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EAN : 9782864324065
154 pages
Verdier (05/02/2004)
3.92/5   40 notes
Résumé :
Une vieille femme assise sur une chaise dans un parc. Elle attend. Le parc est celui de l'asile de Montdevergues, et l'homme qu'elle attend est son frère. Il s'appelle Paul Claudel. Elle, donc, serait Camille.
Trente années dans le parc, près d'Avignon. Présent, passé, tout se mêlerait dans la grande lumière de là-bas, et se rejoindrait. De l'amour et de la beauté. De la haine. De l'abandon. Et de ce que c'est que la fin des choses quand, de si près, depuis s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Voltaire : « ce monde est un grand Bedlam, où des fous enchaînent d'autres fous».
La robe bleue c'est le récit d'une mise au secret, d'une mise au tombeau.
Fous, folles, folie. Combien de mots tissent le linceul du génie.
Évidement hors norme. Évidement étrange. Évidement abondant.
Dépasser par la puissance qu'il contient. Submerger du dedans.
Un chagrin, une ombre, une parole, une absence suffit à fêler le plus pur cristal.
Nous n'étendons pas toujours ce vibrato qui provoque la fêlure.
Nous en sommes presque toujours tous ensemble les instrumentistes de cette fêlure.
Comment en songeant à cette femme assise devant le porche de cette maison, ne pas penser au coeur des agates ? Ces pierres que Roger Caillois nous a conté.
Ce coeur enfermé dans une gangue de pierre, là depuis la nuit des temps, et qui pour peu qu'il retrouve une chaleur extrême se remet à battre.
Un coeur pétrifié dans une gangue de pierre.
Elle aura eu le malheur de naître à une époque qui n'était pas la sienne.
Dans un monde qui n'était pas le sien.
Prisonnière d'un temps qui ne la reconnaissait pas, ne voulait pas la savoir.
Différents, ainsi nomme-t-on les fous.
Douce folie, folie furieuse.
La musique du fou répond le plus souvent à la violence des mains qui frappent contre sa porte.

Fille, soeur, voilà le malheur. Maîtresse, voilà le marteau qui portait ses coups contre son coeur.
Le bon ton, la bonne mesure, cela ne convient pas à ces âmes là. Étroitesse d'un homme qui cache sa défigure sous l'étiquette du maître, étroitesse d'une famille, d'une mère, d'une soeur, d'un frère.
Déniant qui elle était pour sauvegarder ce qu'ils espéraient pouvoir atteindre.
Étroitesse d'un siècle, d'une société. Qui ne voit en la femme qu'un ventre et qui lui refuse l'outil de sa main.
La mise au tombeau au nom d'une paix sociale, au nom de l'équilibre d'un monde qui allait basculer sa « bien- disante » saine raison dans deux guerres mondiale apocalyptiques.
Un mondé choqué par le corps, les bouches et les baisers d'un femme. Un monde choqué par la beauté d'un nu entre les mains d'une femme mais qui acceptera au son des ses tambours de produire des millions de corps mutilés, estropiés, démembrés, brûlés, pulvérisés.
La petite robe bleue a comme un parfum de fin du monde.
Un texte terrible comme leurs actes, un texte magnifique comme ce qu'elle sera toujours.

Astrid Shriqui Garain.
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C'est avec plaisir que j'ai relu ce livret de 155 pages, concernant, pour moi, la figure la plus talentueuse et la plus dramatique des artistes du XXe siècle.

Qui ne connaît pas la photo emblématique de cette vieille dame, assise sur une chaise, les mains croisées sur ses genoux, les yeux perdus dans le vague de ses souvenirs, une moue désabusée dessinée sur les lèvres, dans l'attente interminable de quelqu'un venu la délivrer de l'enfer de l'asile ? Michèle Desbordes s'est emparée de cette image lugubre, d'une tristesse infinie, pour imaginer le déroulement monotone de la vie d'aliénée de Camille Claudel. Car il s'agit bien de cette passionnée de la vie, de l'amour et de son art, cette femme au talent incommensurable à laquelle on a coupé les ailes.

Que faire dans un lieu si tristement désolé hormis attendre, attendre Paul, attendre son "petit Paul", ce frère pour lequel elle s'est battue bec et ongles pour qu'il puisse réaliser son projet d'écriture, ce frère qui parcourt le monde entier au gré de ses mutations d'ambassades, ce frère qui a signé sa demande d'internement et par là même, l'arrêt brutal de toute forme d'expression, orale comme sculpturale, ce frère qui ne vient que rarement la voir, même lors de ses passages en France, ce frère qui la néglige et qu'elle aime malgré et plus que tout.

Sur sa chaise bancale, devant le pas de la porte, Camille rêve et ressasse les temps forts de sa vie ; son enfance à Villeneuve, entourée de l'amour paternel, bridée par la dureté de sa mère ; son échappée vers Paris, intégrant l'atelier du Maître, Auguste Rodin ; son ardente passion pour cet homme ; ses divagations dues à l'alcool, la malnutrition, l'insécurité, le sentiment de persécution, qui finiront par l'engloutir au fond d'un asile.

Reprendre "La robe bleue", c'est me replonger dans la détresse et dans la solitude d'une femme que j'admire depuis longtemps. Ce livre est un réel hommage à l'impétueuse et à la rebelle Camille, dévorée par la passion de son art et de son amour brûlant pour Rodin. Je suis toujours aussi bouleversée devant ses sculptures qui sont une mise à nu de l'artiste, à chaque période de sa vie. La sensualité de la "Valse" ou de "Vertumne et Pomone" (ou Sakountala, ou L'Abandon), le désespoir de "L'implorante" retrouvée dans "L'âge mûr", la finesse dans "Les Causeuses" ou "La vague", me submergent à chaque fois.

le talent n'occulte pas les démons qui ont pris possession de l'esprit fiévreux de Camille. À son époque, la psychiatrie était à ses balbutiements et les délires de paranoïa avec lesquels elle se bat n'ont pas de traitement. Seul l'enfermement est préconisé pour retirer l'inopportun à l'abri des regards. Aujourd'hui, l'origine du mal serait attribuée à un burn-out dû à un travail intense, acharné, sans manger ni dormir. Devait-elle être rayée de la famille et subir l'isolement, privée de visites et de correspondance pour autant ? de cette "folle furieuse, dévergondée", qualificatifs abondamment utilisés par sa mère, il reste les oeuvres, celles qu'elle n'a pas détruites, celles qui laissent entrevoir tous les trésors qui ont disparu. C'est grâce à sa petite-nièce, Reine-Marie Paris, petite-fille de Paul, que le travail de cette sublime artiste sort de l'oubli. En 1958, cette jeune femme a 20 ans et découvre, presque par hasard, le travail de son aïeule, maintenu à l'ombre du tabou familial.

Je n'ai jamais eu une grande admiration pour la littérature de Paul Claudel. Son comportement d'évitement vis-à-vis de sa soeur, ne m'a pas mise dans de bonnes dispositions à son égard. Reine-Marie Paris, a confié lors d'une interview de 2014 :"Mon grand-père avait nourri une énorme culpabilité toute sa vie, au-delà de la mort de Camille. Il pensait ne pas avoir fait ce qu'il aurait dû." Sa conscience l'aurait-elle démangée un tout petit peu ?

Ce roman, bien que basé sur la correspondance et inspiré de la vie et des oeuvres de Camille Claudel, est une fiction. Par son style original et sa magnifique écriture, Michèle Desbordes imagine la détresse de cette femme, livrée à ses démons, recluse et abandonnée à une détresse gênante, ballottée de l'asile de Ville-Évrard en Seine-Saint-Denis à celui de Montvergues à Montfavet en Avignon comme un paquet encombrant. Son internement durera trente ans, sans qu'elle touche un seul gramme de terre glaise, et pendant lesquels son "petit Paul" adoré ne lui rendra visite qu'une dizaine de fois ! En 1943, à 78 ans, Camille Claudel meurt dans l'indigence, le froid et la faim, comme 40 000 malades mentaux en France. Dans l'indifférence générale, elle sombre dans l'oubli. Aucun membre de sa famille n'assistera à son inhumation, ni ne réclamera son corps, qui finira dans l'ossuaire du cimetière de Montfavet. Seule jusqu'à bout !

« Une inordinaire solitude » M. Desbordes

« Rien ne dit la peur ou la tristesse, ni la violence d'un désespoir. » M.Desbordes

« Il y a toujours quelque chose d'absent qui me tourmente. » Camille Claudel, Lettre à Rodin, 1886

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A partir d'une photo de vieille femme assise sur une chaise, Michèle Desbordes déroule le fil de l'attente. La photo a été prise en 1929 à Mondevergues, un asile psychiatrique du Vaucluse. La femme, c'est Camille Claudel. Celui qu'elle attend, c'est son frère Paul, son « petit Paul ». Depuis l'enfance, ces deux-là sont liés, inexorablement. Liés par un amour indéfectible, par leur envie d'aller croquer la vie autrement, ailleurs, loin des codes imposés par leur famille bourgeoise. Paul, c'est aussi le seul membre de la famille qui viendra visiter cette soeur internée lors de ces longues années à l'asile. Quand il peut, entre deux voyages, entre deux postes de consul ou d'ambassadeur. le reste du temps, Camille attend et Michèle Desbordes imagine cette attente plongeant dans le passé talentueux et tumultueux de la sculptrice.

La langue de Michèle Desbordes traduit à elle seule les journées monotones, l'attente continue, le vide des jours, l' « exil » de près de trente ans. L'auteur aborde aussi les souvenirs, ceux de l'enfance, d'étés lumineux, ceux de l'amour, du désir et de la rupture avec Rodin, l'enfermement ensuite dans l'atelier où Camille Claudel restait cloîtrée, le manque d'argent, le bruit infernal qui gêne les voisins, les enfermements dans le silence ou la grande volubilité, la chute lente dans la folie et le bruit des chevaux qui l'emportent vers l'asile de Ville-Evrard avant d'être transférée à Mondevergues. Il y est aussi question de création, du travail acharné, des splendeurs qui naissent de la puissante énergie créative de Camille Claudel.

Récit envoûtant, nourri de l'oeuvre, de la correspondance et de la vie de Camille Claudel, La robe bleue est aussi un récit imaginaire, celui des années d'enfermement. Un livre-hommage magnifique au plus près de Camille la femme, Camille la rebelle, Camille la talentueuse, Camille l'amoureuse, Camille la soeur, Camille la passionnée.
Lien : http://lencreuse.over-blog.com
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Figée dans l'éternelle attente, assise sur une chaise dans le parc de l'asile de Montdevergues, Camille attend la venue hypothétique de son frère Paul,ce frère qu'elle a tant chéri. Résignée, après avoir longtemps lutté, abandonné de tous, la fougueuse jeune fille, passionnée, amoureuse intransigeante, déterminée et entière, s'est laissée dompter. Muette à présent, enfermée de longues années, cette force vivante ne vit plus que de souvenirs. Michèle Desbordes fait revivre avec force cette femme qui s'est donnée corps et âme à ses passions qui l'ont dévorée et consumée. Comme tous les écrits de Michèle Desbordes, celui-ci est lumineux et bouleversant.
Ecrivain de l'intime, du questionnement, du retour vers les années d'enfance, celle qui ont blessé, les traces indélébiles, elle fouille la mémoire, les souvenirs sous la forme d'un long cheminement, elle va chercher au plus profond ce qui lui tient à coeur et la bouleverse, les drames qui jalonnent l'existence.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Et cela avait duré quelques années qu'elle avait comptées et recomptées et durant lesquelles, lettre après lettre, elle avait demandé que sa mère prit le rapide et vînt la voir, la sortît de chez ces fous où elle dépérissait, et la mère était morte sans jamais prendre le rapide ou quoi que ce fût d'autre pour aller là-bas, ni rien dire que ce qu'elle disait depuis le commencement, à savoir que tout n'était qu'habitude et qu'avec le temps on se faisait à tout, oui un jour elle finirait bien, elle Camille, par se faire à cela, cette maison, cet éloignement, et à ce moment-là elle avait plus de soixante ans, non pas la mère mais la fille, elle en avait même bientôt soixante-dix, et disait qu'elle ne pouvait oublier, si bien qu'un jour elle ne demandait plus rien, et s'asseyait là sur ces chaises d'où elle ne bougeait plus, vieille, si vieille que lorsqu'il venait il peinait à la reconnaître.
Oui, ce jour inconnu d'elle, où malgré les suppliques, les plaintes et les reproches, sans même savoir elle renonçait, ce jour qui, d'une invisible ligne, d'une invisible frontière, une dernière fois marquait le temps d'avant et le temps d'après, l'impossible, douloureux partage, et le dernier de tous. Le jour venait où elle n'avait plus rien à dire ni demander, où la révolte, la colère n'avaient plus même de sens, ce jour-là venait, et alors n'était-elle pas là, enfermée et repentante, et soumise comme il désirait qu'elle fût, sans plus rien à faire qu'il eût à réprouver, avec, écrivait-il dans ses livres, cette figure claire et dessinée devant lui comme un plan d'église, bien calculée avec la règle et le compas ?
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Car ce ne serait pas cette robe qu'on a dite, et qu'on voit sur les photographies, la robe triste et morne qu'elle revêt les jours qu'elle veut paraître bien mise, ce ne serait pas cette robe-là de vieille proprette et bien mise avec ses rayures pâles dans le sombre de l'étoffe, ce serait une autre, et qu'il ne lui aurait jamais vue, bleue comme ses yeux, bleue comme la mer où ils sont ce jour-là, une robe longue et bleue, si légère dans le vent, qu'elle lui paraît d'un autre temps, une robe comme autrefois lui semble-t-il, et d'un coton, d'une toile qui dit le radieux d'un jour d'été, une étoffe qui se lève dans le vent, légère bat les chevilles, et parfois d'un grand mouvement vole autour d'elle. Un calicot, une étamine bleue. Une toile douce où passe l'air, la brise du bord de l'eau.
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les cèdres et les tamaris dont on sentait les parfums sur toute la colline, et s’il faisait beau ils partaient sur les allées et marchaient dans le parc, parfois même sur les sentiers qu’il y avait après les pavillons, ils marchaient ensemble comme autrefois, foulant les broussailles et les petites garrigues, les odeurs très chaudes, et s’arrêtant pour reprendre souffle ils contemplaient les Alpes et le Lubéron.
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Elle ne savait plus avec qui elle se rendait à la mer cette année-là, ni lequel des deux la photographiait sur la plage de sable clair, elle se souvenait seulement qu'elle prenait le train pour la mer, elle se souvenait d'ivresse et de bonheur, et de ces deux hommes-là qu'elle aimait, ne faisait qu'aimer, les revoyant chacun d'eux, le frère, l'amant, comment savoir, quand elle pensait à l'un elle pensait à l'autre, consentante ou indécise, mais toujours revenant à cette force, cet amour de grief et de colère contre quoi elle ne pouvait rien, si ce n'est parfois le rejeter et dire que tout était fini, comme finissait, s'enfouissait dans le passé - et si cruellement que c'était mourir - cela même qu'elle désirait et rêvait, et chaque jour donnait le bonheur, oui lorsque cela qui donnait le bonheur ne pouvait jamais que basculer dans d'incommensurables, douloureux abîmes.
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Ainsi la trouvait-il quand il arrivait, à l’ombre des chênes où elle s’installait pour le voir franchir les grilles et pénétrer dans la cour, la petite place aux platanes où il prenait l’allée du haut, le chemin de terre et de pierres qui bientôt s’étrécissait jusqu’à devenir l’étroit raidillon sous les arbres
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Video de Michèle Desbordes (2) Voir plusAjouter une vidéo

Ecrits intimes : Michèle Desbordes : La Robe bleue
Olivier BARROT présente "La Robe bleue", de Michèle DESBORDES. Elle y relate l'ascension et la chute de Camille Claudel.Lecture d'un passage du livre par Jacques BONNAFFE.Musique classique en fonds sonore (non identifiée)Lieu de tournage : Cabourg, Calvados
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