Un magnifique album de photographies en noir et blanc, accompagné du texte tout aussi flamboyant de Marie Susini, qui dit son bonheur, mais surtout sa douleur d'être corse, avec la hantise de l'enfermement de
l'insularité...
Marie Susini exprime au plus près son attachement viscéral et tourmenté à son île, dont elle a ressenti tout au long de sa vie la force de ses racines et le besoin de s'en éloigner pour exister.
J'avais, en 1981, au début de mon parcours de libraire, découvert cet album,
avais admiré les clichés en noir et blancs: paysages et portraits corses, sans avoir pris le temps de lire le texte, reflet très authentique et tourmenté par rapport à la terre corse, aussi tourmentée et riche de tous les contrastes de cette terre.
Un très beau livre alliant les mots et l'intensité du noir et blanc des images.
En cette période d'été, une lecture et perception de l'ile de Beauté, rédigée par une corse , en dehors de tous les clichés et les approximations
habituelles....trop réducteurs
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Treize heures de mer entre la Corse et les côtes françaises. Treize heures qu'on faisait de nuit. Le paquebot, un rafiot sans confort, quittait Ajaccio le soir au coucher du soleil, le lendemain peu après l'aube on était devant Marseille. Si la mer était calme. Car il faut toujours compter avec la fureur imprévisible de la Méditerranée. Quand elle se déchaîne avec sa fougue incontrôlée, il en va tout autrement, comme à mon premier voyage.
Rien n'est plus surprenant, plus inattendu que le paysage corse. Un amoncellement de pics et de ravins, de rocs énormes aux arêtes vives, blocs suspendus de granit étincelant, un excès de pans coupés, tranchants comme du métal, partout la violence, partout la démesure, et la nature arrive à composer une harmonie singulièrement légère et délicate, toute vaporeuse, comme si la matière était du voile de mousseline, l'exécution d'un simple jeu d'enfant. Cela tient du miracle.
Jamais je ne vois la Corse aussi bien, jamais je ne me sens aussi près d'elle que lorsque je suis à Paris où j'ai choisi de vivre, loin d'elle. Et même elle se fait parfois si proche que je sens encore l'intense parfum du maquis au printemps, l'odeur âcre de la terre, lourde des olives noires, celle de la pierre chauffée par le soleil de midi dans l'air tout bleu de la plage. J'entends encore le chant continu de l'oiseau la nuit dans les branches des orangers. Ce visage d'icône devant moi, c'est le visage de ma grand-mère, un visage étroit, lisse malgré son grand âge, un foulard noir noué sous le menton. Un jour elle est allée si loin dans la douleur que l'orient de ses yeux sombres n'a plus reflété que la nuit. (p.89)
Il y a là-bas des matins qui sont comme le premier matin du monde. (...)
Ce paysage aura toujours pour moi la force de la première image que j’ai regardée lorsque j’étais enfant, et comme la première page qu’il m’a été donné de lire. Si le sens profond de ces lignes demeure à déchiffrer, déjà se révélait à moi une présence non soupçonnée encore, déjà me bouleversait la grandeur de cette aventure toute simple qu’est le jour qui commence.
Rien n’est plus surprenant, plus inattendu que le paysage corse. Un amoncellement de pics et de ravins, de rocs énormes aux arêtes vives, blocs suspendus de granit étincelant, un excès de pans coupés, tranchants comme du métal, partout la violence, partout la démesure, et la nature arrive à composer une harmonie singulièrement légère et délicate, toute vaporeuse, comme si la matière était du voile de mousseline, l’exécution un simple jeu d’enfant. Cela tient du miracle.(p.25)
Une très haute chaîne de montagnes, ses pics couverts de neige, qui sort brusquement de la mer ici d'un bleu sombre, voilà ce que les touristes découvrent quand ils viennent en Corse. Je me demande s'il y en a beaucoup parmi eux à pressentir, aussitôt qu'ils la voient, cette menace diffuse qui accompagne l'émerveillement et qu'on éprouve devant toute œuvre d'art. (p.26)