne pourront pas venir, mais qui sont là quand même. (...) Il n'y avait pas un "eux", ni un "je", mais le plus souvent un "nous" qui t'englobait, toi, ta famille et les autres familles dans une collectivité rassemblée autour du deuil. Qui vous associait dans tout ce que tu évoquais, puisque tu t'étais vautré tout petit dans la fosse à purin, vautré jeune homme dans la neige, perdu d'alcool, puisque ton père, tu le racontais, était issu d'une union adultérine et consanguine. Qui vous associait aussi dans les saisons et les travaux.
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Tu as pu, depuis cinquante ans, aller dans toutes les maisons, trinquer, causer. Tu as pu organiser un réveillon pour tout le village, chez toi, l'année de la tempête. Tu as pu danser les jours de fête du pays, te bourrer la gueule, comme tout le monde, au 1er janvier. Tu as pu aider à rentrer les foins, à garder les bêtes, à vêler les vaches. Tuas pu recevoir les enfants à la maison, les faire jouer, les faire dîner. Tu as pu enterrer ton père ici, porter le cercueil de Lucie, assiser aux messes, aux bénédictions des tombes le jour de la Toussaint, tout cela compte pour rien, ne sera jamais rien. Tu restes malgré tout le type de la ville, fils Caliste. On pouvait dire jusqu'ici qu'il n'était pas fier, qu'il causait bien à tout le monde, c'est tout le contraire qui ressort à présent, l'indéracinable certitude que l'homùme de la ville les fait passer pur des arriérés, que le propriétaire terrien les méprise. On peut se croire d'ici, (...), on reste un étranger. (p. 108-109)
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Tu n'es pas ici chez toi : tout est dit. depuis ta propriété, depuis tes bâtiments, celui qui les occupe et les loue te braille aux oreilles que tu n'y es pas chez toi. Lui, enrevanche, il est chez lui. La voilà, la pensée de derrière, qui veillait sourdement pendant les parties de belote et les dîners à la maison, dans cette même maison où tu n'es pas chez toi, dans ce village où l'on a décrété que ta place n'était pas. Et tu comprends brusquement, pauvre naïf petit bonhomme, qu'il en a toujours été ainsi, cela ne date pas du livre, si profond que soit ton attachement à ces lieux dans leurs moindres détails, quels qu'aient été les sourires et les mots aimables, ils avaient décidé, dès le début, que tu n'étais pas d'ici.
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Car des jours peuvent survenir où un pan d'existence, brusquement, se détache du reste, que l'on croyait cohérent. Dans le corps de notre vie, il y a des organes et des membres qui nous paraissent indispensables, sans lesquels nous n'imaginerions pas continuer. On les ampute. Et on continue. (...)

Qu'est-ce qui nous est absolument indispensable ? Sommes-nous faits de telle sorte que, privés et dépouillés de tout, il nous en reste encore assez pour aller plus loin ?
Tu as été amputé de toi-même. D'un lieu qui est toi-même. Tu ignorais que c'est un livre qui effectuerait cette douloureuse opération. Pas tout le lieu, mais une grande partie de lui; à présent, te rejette. La littérature sépare comme le scalpel, c'est là son premier effet. Elle sépare, et puis elle recompose aussi. (p.50)
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La tentative de lapidation collective a donné au village, pour ceux qui ne le connaissaient pas, une image infiniment plus désastreuse que celle renvoyée par le livre et contre lequel elle prétendait réagir. C'aura été le dernier prix à payer : battus, condamnés, ils passent en prime pour des sauvages.
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Une version scénique et inédite de « Bookmakers », par Richard Gaitet, Samuel Hirsch & Charlie Marcelet
Avec Télérama et Longueur d'ondes
En dialoguant avec 16 auteurs contemporains qui livrent les secrets de leur ecriture, decrivent la naissance de leur vocation, leurs influences majeures et leurs rituels, Richard Gaitet deconstruit le mythe de l'inspiration et offre un show litteraire et musical.
Avec les voix de Bruno Bayon, Alain Damasio, Chloe Delaume, Marie Desplechin, Sophie Divry, Tristan Garcia, Philippe Jaenada, Pierre Jourde, Dany Laferriere, Lola Lafon, Herve le Tellier, Nicolas Mathieu, Sylvain Prudhomme, Lydie Salvayre, Delphine de Vigan et Alice Zeniter.
En partenariat avec Télérama et le Festival « Longueur d'ondes »
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