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EAN : 9782757803967
192 pages
Seuil (30/11/-1)
4.55/5   50 notes
Résumé :
4ème de couverture de "La rose de personne" le titre affiché par Babelio est une erreur)

"Un rien
nous étions, nous sommes, nous
resterons, en fleur :
la rose de rien, de personne"

Au plus près des bouleversements qui affectent son existence et son époque, Paul Cela signe avec "La Rose de personne" son livre souvent considéré comme le plus important. Sa dimension politique est affirmée dès la dédicace liminaire en ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Des textes très forts, d'une grande intensité.
La Rose de personne porte en elle la mémoire de la Shoah, est profondément imprégnée du tragique de l'existence humaine - mais pas que. Dans cette mystique négative, il y a un élan vital malgré tout, nous ne sommes rien, mais nous voulons fleurir - du moins, c'est ce que je ressens, étant entendu qu'une des grandes forces de la poésie de Paul Celan est d'être ouverte à de multiples interprétations.

«Personne ne nous repétrira de terre et d'argile,
personne ne bénira notre poussière.
Personne.

Loué sois-tu, Personne.
Pour l'amour de toi nous voulons
fleurir.
Contre
toi.

Un rien
nous étions, nous sommes, nous
resterons, en fleur:
la rose de rien, de personne.»

Paul Celan dit ne pas voir «de différence entre une poignée de main et un poème», sa poésie touche, étreint, on ne la comprend pas vraiment, jamais complètement, mais quelque chose de fort se passe. C'est dense, et ça vibre.
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Ecrire après la Shoah...


Paul Celan est né à Czernowitz -en Bucovine, province actuelle de l'Ukraine-, en 1920. Sa vie et son oeuvre sont marquées par la persécution des Juifs : ses parents meurent dans un camp nazi, il est lui-même l'un des survivants d'un camp moldave.

S'il est reconnu comme le plus grand poète juif et le plus grand poète de langue allemande du 20ème siècle, il écrit une poésie universelle, un cri contre l'inhumain poussé dans une langue qui est celle-là même des bourreaux mais à laquelle il redonne vie en l'ouvrant vers le salut et la rédemption.

Bien qu'il compose une poésie difficile d'accès et hermétique, il est celui qui écrit :
« A UN QUI SE TENAIT DEVANT LA PORTE, un
soir :
à lui
j'ouvre ma parole »
et c'est ce qu'il fait pour chaque lecteur qui veut bien accepter de se laisser conduire par les mots sur un chemin qui va de l'obscurité vers la réhabilitation de l'« espèce humaine ».


La très intéressante postface de la traductrice, Martine Broda, éclaire les différents aspects symboliques de la rose dans ce recueil. Ses « métamorphoses prouveront que le livre fait ce qu'il dit qu'il fait, que sa composition est un trajet, un itinéraire. Il est une quête, et il trouve quelque chose ou arrive quelque part ».
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Paul Celan, poète roumain d'origine juive et d'expression allemande, est quelqu'un de difficile à rencontrer : sa poésie est âpre, austère, aussi elliptique parfois que du René Char (mais sans ses concetti tarabiscotés), et elle se prête mal à l'effusion lyrique et au partage. C'est peut-être pour cela que je n'ai eu accès à lui que par divers médiateurs : Rachel Ertel (dans son essai-anthologie sur la poésie de l'anéantissement, "Dans la langue de personne"), Norman Manea et, plus modestement, à la faveur d'une mode passagère qui ramena la problématique de la littérature juive à l'honneur en France, dans les années 80 et les milieux informés. L'attention fut attirée aussi par l'entretien qu'il eut avec Heidegger, dont la philosophie fait une place bien particulière à la poésie. En un mot, ses poèmes sont magnifiques, et pour une fois les modes littéraires n'ont pas eu tort de l'amener à la lumière.


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Paul Celan nourrit sa poésie des traditions kabbalistes. Il y a du mystère dans ses vers, de la mysticité! Mais cette obscurité est aussi pleine de lumières, les poèmes de ce recueil tracent les transmutations de la Rose de Personne, on passe des gouffres béants du Néant solitaire aux constellations irradiantes de l'universel.
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
     
... Elle est enfin la rose des vents, qui sert encore à s’orienter, au-delà du naufrage possible. Librement, sauvagement effeuillée :
     
frei,
entdeckerisch,
blühte die Windrose ab, blätterte
ab, em Weltmeer
blühte zuhauf and zutag, im Schwarzlicht
der Wildsteuerstriche […]
     
     
libre,
à la découverte,
la rose des vents s’épuisa en fleurs, s’effeuilla,
un océan
fleurit en masse et au jour, dans la lumière noire
de la déroute du gouvernail affolé [...]
     
(Die Silbe Schmerz / Les syllabes douleur)
     
Le verbe « abblühen », difficile à traduire, indique que la rose fleurit jusqu’à se défaire. C’est là son suprême accomplissement : il n’est pas du destin d’une rose de durer, mais plutôt de s’effeuiller, dans le vertige sans fin du don. (…) Le trajet du livre est bien un mouvement universalisant. La « rose » est passée de « Personne » à « personne » où « personne » trouve la possibilité qui l’égale à « tous ». (…) Au bout du livre, la rose se défait : plus de destin juif qui se sépare du destin moderne de l’homme.
     
Si la « rose » est un don, « personne » est son destinataire. (…) Le même mouvement entraîne la rose, dans « un tourbillon de métaphores, vers l’accomplissement de son destin, et le poème vers l’Interlocuteur providentiel...rose des vents : ce mouvement orienté que l’écriture produit, Celan le nomme « souffle » ou « direction » (Le Méridien).
     
Traduction et Postface de Martine Broda, pp. 184-185.
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ARBRES-AUX-LUEURS
     
Un mot,
pour lequel j’ai bien voulu te perdre :
le mot
jamais.
     
Il y avait,
de temps en temps tu le savais aussi,
il y avait
une liberté.
Nous nagions.
     
Sais-tu encore, que je chantais ?
Avec l’arbre-aux-lueurs, le gouvernail.
Nous nagions.
     
Sais-tu encore, que tu nageais ?
Ouverte tu étais devant moi,
tu étais, étais
devant moi,
devant l’a-
vancée de mon âme
Je nageais pour nous deux. Je ne nageais pas.
L’arbre-aux-lueurs nageait.
     
Nageait-il ? Il y avait
une mare autour. Il y avait l’étang sans fin.
Noir et sans fin, suspendu,
Suspendu, en aval du monde.
     
Sais-tu encore, que je chantais ?
     
Cette —
O cette dérive.
     
Jamais. Aval du monde. Je ne chantais pas. Ouverte
tu étais devant moi, devant
l’âme en voyage.
     
     
pp. 52-53
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toi qu'au fond des temps,
dans le Rien d'une nuit,
j'ai dans la Non-nuit ren-
contrée, toi
Non-toi –
     
...
     
et parfois, quand
il n'y avait plus que le Rien entre nous,
nous nous trouvions
     
l'un l'autre tout à fait.
     
     
'RADIX, MATRIX', extrait, p. 63
& 'TANT D'ÉTOILES' / 'Soviel Gestirne', extrait, p. 21
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LES SYLLABES DOULEUR

Il s'offrait à Toi dans ta main :
un Tu, sans mort,
auprès duquel tout le Je revenait à soi. Autour
circulaient des voix sans mots, des formes vides, tout
passait en elles, mêlé,
démêlé,
et à nouveau
mêlé.

Et des nombres étaient
tissés dans
l'innombrable. Un, mille, et ce qui
devant, derrière,
était plus grand que soi, plus petit, mené
à terme, puis dans une métamorphose
à rebours et suivie,
transformé en un
jamais germinant.

De l'oublié harponna
du bientôt-oublié, parties du monde, parties du coeur
nageaient,
sombraient et nageaient. Colomb,
le colchique
dans l'oeil, hors-temps, la fleur-
mère,
massacra mâts et voiles. Tout prit le large,
libre,
à la découverte,
la rose des vents s'épuisa en fleurs, s'effeuilla,
un océan
fleurit en masse et au jour, dans la lumière noire
de la déroute du gouvernail affolé. Dans des cercueils,
des urnes, des canopes,
s'éveillaient les petits enfants
Jaspe, Agathe, Améthyste - peuples,
tribus et familles, un aveugle

Soit-il

se noua dans
le cordage libre
à tête de serpent -: un
noeud
(contre-noeud, anti-noeud, non-noeud, jumeau et multiple
noeud), auquel
la couvée aux yeux de nuit-carême
des étoiles-martre dans l'abîme
ép-, ép-, é-
pelait.
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S’il venait, 
venait un homme,  

venait un homme au monde, aujourd’hui, avec 

la barbe de clarté 

des patriarches : il devrait,

s’il parlait de ce 

temps, il 

devrait
bégayer seulement, bégayer, 

toutoutoujours 

bégayer.  
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Vidéo de Paul Celan
Chaque mois, un grand nom de la littérature contemporaine est invité par la BnF, le Centre national du livre et France Culture à parler de sa pratique de l'écriture. L'écrivain Stefan Hertmans est à l'honneur de cette nouvelle séance.
Rencontre animée par Cécile Bidault, productrice chez France Culture
QUI EST STEFAN HERTMANS ? Stefan Hertmans, né à Gand en 1951, a publié plusieurs recueils de poésie, des essais et des romans. Son oeuvre poétique a été récompensée par le prix triennal de la Communauté flamande. Son roman Guerre et Térébenthine, traduit dans vingt-quatre langues, a été nommé pour le Man Booker International Prize. Il a publié tous ses romans aux éditions Gallimard, dont Une ascension en janvier 2022. Dans la collection « Arcades » paraît également en mai 2022 Poétique du silence, un volume regroupant quatre essais de Stefan Hertmans sur la modernité poétique dans ses rapports au langage et au mutisme, concentré de ses réflexions sur les oeuvres de Hölderlin, de Paul Celan et De W.G. Sebald notamment.
En savoir plus sur les masterclasses littéraires : https://www.bnf.fr/fr/agenda/masterclasses-en-lisant-en-ecrivant
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